Il n’est pas un feuillet à sauter dans ces petites pièces composées pour des fêtes ; dans L’Avare, son chef-d’œuvre en prose ; dans Amphitryon, qui est écrit comme L’École des Maris ; dans ces impromptus d’un homme qui, la même année, malgré ses chagrins domestiques et les soucis de sa direction, pouvait faire, avec le Tartufe, le Sicilien ; avec le Misanthrope, le Médecin malgré lui ; la grande pièce avec la petite pièce.
Tout ce que l’Odéon a pu s’épargner, ç’a été le chagrin de les aligner de front : il les a rangés un peu en biais ; mais, pour avoir ce peu de biais, Elmire et Tartuffe tournent un peu plus le dos à la cheminée. […] « Pour l’homme aux rubans verts, il me divertit quelquefois avec ses brusqueries et son chagrin bourru ; mais il est cent moments où je le trouve le plus fâcheux du monde.
Rousseau reproche encore à Molière d’avoir donné à Alceste des colères personnelles, des colères égoïstes, où son intérêt personnel est engagé et oùAlceste n’a pas le détachement que doit avoir le vrai misanthrope, le misanthrope par philanthropie. « Le tort de Molière, dit-il, en très grand critique du reste, n’est pas d’avoir fait du misanthrope un homme colère et bilieux, mais de lui avoir donné des fureurs puériles sur des sujets qui ne devaient pas l’émouvoir… Ce caractère âpre et dur qui lui donne tant de fiel et d’aigreur dans l’occasion l’éloigne en même temps de tout chagrin puéril qui n’a nul fondement raisonnable et de tout intérêt personnel trop vif dont il ne doit nullement être susceptible. […] Il dit à Eliante : Je crois que notre ami, près de cette cousine, Trouvera des chagrins plus qu’il ne s’imagine ; Et s’il avait mon cœur, à dire vérité, Il tournerait ses vœux tout d’un autre côté, Et pour un choix plus juste on le verrait, Madame, Profiter des bontés que lui montre votre âme. […] C’est désormais Eliante qui aura le crédit et qui sera quelque chose dans le monde ; elle était la femme de Monsieur, il devient le mari de Madame, et c’est chose dont on le voit inconsolable, et c’est un peu parce qu’il est dans ces dispositions chagrines qu’il reçoit mal Alceste et qu’il est irrité quand Alceste le prie de solliciter pour son infortuné inconnu, « Voilà ce que cela rapporte d’être le neveu d’un ministre ! […] Je n’y vois pour ta flamme aucun lieu de murmure ; Et c’est moi, dans cette aventure, Qui, tout dieu que je suis, dois être le jaloux… Sors donc des noirs chagrins que ton cœur a soufferts, Et rends le calme entier à l’ardeur qui te brûle : Chez toi doit naître un fils qui, sous le nom d’Hercule, Remplira de ses faits tout le vaste univers.