Quel contraste ressort du déchirement de ce vieux cœur, tiré d’un côté par l’amour et de l’autre par sa cassette104, qu’il chérit trop pour faire un présent à sa maîtresse105 ou lui donner honnêtement à dîner106 ! […] Il ne les déteste pas seulement comme fait le monde, en admettant de temps en temps une trêve à la guerre, et en signant quelque traité furtif avec l’ennemi : il les hait pour elles-mêmes, pour être honteuses et dégradantes, pour leurs suites inévitables, pour conserver à son cœur cette sensibilité de vertu qu’elles émoussent promptement ; il les hait pour sa famille, pour ses enfants et pour ses serviteurs ; il les hait pour l’honneur, et pour n’être pas réduit par elles à revêtir la robe de Tartuffe, et à se perdre absolument par l’hypocrisie, ce dernier et irréparable vice après lequel on ne peut plus se repentir.
Il était célèbre dans le monde galant par sa beauté, ses grâces, son esprit et son tendre cœur.
Qu’on fasse voir à l’homme le plus hébêté le cinquieme acte de Rodogune, le quatrieme de Mahomet, le dernier de Sémiramis : il partagera malgré lui la situation des personnages ; il s’intéressera malgré lui aux événements : il frémira en voyant la coupe funeste passer des mains de Cléopatre sur les levres d’Antiochus : son cœur sera déchiré comme celui de Zopire quand Seide portera le coup mortel : Ninias sortant égaré, éperdu, du tombeau où il vient de poignarder sa mere, le fera frissonner & l’obligera à partager son trouble : & cette même Sémiramis qui revient percée de plusieurs coups mortels, lui arrachera des larmes.
C’en est trop à la fois que ce double martyre ; Et ce qu’il me faut taire, & ce qu’il me faut dire, Exerce sur mon cœur pareille cruauté.
Mais des ambitions, des vanités de cour et des intérêts de cœur, si l’on peut donner ce nom à des relations de galanterie, se saisirent des griefs populaires.
Mais il était ami plus fidèle que courtisan habile, quand il écrivait son élégie Aux Nymphes de Vaux, en faveur de Fouquet, il implorait pour lui la clémence de Louis XIV, sachant très bien, et son élégie même en contient la preuve, qu’il avait à défendre, non, comme le croyait le public, le ministre prévaricateur, mais le galant magnifique et téméraire, qui avait osé prétendre au cœur de la maîtresse du monarque et essayé de la séduire.
; L’École des cœurs 109 ou la Précaution inutile, id. […] Paris en jugea moins favorablement ; il la vit132 séparée des ornemens qui l’avoient embellie à la Cour, et, comme le spectateur n’étoit ni au même point de vûe, ni dans la situation vive et agréable où s’étoient trouvés ceux pour qui elle étoit destinée, on ne tint compte à l’Auteur que de la finesse avec laquelle il dévelope quelques sentimens du cœur, et de l’art qu’il employe pour peindre l’amour propre et la vanité des femmes. » Cette piece fut donnée à Paris au mois de novembre suivant, et fut jouée 24 fois133 de suite ; la recette monta à 15,2oo livres. […] Deux princes rivaux s’y disputent par des fêtes galantes le cœur d’une princesse. […] On ne peut mieux exprimer le mouvement d’un cœur extrêmement amoureux, qui, étant agité de jalousie, voudroit rompre avec l’objet aimé, sans pourtant en pouvoir venir à bout.
vraiment, tu prends beaucoup de peine De tout mon cœur, bonjour.
Des manieres nobles & franches qui gagnent le cœur de tout le monde ! […] Il l’exhorte à bannir l’infidelle de son cœur.
Quand ils ont appris par cœur les vers qu’ils doivent réciter, ils s’occupent de la composition du personnage. […] L’amour-propre des comédiens sera réduit au silence, pour peu que le directeur du Théâtre-Français prenne à cœur la tâche qui lui est imposée.
Perdu de dettes et de débauches comme le héros de Molière, libertin accompli et d’esprit et de mœurs comme lui, et, comme lui encore, spirituel en son « libertinage ; » séducteur de femmes et de filles dont les trahisons et les « férocités de cœur » ne se comptaient plus; dévot enfin, lui aussi, au dernier acte, il avait, jusque dans ce dénouement, ce nouveau point de ressemblance avec Don Juan que la sincérité de sa conversion avait, au moins au début, excité bien des doutes; les médisans pouvaient se demander si ce converti par maladie et par peur avait d’abord pris la précaution de « croire en Dieu33. » Mais encore que l’extrême dissemblance physique entre Don Juan et Conti pût être au poète une espèce de garantie contre des réclamations qui auraient encouru le ridicule d’une fatuité trop injustifiée; — encore que Conti fût alors assez mal en cour et Molière au contraire très fort patronné par Louis XIV, — on hésite tout de même à admettre, jusqu’à plus ample informé, que Molière ait osé s’en prendre à une Altesse Sérénissime, au cousin du Roi. […] Le grief que l’on y sent tenir le plus au cœur des rédacteurs contre les disciples de Bernières-Louvigny, c’est d’avoir provoqué en Normandie contre le Jansénisme, qui prospérait en cette province, une sorte de soulèvement populaire. […] Et pourtant, M. de Saint-Cyran croyait qu’il lui manquait encore encore quelque chose, et en mourant il lui a laissé par testament son cœur, à condition qu’il se retirerait du monde.
Fallait-il à Molière, pour lui enseigner à peindre les agitations de l’amour, d’autres maîtres que son cœur qui les éprouva toutes, et la nature qui n’eut aucun secret pour lui ?
Que si elles avaient le défaut de faire de l’amour un délire de l’imagination, elles eurent aussi le mérite d’élever les esprits et les âmes au-dessus de l’amour d’instinct, et de préparer cet amour du cœur, ce doux accord des sympathies morales si fécond en délices inconnues à l’incontinence grossière, cet amour qui donne tant d’heureuses années à la vie humaine, appelée seulement à d’heureux moments par l’amour d’instinct.
Les Français apparemment considèrent une pièce de théâtre comme une sorte de morale en action ; ils veulent se former l’esprit et le cœur au spectacle ; et, en effet, une comédie de caractère est une chose éminemment instructive. […] Lorsqu’un médecin vous parle d’aider, de secourir, de soulager la nature, de lui ôter ce qui lui nuit, et lui donner ce qui lui manque, de la rétablir et de la remettre dans une pleine facilité de ses fonctions ; lorsqu’il vous parle de rectifier le sang, de tempérer les entrailles et le cerveau, de dégonfler la rate, de raccommoder la poitrine, de réparer le foie, de fortifier le cœur, de rétablir et conserver la chaleur naturelle, et d’avoir des secrets pour étendre la vie à de longues années, il vous dit justement le roman de la médecine. […] Sauf la gaieté obligée de la soubrette, tous les personnages sont sérieux, la mère et le fils par leur bigoterie, le reste de la famille par sa haine pour l’imposteur, et le beau-frère par ses sermons, où il prêche avec tant d’onction que les dévots de cœurs ne doivent Jamais contre un pécheur avoir d’acharnement, Mais attacher leur haine au péché seulement91. […] Mais nous comptions sans le beau-frère qui nous interdit toute joie profane, et nous ramène à des sentiments sérieux par cette exhortation finale tout à fait pathétique : Souhaitez que son cœur en ce jour Au sein de la vertu fasse un heureux retour ; Qu’il corrige sa vie en détestant son vice, Et puisse du grand prince adoucir la justice92.
: et il est d’autant plus redoutable qu’il fait encore après sa mort le même ravage dans le cœur de ses lecteurs, qu’il en avait fait de son vivant dans celui de ses spectateurs.
Si vous croyez encor m’avoir sous votre loi, Donnez-moi des rivaux qui soient dignes de moi Mais non ; pour vous prouver que mon cœur froid, paisible, De sentiments jaloux ne vit plus susceptible, Après avoir exclu Dorat et Marivaux, Quittez ce fier dédain pour vos amants nouveaux ; J’ose vous en prier : plusieurs, quoi qu’on en dise, Sont dignes de Thalie ; à tort on les déprise.
Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles.
Deux princes rivaux s’y disputent, par des fêtes galantes, le cœur d’une princesse. […] fâcheuse nouvelle pour un cœur amoureux ! […] De Monsieur, un valet de chambre, Ce grand vendeur de musc et d’ambre, À savoir le sieur Martial, Se voulant montrer jovial, Fit par pure réjouissance, Un festin de rare importance, À douze de ses compagnons ; Illec, on ne vit point d’oignons, Mais des muscades, des eaux d’anges, Des orangers chargés d’oranges, Et de très excellents ragoûts, Qui flairaient mieux que des égouts : Mais la fine galanterie, Que j’eusse cent fois plus chérie, Que les plats les mieux apprêtés, Qu’on y voyait de tous côtés Fut, que douze charmantes filles, Jeunes, riantes et gentilles, Ayant toutes beaucoup d’appas, Vers le déclin dudit repas, D’une façon fort agréable, Servirent le dessert sur table ; Anis, sucres, pommes, biscuit, Bref, chacune porta son fruit ; Après, laquelle gaillardise, Une musique assez exquise, De deux, ou trois, ou quatre chœurs, Ravit les âmes et les cœurs ; Ensuite, on but à tasse pleine, La santé du roi, de la reine*, Et de Monsieur, aussi d’Anjou, De la Cour le charmant bijou.
Il convint donc à Molière de supposer que des femmes, qui joignaient à quelque instruction la pureté et la décence des mœurs, étaient nécessairement une transformation de ces précieuses qui professaient l’amour platonique, où l’on tient la pensée Du commerce les sens nette et débarrassée, Cette union des cœurs où les corps n’entrent pas.
128 Cette pièce faite à la hâte, décèle la finesse dans le développement des sentiments du cœur, et l’art employé dans la peinture de l’amour-propre, et de la vanité des femmes.
Balzac pense qu’à l’aménité, ils joignaient cette grandeur « dont il leur était impossible de se défaire, parce qu’elle tenait à leur cœur et à leur esprit, parce qu’elle avait racine en eux et n’était pas appliquée sur leur fortune.
Si jeune encore, il voyait toute chose ; il savait lire au fond des cœurs les mystères les plus cachés ; il comprenait les passions les plus innocentes. […] À entendre les critiques et les historiens, elle fut le mauvais génie et le malheur du grand poète ; elle excita sa jalousie ; elle fit connaître à ce cœur déchiré toutes les tortures… Il ne faut pas croire à toutes ces déclamations.
Le dénouement est amené d’une manière très-satisfaisante, et par un aveu de Célie, qui met dans tout son jour la sensibilité de son cœur, sa tendresse pour son mari dont elle n’a pu soutenir l’affliction, et la pureté des motifs qui la faisaient agir. […] On sait que le repentir de Rodope, qui a méconnu sa mère un moment, a toujours fait verser des larmes : l’auteur a touché un des endroits du cœur humain les plus sensibles.
Voilà comme chez Moliere le goût, la finesse, la vraisemblance, les égards, la délicatesse du cœur, l’économie & toutes les bienséances concourent à le mettre, pour les dénouements comme pour les autres parties de ses drames, au-dessus de tous les Auteurs.
Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul Or, ces vapeurs dont je vous parle, venant à passer du côté gauche où est le foie, au côté droit où est le cœur, il se trouve que le poumon, que nous appelons en latin armyan, ayant communication avec le cerveau, que nous nommons en grec nasmus, par le moyen de la veine cave que nous appelons en hébreu cubile, rencontre en son chemin lesdites vapeurs qui remplissent les ventricules de l’omoplate ; et, parce que lesdites vapeurs ont une certaine malignité, qui est causée par l’âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs… ossabandus, nequeis, nequer, potarinum, quipsa milus.
Va, va, nous partagerons les périls en freres : & trois ans de galere de plus ou de moins, ne sont pas pour arrêter un noble cœur.