Excellens matériaux pour la peinture de la Cour de Louis XIV. […] Cette manière pouvait faire naître de charmantes peintures d’amour. […] Peinture vraie du commencement d’une passion. […] Peinture vraie d’une jeune fille amoureuse. […] Que les peintures soient très fortes, sans toutefois être odieuses ; défaut de la force, tomber dans l’odieux ou l’extravagant.
Il lui fallut sans doute du courage, pour substituer à des peintures fantastiques qui ne pouvaient offenser personne, puisque personne ne pouvait s’y reconnaître, les tableaux ou plutôt les miroirs fidèles qui devaient répéter l’image des êtres pervers ou ridicules dont il était environné. […] Ceux-ci se dispersèrent et disparurent ; mais l’ouvrage est resté et il restera toujours, parce que la peinture d’une folie passagère y est l’ouvrage d’un pinceau immortel. […] Quoique l’ouvrage n’ait pas de but moral, et ne prétende pas même offrir une peinture de mœurs, on ne peut au moins s’empêcher de voir, dans le petit rôle de Gorgibus, une esquisse fidèle des opinions, des manières et du langage des petits bourgeois de ce temps-là. […] Comme, avec tout le loisir qui avait manqué à Molière, ils n’avaient rien du génie par lequel il y a suppléé, leurs froides imitations, après avoir amusé un moment la malignité contemporaine par la peinture de quelques ridicules fugitifs, sont tombés dans le plus profond oubli.
On ne peut reconnaître à ces traits et ranger dans cette catégorie une petite comédie, où la peinture des mœurs et des caractères est sans aucune exagération ; où le langage naïf, simple, et, si l’on veut même, populaire de quelques personnages, est toujours de bonne foi, et n’emprunte jamais, pour exciter le rire, les ressources de la caricature ou de la facétie. […] Lysidas, auteur vain et jaloux, dont la peinture a également fourni quelques traits pour celle de Trissotin. […] Est-il nécessaire aussi de rappeler que la querelle entre Trissotin et Vadius est la peinture d’une dispute semblable que l’abbé Cotin et Ménage eurent, au palais de Luxembourg, en présence de Mademoiselle ? […] La peinture des mœurs y est moins étendue, moins générale que dans Le Misanthrope ; mais l’action en est plus vive et plus animée. […] Mais d’un accessoire hideux et nécessaire, il serait peut-être imprudent de faire le principal sujet d’un tableau destiné plutôt à corriger les esprits par la peinture du ridicule, qu’à révolter les âmes par le spectacle de la perversité.
1775, Anecdotes dramatiques, tome I, p. 394-395 Boileau a beaucoup loué Molière, et vivant et mort ; mais dans l’Art Poétique, où il paraît plus particulièrement le juger, il dit que Molière : Peut-être de son art eut remporté le prix, Si moins ami du peuple, en ses doctes peintures, Il n’eut point fait souvent grimacer ses figures ; Quitté pour le bouffon, l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence* allié Tabarin.
Voici d’autres exemples fort remarquables de fausses applications, dans Les Femmes savantes : Charpentier, directeur perpétuel de l’Académie française, et l’un des fondateurs de l’Académie des inscriptions, le même que Louis XIV avait chargé des inscriptions à mettre sous les peintures de Versailles, et de la composition des médailles de son règne, le même que Boileau appelle le gros Charpentier, s’avisa de dire un jour, ou du moins le Carpenteriana lui fait dire que la marquise de Rambouillet s’était indignée de l’impertinence de Molière, qui avait joué les femmes de sa société et elle-même dans Les Femmes savantes, et que Ménage, à qui elle demandait vengeance, avait eu le courage de déclarer la pièce un ouvrage parfaitement beau, au-dessus de tout reproche et de toute critique. […] J’ai peint à la vérité d’après nature ; j’ai pris un trait d’un côté et un trait d’un autre, et de ces divers traits, qui pouvaient convenir à une même personne, j’en ai fait des peintures vraisemblables, cherchant moins à réjouir les lecteurs par la satire de quelqu’un, qu’à leur proposer des défauts à éviter et des modèles à suivre ».
Ses Réflexions critiques sur la poésie et la peinture (1718) fondent l’idée du relativisme esthétique et, dernier écho de la querelle des Anciens et des Modernes, assurent la primauté du sentiment dans l’appréciation des œuvres d’art.
Si l’on soutient enfin qu’elle est plus fine dans la peinture d’un caractère, plus habile dans la conduite d’une intrigue, et si, comme dernier terme de l’éloge, on exalte la bonne intention qu’elle a toujours d’être didactique comme un apologue et pratique comme un sermon : je suis parfaitement édifié sur tous ces points. […] De même la peinture des mœurs contemporaines dans la comédie nouvelle, n’est qu’un élément romain, français, anglais ou allemand, qui, n’appartenant pas au fond commun de la nature humaine, ne reste pour la postérité qu’un objet de curiosité historique. […] Si Molière est souvent lourd dans la peinture des caractères, il est presque toujours gauche dans la conduite des intrigues. […] Je sais qu’un caractère peint par lui-même peut aussi être comique ; mais encore faut-il que la peinture soit involontaire et que le caractère soit ridicule. […] Le Tartuffe est une peinture très frappante de l’hypocrisie, et qui donne le signalement le plus exact de ce vice ; c’est une excellente satire sérieuse, mais à quelques scènes près, ce n’est pas une comédie.
De son cœur ils sont la peinture. […] Tout, dans cette exposition, ne promet-il pas la peinture d’un homme qui ne se contente pas d’admirer ce que les Anglois ont d’estimable, mais qui chérit jusqu’à leurs défauts, & qui a la manie de les estimer en tout.
Dans son genre ce portrait est parfait; mais ce n’est pas celui d’un homme, c’est la vive peinture d’une originalité. […] S’il résulte une impression comique de ce genre de peintures, ce qui n’est pas rare, elle a une sorte d’âpre saveur. […] Le Misanthrope lui-même, quoique si riche en aperçus et en peintures variées, n’atteint pas à l’ironie universelle d’Aristophane dans Les Oiseaux. […] Molière ne connaît pas ces peintures de profil si chères à Racine : ses héros posent de face, et, si restreint que soit l’espace, ils ne semblent jamais en manquer. […] Aucun poète comique n’a été plus loin dans la peinture du vice.
Le Misanthrope en est plein ; c’est une peinture continuelle, mais une peinture de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas. […] Si Molière avait donné la farce des Fourberies de Scapin pour une vraie comédie, Despréaux aurait eu raison de dire dans son Art poétique : C’est par là que Molière, illustrant ses écrits, Peut-être de son art eût remporté le prix, Si moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il n’eût point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon l’agréable et le fin, Et sans honte à Térence allié Tabarin. […] C’est une farce, mais toute de caractères, qui est une peinture naïve, peut-être en quelques endroits trop simple, des ridicules de la province ; ridicules dont on s’est beaucoup corrigé à mesure que le goût de la société, et la politesse aisée qui règne en France, se sont répandus de proche en proche. […] C’est que la peinture de nos passions nous touche encore davantage que le portrait de nos ridicules, c’est que l’esprit se lasse des plaisanteries, et que le cœur est inépuisable.
Ariste se met à lire, le coude appuyé sur la table, ensuite il dit par réflexion : Me voilà justement : c’est la vive peinture D’un sage désarmé, dompté par la nature. […] Enfin, pour ébaucher en deux mots sa peinture, C’est l’homme le plus vain qu’ait produit la nature : Pour ses inférieurs plein d’un mépris choquant : Avec ses égaux même il prend l’air important : Si fier de ses aïeux, si fier de sa noblesse, Qu’il croit être ici-bas le seul de son espece : Persuadé d’ailleurs de son habileté, Et décidant sur tout avec autorité ; Se croyant en tout genre un mérite suprême ; Dédaignant tout le monde, & s’admirant lui-même : En un mot, des mortels le plus impérieux, Et le plus suffisant, & le plus glorieux.
. . . . . . . . . . « Que fait donc l’imitation dans la poésie comme dans la peinture ?
Il a pris d’Aristophane* le comique, de Plaute* le feu et l’activité, et de Térence* la peinture des mœurs.
Il donna avant & depuis ce tems-là, plusieurs pieces dans le veritable goût de la comedie, que nos auteurs avoient negligé, corrompus par l’exemple des Espagnols & des Italiens, qui donnent beaucoup plus aux intrigues surprenantes, & aux plaisanteries forcées, qu’à la peinture des mœurs & de la vie civile.
La comédie est plus près de la peinture que la tragédie.
Après tant de vérité, tant de principes excellents, tant de grâce et de bon sens apporté dans la peinture de la femme, il serait trop rigoureux de reprocher à Molière d’avoir introduit sur la scène quelques femmes d’intrigue, comme Nérine ou Frosine 398 ; sans doute, le moraliste doit être aussi sévère pour elles que pour les Mascarilles et les Scapins 399 : mais elles sont plus que compensées par ces bonnes et fidèles servantes comme Nicole, Martine, Toinette, qui ne connaissent de famille ni d’affection que leurs maîtres, et qui sont, avec toute leur rusticité, des modèles de bon sens et de dévouement400. […] Toutefois, en admirant celte puissance d’esprit, cette justesse de sens, cette délicatesse de cœur, cette hauteur de vue qui rendent immortelles les peintures de femmes faites par Molière, le moraliste mettra quelque restriction aux louanges que l’enthousiasme l’entraînerait à donner.
Tartufe embrassant Orgon au lieu d’Elmire, ne peut que faire une peinture très énergique.
Qu’y a-t-il de plus ridicule que la peinture d’un roi de Perse, qui marche avec une armée de quarante mille hommes, pour aller sur une montagne d’or satisfaire aux infirmités de la nature.
Le Misanthrope, dit encore Voltaire, « est une peinture continuelle », mais une peinture « de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas ». […] Comme il est regrettable que Molière, qui avait tant pratiqué les provinces pendant quinze ans, n’ait pas donné plus de peintures des mœurs provinciales qu’il n’a fait ! […] Une gloire, en termes de peinture, est la représentation du ciel ouvert avec des personnes célestes, Dieu, anges, saints, etc. […] Il n’y a dans l’Avare que la peinture d’on vice et de ses conséquences soit comiques soit tout près d’être tragiques. […] Dans ce dernier cas la comédie n’est pas la peinture de la profession, elle en est la parodie.
Arlequin demande à Argentine si elle aime la peinture ; elle lui répond qu’oui : Arlequin lui fait voir son portrait ; Argentine met à la place celui de Celio qu’elle a encore, & le rend à Arlequin qui le met dans sa poche, fort piqué qu’on n’ait pas voulu le garder.
Il donna avant & depuis ce temps-là, plusieurs piéces dans le véritable goût de la comédie, que nos auteurs avoient négligé, corrompus par l’exemple des Espagnols & des Italiens, qui donnent beaucoup plus aux intrigues surprenantes, & aux plaisanteries forcées, qu’à la peinture des mœurs & de la vie civile.
Il étend ses largesses sur les savants étrangers ; il établit l’Académie des inscriptions et belles lettres, l’Académie de sculpture et de peinture ; il fonde le Cabinet des médailles.
La première peinture fut sans doute un portrait : la première comédie fut une satire personnelle. […] Cette comédie (car tel est le nom générique donné à une si singulière espèce de drame) n’est pas sans doute une peinture de la société espagnole ; mais elle est du moins un genre de plaisir approprié à son génie et à son goût. […] C’était un grand pas de fait vers la peinture des mœurs et des caractères : il fut donné à ce même génie d’achever l’ouvrage qu’il avait commencé. […] Molière donc, pour être utile et pour amuser à la fois, s’attacha principalement à la peinture des ridicules. […] La peinture eût été fausse et la leçon donnée à contre-sens.
À la vérité, on trouve dans Horace cette peinture d’un faux dévot de l’ancienne Rome : « Cet homme vertueux sur qui tous les yeux sont attachés, soit dans les places publiques, soit dans les tribunaux, toutes les fois qu’il apaise les dieux par le sacrifice d’un porc ou d’un bœuf, ne manque pas d’élever la voix en invoquant Apollon ou Janus ; puis, marmottant tout bas en homme qui craint d’être entendu : Belle Laverne, dit-il, accordez-moi la grâce de duper tous les yeux, de passer pour un homme juste, irréprochable ; enveloppez mes fraudes d’une nuit profonde, couvrez mes fourberies d’un nuage favorable. » À ces traits, il est difficile de méconnaître l’hypocrisie religieuse, l’hypocrisie de dévotion. […] La peinture de celui-ci se compose de deux sortes de traits, ce que fait le véritable hypocrite, et ce qu’il ne fait pas. […] Finissons par une remarque qui achève de prouver, contre l’opinion de La Bruyère, quelle idée juste Molière s’est formée du personnage d’hypocrite, et en même temps quel art il a employé dans la peinture de ce caractère.
On devait se plaire à la peinture d’amours dégagés d’un érotisme grossier, accueillir même l’exagération des plaisirs attachés à des communications purement intellectuelles et morales.
C’est la peinture qui convient le mieux à la comédie. […] C’est l’époque la plus corrompue de la décadence romaine, et malgré la grâce du style, on ne peut lire sans dégoût les peintures qui nous en ont été laissées. […] Molière, bien qu’il ait embarrassé son sujet de descriptions techniques relatives à la peinture, a su trouver des termes heureux pour caractériser les talents de son illustre ami. […] Les comédies de Dancourt, indépendamment de leur mérite littéraire, offrent une peinture de mœurs très curieuse à observer. […] Tarif dans une préparation du plus beau vert, et le malheureux en ressort avec trois couches de peinture sur la peau.
Le Misanthrope de Molière, qui fera toujours l’admiration des personnes de goût, ne fut approuvé que des vrais connaisseurs : le plus grand nombre des spectateurs ne sentit point la force du sujet, ni l’art du poète dans la peinture du caractère singulier, qui donne le titre à la pièce. […] « Molière est le premier qui ait su tourner en scènes ces conversations du monde, et y mêler des portraits ; Le Misanthrope en est plein, c’est une peinture continuelle ; mais une peinture de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas. […] Chacun voit donc là sa peinture, Mais de qui tous les traits censeurs, Le rendent confus de ses mœurs, Le piquent de la belle envie, De mener toute une autre vie. […] La finesse du dialogue, et la peinture vive de l’amour dans un amant italien, et dans un amant français, sont le principal mérite de cette pièce, qui était ornée de musique* et de danses. […] Ceux qui connaissent le théâtre trouveront dans la peinture des caractères cette vérité qui est si nécessaire à la scène ; ils y découvriront l’art ingénieux du poète dans la conduite, dans les liaisons et dans le nœud de l’action : car, bien que l’action soit double, le caractère de l’Avare a réuni et confondu, pour ainsi dire, les deux actions.