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17. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

. — Madame de Maintenon destinée à assurer le triomphe de la société polie. — Commencement de madame de Maintenon. — Son éducation. — Son mariage avec Scarron. — Naissance de son amour pour le roi. Nous touchons à la fin de cette guerre élevée entre la politesse sociale où la société polie, et le dévergondage de la société corrompue, et les affectations de la société précieuse. […] Mais l’excès de ce désordre même avait concouru à en amener le terme, et la société polie avait marqué le moment d’une réforme, pour les mœurs générales comme pour celles de la cour et du monarque même, dont l’exemple leur était si funeste. […] L’histoire de madame de Maintenon comprend celle de sa société. […] Les amis qu’elle s’était faits dans le premier rang de la société, lui restaient.

18. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre V » pp. 48-49

Que reste-t-il donc de prouvé sur le caractère de la société de Rambouillet et sur ses effets pendant les vingt premières années de son existence ? le voici : L’hôtel de Rambouillet nous offre d’abord le spectacle d’une société qui, sous les auspices d’une femme jeune, belle, spirituelle, de naissance illustre, épouse et mère d’une vertu exemplaire, se distingue par la pureté, la décence, la délicatesse de ses mœurs, et se sépare de la cour et des gens du monde de la capitale, tous plus ou moins entraînés dans des habitudes de dissolution et effrontée. […] Nous voyons en troisième lieu dans cette société d’élite un mélange heureux de personnes des deux sexes ; nous y remarquons la parité, je dirais volontiers la domination ou au moins la supériorité s’établir du côté des femmes dans les nouvelles relations dont l’hôtel de Rambouillet est le centre. […] Les périodes suivantes nous apprendront ce que vaut ce bienfait, ici je me borne à insister sur cette vérité, que nous le devons au mélange et à la parité des sexes dans la société dont l’hôtel de Rambouillet donna le premier exemple.

19. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

La période de 1650 à 1660 va nous montrer une triple opposition : celle des mœurs dissolues et débordées de la cour et de la capitale, d’un côté, avec les mœurs retenues de la société spirituelle, décente et polie de l’autre, avec les précieuses ridicules. Pour bien saisir cette opposition d’esprit et de mœurs, il est nécessaire de se faire une idée juste des trois partis opposés, à commencer par celui de la cour et de la Fronde qui servirent de modèle à la multitude ; viendra ensuite l’étude de la société d’élite ; et enfin celle des précieuses. […] La reine-mère trouvait bon que le jeune roi fréquentât la maison de la comtesse de Soissons, sachant bien que Marie Mancini, la plus jeune des trois sœurs, attirait son attention, mais persuadée qu’il n’aurait jamais la pensée d’épouser cette étrangère, et que sa société serait pour lui un amusement sans autre conséquence possible que le déshonneur d’une bourgeoise italienne. […] Ici il ne s’agit que des mœurs d’exception, de la société dite des précieuses, et de la société d’élite que j’appelle la société polie.

20. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XV » pp. 175-187

Il résulte, je crois, de ce qui précède, qu’on peut regarder la révolution opérée dans la langue comme l’ouvrage de deux sociétés distinctes qui se partageaient la société générale des femmes honnêtes. Je vais y concourir pêle-mêle, qu’on me passe cette expression, la société dite des précieuses, et séparément la société choisie. […] Je considère les 800 précieuses ou alcovistes, dont Somaise a donné le nom et la demeure en 1661, comme 800 personnes académiques qui se partageaient en différentes sociétés mixtes de galanterie décente et de langage soigné. […] Je passe au second travail dont j’ai parlé : celui de la société choisie, c’est-à-dire de bonnes mœurs, de bon ton, de bon goût. […] La langue, ai-je dit, était à peu près fixée ; mais les tons, les styles, les différentes formes du langage, ne l’étaient pas : ce fut l’ouvrage de la société polie.

21. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVII » pp. 193-197

Néanmoins, quand la maîtresse du roi ne fait pas scandale dans la société, la société est plus corrompue que le roi, parce que, en l’imitant, elle n’a pas comme lui l’excuse de mariages formés par la politique, au lieu de l’être par les convenances morales. […] La Fontaine fut reçu dans sa société, Ce fut le genre de conversation à laquelle elle se plaisait qui inspira au jeune poète ces contes auxquels on reproche une liberté plus que gaie. […] La duchesse de Bouillon trouvait du plaisir dans cette société ; elle présenta nos poètes à ses sœurs, la duchesse de Mazarin et la comtesse de Soissons, qui tenaient de grandes maisons à Paris. […] En 1664, on voit la société des quatre amis devenir plus étroite, à mesure que leur talent se développe.

22. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Après cela, ouvrez le Mémoire sur la société polie. […] Le poète comique puise .ses inspirations à deux sources différentes : l’une, la société qui l’entoure, avec ses ridicules et ses vices particuliers ; l’autre, le fond invariable -de la nature humaine. […] Mais, encore une fois, tous ces traits particuliers sont venus se fondre dans le tableau général de la société contemporaine, et la peinture de cette société elle-même a été subordonnée, dans le travail du poëte, à une conception plus grande, plus vaste, pour rendre son œuvre durable, et lui donner un caractère d’universalité. […] Rœderer, Mémoire sur la société polie, 1835, p. 219. — Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. […] Victor Cousin, La société française au XVIIe siècle, d’après le Grand Cyrus de Mlle de Scudéry.

23. (1812) Essai sur la comédie, suivi d’analyses du Misanthrope et du Tartuffe pp. 4-32

Il montra d’abord indifféremment tous les objets que lui offrait la société presque naissante ; il dut même, dans son origine, exposer aux yeux des spectateurs les infirmités de quelques personnages connus, et, par une imitation bouffonne, exciter le rire. […] Dans l’état actuel de la société, et depuis bien longtemps, la civilisation a fait de si grands progrès, qu’elle s’est répandue sur toutes les classes de la société. […] S’élançant dans une nouvelle route où personne n’a pu le suivre depuis, ce n’est pas une seule nuance de notre cœur, c’est tout son ensemble, la société entière, qu’il a peints ; il a voulu enrichir son siècle, la postérité la plus reculée de ses découvertes. […] Concevant avec cette profondeur que lui seul a connue, d’un côté il lui a découvert tout le cœur humain, lui a montré la société entière, tous les vices attachés à son essence même, les inutiles efforts qu’elle ferait pour les corriger, les maux inévitables qu’elle s’attirerait ; de l’autre, il lui a imposé l’obligation de compatir aux faiblesses de ses semblables, en lui prouvant que son inflexibilité ne ferait qu’irriter les hommes et troubler la société. […] A l’exemple de la cour, toutes les autres classes de la société se faisaient remarquer par leur piété.

24. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Ce ne fut pas seulement la mort de Molière qui marqua un terme à la protection que les lettres donnaient à la société licencieuse contre la société d’élite ; l’esprit satirique de Boileau, la courtoisie de Racine, la licence de La Fontaine, s’arrêtèrent en même temps devant les progrès de cette société : comme ces progrès atteignaient la cour elle-même, nos poètes virent que le temps était venu de prendre un autre ton, une autre direction, et ils furent plusieurs années à contempler en silence le changement qui s’opérait. […] Cette dame (madame Scarron) a parlé de vous avec une tendresse et une estime extraordinaires ; elle dit que personne n’a jamais tant touché son goût, qu’il n’y a rien de si aimable ni de si assorti que votre esprit et votre personne. »Cette lettre est rapportée ici pour montrer l’union et la conformité de mœurs et d’esprit qui existaient entre madame Scarron, madame de Sévigné, sa fille, et leur société. […] Saint-Simon remarque, à cette occasion, que ces enfants, qui, dit-il, furent tirés du profond non-étre des doubles adultérins, furent enrichis de tous les droits des légitimes dans la société, décorés du surnom de la maison régnante, et de noms de provinces que les princes du sang même ne portaient pas97.

25. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Restait la vie de société : son influence exclusive produisit ses effets ordinaires. […] On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. […] C’est un tableau en raccourci des brillantes sociétés du temps. […] Dans la haute société, l’esprit chevaleresque subsistait. […] La société au milieu de laquelle il nous place n’est qu’une société de dupes et de fripons.

26. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

Le quatrumvirat, place sous les créneaux de Louis XIV, obtint une victoire facile sur le ridicule, mais il succomba devant l’honnêteté, parce qu’elle était appuyée sur la haute société, qui joignait le bon goût à la délicatesse des mœurs. Cette société faisait cause commune avec la cour contre le mauvais langage et les mauvaises manières, et eut peut-être la plus grande part à leur réprobation ; mais elle faisait cause commune avec les bonnes mœurs de sa préciosité contre la licence de la cour et contre celle des écrivains nouveaux et elle eut la plus grande part à leur défaite. […] Son existence dans le monde était finie depuis longtemps ; les traditions de sa société étaient dispersées et en faisaient fleurir de nouvelles ; la duchesse de Montausier, sa fille, était employée à la cour ; des honneurs de cour remplaçaient, dans ce reste de sa famille, les honneurs personnels que la marquise avait obtenus ; on ne connaissait plus qu’une gloire, celle qu’on tenait de la faveur de Louis XIV.

27. (1819) Introduction aux œuvres de Molière pp. -

La comédie surtout a besoin du repos des sociétés. […] Presque aucune portion de la société ne put échapper à ses regards. […] Molière le comprit aussitôt ; et, de ce moment, toutes ses études eurent pour objet l’homme et la société. […] Et quel peintre de la société a mieux senti, mieux observé que Molière, cette mesure précise, qui, de l’exagération de l’art, fait sortir la vérité de la nature ? […] Cette société, qui éclipsa bientôt toutes les sociétés rivales, fut appelée l’Illustre Théâtre.

28. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Boisrobert, qui veillait aux intérêts du cardinal dont il était secrétaire, eut l’adresse de se faire admettre à quelques séances de cette société ; il proposa au cardinal de lui donner une forme légale, de l’augmenter, et de s’en établir le protecteur. […] Pendant ce temps-là, la société s’accrut de dix-neuf membres, et s’éleva à vingt-huit, y compris Boisrobert. […] Rien ne m’a appris si Descartes était alors de la société de la marquise.

29. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVI » pp. 188-192

. — Mœurs de la société d’élite. — Madame de Montausier, gouvernante de M. le Dauphin. — Mademoiselle de La Vallière, maîtresse du roi. […] Les sociétés formées des débris de l’hôtel Rambouillet, les femmes de bonne compagnie, voient sans déplaisir Molière ramener au naturel les affectations de pruderie et de bel esprit ; mais elles continuent à mettre en honneur l’honnêteté, la décence des mœurs, la pureté et l’élégance du langage, et elles parviennent à en assurer le triomphe. […] Si quelque biographe imprimait aujourd’hui cette phrase dans une vie de Louis XIV : « Le 1er novembre 1661, le roi nomme pour gouvernante de M. le Dauphin, une des personnes de la société représentée par Molière, dans ses Précieuses ridicules, et bafouée par le public depuis deux ans », ne croirait-on pas que cet écrivain est tombé en imbécillité ou en démence ?

30. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Apollon soutient en même temps le droit sacré du prince, qui est l’auguste tête de la société politique. […] Leurs actions, partant de leur personnalité comme centre, enveloppaient toute la société dans un cercle d’activité généreuse. […] Notre société moderne, il faut l’avouer, est directement contraire à l’idéal poétique224. […] Le héros de roman regarde comme un malheur qu’il y ait une société, une famille, un gouvernement, des lois, parce que ce sont autant de barrières brutales et prosaïques, opposées à l’idéal et aux droits infinis du cœur. […] Nous la trouvons dans une société parvenue à se constituer comme État.

31. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VIII. Le Mariage. » pp. 145-165

La question du mariage n’est point à discuter dans une société polie, et je ne sais pas de société si grossière où elle ne soit résolue par l’instinct, de l’humanité. […] Molière, dans la société polie du dix-septième siècle, et dans l’élite même de celte société, vit des roués et des précieuses. […]   Tout cela est très-comique et très-sérieux : la vérité banale, et pourtant sans cesse attaquée par des utopistes des deux sexes, que le mariage est la base, et la moralité de toute société humaine, n’a pas été proclamée plus haut, dans les ouvrages les plus graves, que dans les scènes les plus risibles de Molière. […] Ce lien honnête seul peut satisfaire l’amour vrai sans blesser le respect et la pudeur qui en sont un caractère essentiel512 ce lien honnête seul peut assurer l’avenir des enfants, pour lesquels il n’y a que honte et malheur sans père et sans mère513 ; ce lien honnête enfin seul peut fonder l’estime et d’échange de devoirs qui constitue la famille, et par suite la société.

32. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE X. Du Père, de la Famille, de l’Etat. » pp. 193-216

Le fondement nécessaire de toute société humaine est la famille. […] Le mariage est ce qui fonde la famille, et partant la société tout entière ; mais il n’est pas la famille. […] Il y a loin de la tribu nomade d’Abraham aux grands Etats de l’Europe moderne ; mais les petites tribus et les grands Etats, la société humaine sous toutes ses formes, reposent également sur le principe de l’autorité paternelle. […] Molière, avec une grande liberté de génie attaqua la société d’alors dans ce qu’elle avait de plus mauvais et de plus redoutable, la noblesse oisive. […] L’ignorance et l’inutilité, qui seraient à peine excusables ailleurs, deviennent là de véritables crimes envers la société qu’on doit servir à proportion de ses facultés.

33. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

Cette société et la cour étaient deux mondes différents, où les personnes même qui les fréquentaient ne se ressemblaient plus à elles-mêmes, dès qu’elles passaient de l’une à l’autre. […] Plus la cour était agitée et corrompue, plus la société de Rambouillet était recherchée et florissante. […] « Pour vous dire le vrai, je n’ai point grand goût pour cet auteur25. » Le changement qui s’opéra dans le goût de Voiture me paraît remarquable comme témoignage de celui qui dominait à l’hôtel de Rambouillet, et me semble prouver que les principaux personnages de cette société, au lieu d’être des modèles de mauvais langage, contribuaient à corriger et à épurer les ridicules qui depuis L’Astrée s’étaient propagés parmi les beaux esprits.

34. (1900) Molière pp. -283

Eh bien, ce genre de conception du monde et de la société, Molière l’a eu et l’a rendu, parce qu’il l’avait sous les yeux. […] On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. […] Ce sont précisément ces combinaisons qui varient et qui changent selon le degré de culture, selon le progrès et la décadence des institutions, selon la direction imprimée à une société par les grands esprits, selon l’idée même qu’on se fait des devoirs de la famille et de la société. […] Il a dégagé, si je puis ainsi dire, et mis hors d’entraves la vie de société ; d’abord en rappelant au naturel la langue des salons, en délivrant la conversation du clinquant des précieuses ; il a surtout rendu un grand service à la vie de société par sa guerre contre tous les genres de pédantisme. […] Il sera curieux et profitable pour nous, messieurs, d’apprécier à cette mesure la société de l’ancien régime.

35. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

La leçon que Molière s’est proposé de donner dans son chef-d’œuvre, nous la chercherons tout à l’heure : mais il parait évident, tout d’abord, qu’il a voulu y peindre la société, disons même la bonne société : et son génie d’auteur comique l’a tout naturellement porté à jeter dans cette société, pour en mettre en relief les côtés bons ou mauvais, l’homme le moins capable d’y vivre ; ce caractère insociable, c’est Alceste. […] — Parce que l’excès même de sa vertu puritaine ne tend à rien moins qu’à rendre la société impossible ! […] Il n’est pas pour le mensonge, il est pour la société ; il n’est pas pour le vice, il est pour l’homme. […] En somme, le monde n’est qu’une grande société de tolérance mutuelle. […] Je ne vois dans Molière qu’un but social : celui de peindre la société, de rire de ses travers et de l’aimer néanmoins, et de vouloir qu’on y vive.

36. (1801) Moliérana « Préface »

On le suivra avec plaisir au milieu de la société, où il épie les ridicules pour les mettre en scène, et on le verra avec peine, dans l’intérieur de sa maison, tourmenté par une femme acariâtre et galante en même temps, qui jeta le dégoût et l’amertume sur ses jours, et les abrégea. Molière était original, et son caractère d’originalité perce sur le théâtre comme dans la société.

37. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Préface » pp. -

Ce n’est point une histoire de la société polie, c’est un mémoire ou la compilation d’une suite de mémoires rédigés pour faciliter la composition d’une histoire suivie, ou plus simplement pour éliminer désormais de l’histoire des mensonges accrédités. […] L’histoire de la société polie veut, pour être traitée convenablement, une plume légère qui sème à chaque pas de sa course des traits brillants et gracieux, comme Le Petit Chien de La Fontaine qui, en secouant sa patte, en faisait tomber des diamants, des perles et des rubis.

38. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

En 1610, pendant que la société de Rambouillet prenait un heureux essor, la publication du ier   volume d’un roman nouveau fit événement dans le monde, et concourut puissamment à déterminer le changement de mœurs qu’amenait le cours des choses, en dirigeant les esprits vers un nouveau genre de la galanterie tout opposé à celui qui régnait en France, depuis François Ier. […] Cette société ne le rebuta pourtant point : sa femme devint enceinte, une fois, deux fois, même trois fois, mais n’accoucha jamais que de productions informes. […] « Ces ouvrages, dit Huet, furent reçus du public avec un applaudissement infini, et principalement de ceux qui se distinguaient par la politesse et par la beauté de l’esprit. » Rien ne nous apprend comment le Ier volume du roman du marquis d’Urfé fut accueilli à l’hôtel de Rambouillet, ni si l’auteur s’introduisit dans cette société.

39. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Vous croyez que la vertu se tient lieu de digne et de suffisante récompense, mais qu’elle accepte la gloire sans l’exiger ; que la gloire n’est pas tant une dette dont s’acquitte le public, qu’un aveu de ce qu’il doit, et tout ensemble une protestation qu’il est solvable. » Plusieurs trouveront les conversations rappelées par Balzac d’une gravité qui va jusqu’au ridicule ; les sujets qu’elles traitaient seraient ridicules, sans doute, dans la société d’une bourgeoise de petite fortune qui aurait à soigner elle-même son ménage et ses enfants. […] Au reste ces conversations particulières de la marquise n’étaient pas les conversations générales et habituelles de sa société tout entière. […] La langue y gagne, la société aussi. […] Le maréchal de Beauvau, le chevalier de Boufflers, son neveu, à qui l’on ne reproche pas sans doute la pédanterie, ni la préciosité, ne laissaient jamais passer dans leur société une faute contre la langue, ni une locution douteuse, sans les relever.

40. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Bussy-Rabutin, dans ses Amours des Gaules 61, raconte comment il arriva que madame de Montespan, sous les yeux, dans la société intime de madame de La Vallière, devint sa rivale préférée, longtemps avant que cette amante passionnée s’en doutât, longtemps encore après qu’elle en eût la certitude ; le roi se trouvant alors partagé entre la maîtresse qu’il n’aimait plus, celle qu’il commençait à aimer, et la reine, dont il affligeait la tendresse, toutefois sans déserter sa couche. […] Que l’auteur, après avoir dit qu’il n’avait plus besoin d’étudier son art ailleurs que dans la société, et après avoir produit plusieurs chefs-d’œuvre de cet art ainsi étudié, ait néanmoins eu la fantaisie d’imiter une comédie fort immorale de Plaute, je le veux croire. […] C’était ou ce devait être le secret du roi, de la reine, de madame de Montespan, de son malheureux mari ; cependant elle fut, aux yeux de sa société choisie, un grave incident de cette scandaleuse union, de ce double adultère du roi et de madame de Montespan62. […] et quelle condamnation la pure vertu dont la société de Rambouillet avait été l’école, prononça par cette mort sur la conduite de Louis XIV !

41. (1765) Molière dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (compilation) pp. 2668-16723

Là ce ne sont point des ridicules courans ; ce sont des singularités personnelles, qui donnent prise à la plaisanterie ; & le vice dominant de la société est de n’être pas sociable. […] Moliere met en opposition les mœurs corrompues de la société, & la probité farouche du Misantrope : entre ces deux excès paroît la modération du sage, qui hait le vice & qui ne hait pas les hommes. […] Après cette permission, la société de la passion fonda dans la chapelle de la Sainte-Trinité le service de la confrairie. […] Ce qui est comique pour tel peuple, pour telle société, pour tel homme, peut ne pas l’être pour tel autre. […] Son exemple doit apprendre à ses imitateurs à ne pas ménager le vice, & à traiter un méchant homme sur le théatre comme il doit l’être dans la société.

42. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

La société émousse tout ce qu’il y a d’anguleux dans les caractères, la poursuite des ridicules est son unique occupation, et par conséquent elle rend habile à se tenir en garde contre les observations des autres. Mais alors cesse le comique franc et jovial de la classe bourgeoise ; on lui en substitue un autre, auquel la société seule a donné naissance, et qui porte toujours le caractère de vide que doit nécessairement avoir une existence dépourvue de but et d’utilité. Ce qui fait le sujet des pièces que l’on nomme en France de haut comique, ce n’est pas la vie mais c’est la société, cette lutte continuelle de vanités différentes qui ne peuvent jamais arriver à un état de paix. […] Et d’ailleurs s’il s’agit du vrai comique, le relâchement des mœurs de la haute société n’a rien de divertissant. […] Cette bonhomie dont je parle se rencontre sans cesse dans les classes inférieures de la société, où elle n’a pas encore été étouffée par le raffinement des mœurs.

43. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Mais Tartuffe ne peut appartenir qu’à certaines époques, à certains états de la société ; mais dom Juan est un être monstrueux, presque idéal, que sa perversité complète place hors de la sphère commune. […] On ne peut nier d’abord que quiconque veut exciter l’horreur d’un vice, ne doive montrer tout ensemble ce qu’il a de plus nuisible, de plus funeste pour la société et pour le vicieux lui-même. […] Mais, soit qu’il attaque un vice, soit qu’il fronde un ridicule, il faut, de toute nécessité, qu’il montre ce que l’un ou l’autre a de préjudiciable, de nuisible, de funeste, et pour l’individu qui en est attaqué, et pour la société, si elle y est intéressée. […] J’ai dit que la pièce de Pourceaugnac ne peignait ni la société ni les mœurs. […] La manie des alliances disproportionnées, les inconvénients qu’elles entraînent et les regrets qu’elles excitent, n’appartiennent pas seulement aux sociétés modernes : on les retrouve dans l’antiquité.

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