Depuis deux siècles on réimprime, on juge, on critique ses œuvres ; on retrace sa vie, on joue ses pièces sur le théâtre. […] Mais il est vrai de dire que Molière, quelque autre langage qu’il parle, défie également la critique des gens du métier. […] « L’École des maris, dit un critique, n’est ni un sermon, ni une œuvre didactique. […] La foule s’y porta avec ardeur ; mais la critique se déchaîna avec passion. […] Il ne répondit qu’un mot rapide à ses accusateurs dans La Critique et rien dans L’Impromptu.
Aussi mon intention n’est-elle point d’ajouter ici quelques pages de critique littéraire aux multiples travaux mentionnés dans la Bibliographie moliéresque de M. […] Auguste Comte écrit, à la fin de son Discours sur l’ensemble du positivisme : « La vie privée pouvait seule fournir au mouvement moderne une suffisante manifestation de son caractère critique et de sa tendance organique. […] Ce comédien intrépide, dont la vie fit un penseur, eut sur les gens de lettres et sur les intellectuels de son temps une influence moins aisée à déterminer que celle de Descartes ; mais cette influence dut être considérable sur l’ensemble du public, pour qu’elle liguât contre lui des catholiques convaincus, d’esprit aussi différent que le prince de Conti, la duchesse de Longueville, le docteur janséniste Arnauld et le jésuite Bourdaloue, et lui valût d’autre part cette précieuse protection du roi Louis XIV, qui, selon l’expression de Comte, « ne résulta pas seulement des goûts personnels d’un dictateur alors progressif, mais aussi de la tendance d’une telle critique à seconder rabaissement de l’aristocratie et même du clergé ». […] Alceste est sympathique, mais il faut qu’il soit ridicule, et sa critique du sonnet d’Oronte est outrée, risible comme la tirade de Chrysale contre l’instruction des femmes. […] N’est-ce pas de ce soin que s’acquittent à merveille, au xviie siècle, chacun dans leur milieu, les Don Louis, les Clitandre, les Dorante (de la critique), les Ariste, les Cléante, les Madame Jourdain, les Eliante, les maître Jacques, les Martine, les Dorine, les Toinette… ces gens du monde, ces bourgeoises, ces valets, ces servantes de Molière, de conditions bien différentes, mais qui tous possèdent ces mêmes qualités supérieures : la bonté souriante et le bon sens.
Je ne ferai nulle comparaison de la critique fine qui regne dans cette scene, avec tout le sel qu’il peut y avoir dans l’acte entier de la piece italienne. […] Pour moi, je la regarde comme une satyre délicate sur tous les faiseurs de projets en général, & comme une vive peinture de toute la critique moderne. […] Concluons donc, d’après l’Auteur Anglois, que Moliere en l’imaginant a fait la critique de tous les faiseurs de projets.