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111. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Entrez à cette fête heureuse des yeux enchantés et des oreilles charmées, vous n’entendrez parler que de l’amour, vous n’avez sous les yeux que des faces amoureuses et tout au moins des galanteries à brûle-pourpoint ! […] c’est l’éternel amoureux de la comédie. […] Notre ami, tout rempli d’admiration pour cette comédie incomparable, disait cependant que les jeunes filles n’avaient rien à y voir, qu’elles étaient cruellement déplacées dans ce drame du plaisir et de la joie où l’amour et l’esprit se tiennent, si étroitement pressés, qu’il n’y a plus de place pour les plus simples sentiments du cœur ; il disait encore que la comédie de Molière, toute remplie de pères crédules, de vieillards amoureux, de jeunes gens éveillés, de soubrettes égrillardes, de valets goguenards, cette comédie où rien ne manque, pas même l’entremetteuse et l’escroc, n’était pas faite pour y faire apparaître des enfants frais et blonds. […] — C’est Molière lui-même qui éveille sa troupe, car en ce temps-là il était comédien, il était directeur de comédiens, il était poète,-il était courtisan, il était amoureux, il était jaloux, il aimait sa gloire comme il aimait sa femme.

112. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. De la Diction. » pp. 178-203

Prenons, pour le prouver, le moment intéressant où Pamphile, amoureux de l’Andrienne, peint les chagrins que lui a causé son pere, en lui ordonnant de se préparer à épouser une autre femme. […] Il a fallu d’abord préparer toutes choses, De l’empire amoureux lui déplier les roses, L’induire à se vouloir baisser pour en cueillir. […] Les esprits justes, les esprits vrais ne souffrent qu’avec peine que l’on préfere aujourd’hui des comédies composées de saillies & d’épigrammes ou de déclarations amoureuses, aux bonnes comédies, qui ne sont parées que d’une action simple & naturelle.

113. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Des grotesques, des sols, des vicieux, des jaloux, des amoureux, cela fourmille dans tous les chemins et pose devant tous les crayons. […] Après treize ans de courses et d’aventures, âgé de trente-sept ans, il revint à Paris, rapportant l’Étourdi, le Dépit amoureux, et quelques bagatelles. […] On prit doucement la scène très-peu tendre des deux amoureux, et l’on ne se dérida un peu qu’aux lazzis d’Orgon, cherchant l’occasion de souffleter Dorine. […] Le conciliant et prudent Philinte se laisse aller comme les autres à crayonner des portraits satiriques ; la douce Éliante se pique lorsque le Misanthrope lui annonce qu’il ne lui demandera plus de le consoler, et se fait aussitôt ramasser par Philinte, devenu subitement imprévoyant ; la prude Arsinoé se met au rabais sans nulle pruderie ; les galants hommes de cour font à Célimène une scène de rustres achevés ; la coquette et l’évaporée Célimène déploie tout à coup autant de sensibilité que de raison ; enfin l’amoureux par excellence, l’amoureux fou, l’amoureux héroïque, Alceste, triomphe instantanément de cet amour qui est en même temps sa punition la plus certaine et sa plus belle folie, le trait le plus estimable de son fâcheux caractère et le seul qui le rende intéressant. […] Dans Bérénice, Racine fait dire à Paulin, parlant à Titus : Vous pouvez tout : aimez, cessez d’être amoureux ; La cour sera toujours du parti de vos vœux.

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