Moliere a fait encore voir dans cette comédie l’art avec lequel il savoit prendre l’esprit de plusieurs ouvrages pour en composer un seul. […] Il eut l’art de s’introduire chez la dame, sans savoir qu’elle étoit l’épouse de son maître : il eut l’art de lui plaire : il eut l’art enfin de pousser l’aventure bien loin. […] Rome eut naguere un maître dans cet art Qui du tien & du mien tire son origine, Homme qui hors de là faisoit le goguenard ; Tout passoit par son étamine : Aux dépens du tiers & du quart Il se divertissoit.
Molière doit à l’auteur de L’Inavvertito, avec le sujet de sa pièce, la plupart des incidents qui en forment l’intrigue ; mais on me croira sans peine, lorsque j’affirmerai qu’en général il les a disposés avec plus d’art, qu’il les a quelquefois modifiés très heureusement, et que toujours il les a embellis par une exécution plus vive, plus ingénieuse et plus comique. […] Les peines et les plaisirs que leur font éprouver les autres, ne peuvent égaler en vivacité ceux dont la source est en eux-mêmes, et par conséquent ils ne sauraient nous toucher autant : cette observation morale, convertie en règle dramatique, est un des plus heureux secrets de l’art, et la découverte en est due à Molière, comme celle de beaucoup d’autres.
A celui qu’on ne connoît que trop, & qu’on emploie sans le moindre art, quoiqu’il en demande beaucoup. […] Il est bon de remarquer que si la regle ordinaire exige qu’on annonce l’arrivée d’un acteur & le sujet de sa scene, l’art demande quelquefois le contraire ; c’est lorsque l’Auteur veut ménager une liaison de surprise.