Quelque étonnement que cela cause, il faut reconnaître là une intention réfléchie et l’expression d’un sentiment personnel. […] Dimanche 768, sait passer tout à coup à l’expression la plus pure de la foi chrétienne et aux élans les plus ardents de l’amour divin, sans que cet incroyable mélange choque le spectateur, qui ne s’aperçoit même pas de ces contrastes audacieux, tant est immense et douce la puissance du génie. […] Pour trouver des expressions qui en fassent sentir la haute moralité, on ne peut que citer Molière lui-même, quand il fut obligé d’implorer la puissance royale pour obtenir le droit de dire tout haut qu’un hypocrite est un scélérat et qu’un tartuffe est un sacrilège : J’ai mis tout l’art et tous les soins qu’il m’a été possible pour bien distinguer le personnage de l’hypocrite d’avec celui du vrai dévot ; j’ai employé pour cela deux actes entiers à préparer la venue de mon scélérat ; il ne tient pas un seul moment l’auditeur en balance ; on le connaît d’abord aux marques que je lui donne ; et d’un bout à l’autre il ne dit pas un mot, il ne fait pas une action qui ne peigne aux spectateurs le caractère d’un méchant homme, et ne fasse éclater celui du véritable homme de bien que je lui oppose772. […] Mais il n’y faut chercher, on le répète, que l’expression d’un sentiment personnel sur la religion, non des principes qui régnassent dans son âme au point d’inspirer toujours ses compositions.
Ce comédien intrépide, dont la vie fit un penseur, eut sur les gens de lettres et sur les intellectuels de son temps une influence moins aisée à déterminer que celle de Descartes ; mais cette influence dut être considérable sur l’ensemble du public, pour qu’elle liguât contre lui des catholiques convaincus, d’esprit aussi différent que le prince de Conti, la duchesse de Longueville, le docteur janséniste Arnauld et le jésuite Bourdaloue, et lui valût d’autre part cette précieuse protection du roi Louis XIV, qui, selon l’expression de Comte, « ne résulta pas seulement des goûts personnels d’un dictateur alors progressif, mais aussi de la tendance d’une telle critique à seconder rabaissement de l’aristocratie et même du clergé ». […] Vous vous êtes réglé sur de méchants modèles, Et vos expressions ne sont point naturelles… Et le misanthrope condamne chaque expression tour à tour ; il n’en épargne aucune et, pour protester contre toute affectation, toute recherche, il se met à chanter : Si le roi m’avait donné Paris, sa grand’ville…, etc… Aussitôt le public d’applaudir à cette mâle simplicité, d’approuver Alceste et Molière, qui s’exprime, croit-on, par la bouche d’Alceste ! […] De toutes amitiés il détache mon âme ; Et je verrais mourir frère, enfant, mère et femme, Que je m’en soucierais autant que de cela… On croirait entendre là, si j’ose me servir ici de cette expression, comme une « parodie » des propos jansénistes. […] Gorgibus menace sa fille et sa nièce : « Ou vous serez mariées toutes deux avant qu’il soit peu, ou, ma foi, vous serez religieuses ; j’en fais un bon serment. » Toutes les jeunes filles que l’on prétend contraindre à renoncer à leur amour : la fille d’Harpagon, celle de Philaminte, celle de Monsieur Jourdain, ne manquent pas de s’écrier comme la jeune veuve : « Un cloître est l’époux qu’il me faut. » La pensée est la même, si les expressions ne sont point semblables.
Il n’a pas pris, dans la pièce italienne, une seule phrase, une seule expression remarquable : il faut bien qu’il ne l’y ait pas trouvée ; car déjà sans doute il ne manquait ni de discernement pour l’apercevoir, ni de hardiesse pour se l’approprier. […] Molière qui, en général, pèche souvent par l’expression, ne pèche jaunis par la pensée et les plus grandes corrections dont ses ouvrages fussent susceptibles, se borneraient presque toujours à de simples changements de mots.
Si la gradation est nécessaire jusques dans les mots, si un poëte adroit ne met jamais allons après volons, s’il ne dit pas je vous aime après je vous adore, parceque la seconde expression est plus foible que la premiere ; à plus forte raison doit-il avoir le soin de graduer ses moyens & ses situations, de façon que l’admiration du public croisse sans cesse. […] C’est une expression ordinaire & naïve.
On se trompe : le masque ne servira qu’à dérober aux yeux des spectateurs la force de la passion qui le domine, à diminuer son expression, à lui donner une uniformité ennuyeuse. […] Au reste, je ne prétends pas exclure de la scene cette espece de caractere mitigé, s’il m’est permis d’employer cette expression, dont nous venons de parler ; il peut très bien figurer dans de petites pieces, dans des scenes épisodiques, ou chez des personnages subalternes, pour faire opposition avec des caracteres principaux qui sont très rares, quoi qu’on en dise, du moins ceux qui peuvent figurer dans une piece à grande prétention.
La lettre du 15 novembre, en réponse, est ironique dans quelques expressions, sévère dans d’autres ; mais elle tend surtout au but que se proposait madame Scarron : c’était de faire croire que l’année qu’elle allait passer dans une solitude forcée, avec les enfants dont il fallait cacher l’existence, serait consacrée à une retraite pieuse et à une réforme dirigée par un savant théologien. […] D’un autre côté, peut-on penser que l’accent de madame Scarron dans l’expression de son chagrin, cet accent qui alla au cœur du roi, ne sortît du cœur de la gouvernante dont la douleur n’était pas toute pour la perte de l’enfant et s’était accrue de la douleur du père ?
Un roi qui voyait au-delà des flatteries contemporaines, et qui, suivant la belle expression du poète, aspirait à un monument plus durable que l’airain, n’y trouvait-il pas tout ce qui pouvait satisfaire son orgueil, et populariser sa renommée en éternisant sa gloire ? […] Misérable parodie où le cynisme des expressions le dispute à l’indécence des personnages. […] Qu’on rapproche en effet les passages qu’on vient de lire des expressions mêmes du poète comique : « Votre majesté a beau dire, et monsieur le légat et messieurs les prélats ont beau donner leur jugement, ma comédie, sans l’avoir vue, est diabolique en mon cerveau ; je suis un démon vêtu de chair et habillé en homme, un libertin, un impie digne d’un supplice exemplaire. […] Celui-ci relève une expression qui lui paraît impropre, celui-là découvre à la loupe un passage qui n’est pas rigoureusement conforme aux règles de la syntaxe ; cet autre enfin refait un vers qu’il trouve sans harmonie, comme un maître qui corrigerait le thème de son disciple. […] Son maintien, son langage, ne peuvent tromper personne ; plus il abuse des expressions pieuses, plus il inspire d’horreur ; c’est le respect pour la religion qu’il profane qui excite l’indignation au plus haut degré.
Molière détestait les Précieuses ; lui-même n’était pas raffiné dans son style ; toutes les grossièretés imaginables d’expression, vous pouvez les ramasser dans ses comédies ; il met, toutes les fois qu’il le peut, l’expression crue et brutale : eh bien, il veut peindre un jour les Précieuses : voyez comme il attrape leur jargon ! […] Même justesse dans le choix des expressions destinées à exprimer une condition ou un caractère. […] Goethe a créé un mot, une expression de génie que tout le monde connaît : l’éternel féminin. […] Goethe, en créant cette expression, qui est à la fois chez lui une expression poétique et scientifique, a voulu signifier que la nature, en créant des sexes, a fait de la différence des sexes une différence aussi profonde, en quelques points, que le peut être la différence des espèces. […] Personne, quand il le fallait, n’a eu, autant que lui, de mesure dans l’expression d’un caractère et d’élévation dans les sentiments et les pensées !
Ces paroles de Clitandre, qui s’appliquent si bien à la modeste et gracieuse Henriette, expliquent la vraie pensée de Molière sur ce que doit être la femme ; et servent de correctif à ce qu’a d’exagéré dans l’expression la fameuse tirade, si juste au fond, du bonhomme Chrysale dans la septième scène du deuxième acte. […] On pourrait souhaiter en elle des qualités plus sympathiques ; mais c’est, dans toute la vérité de l’expression, ce qu’on peut appeler une honnête femme. […] Ne vous semble-t-il pas, Messieurs, vous demanderai-je en terminant cet essai si imparfait, que j’étais du moins dans le vrai en disant tout d’abord que les divers portraits de femmes que nous a tracés ce grand peintre, qui se nomme Molière, prouvent que nul n’a mieux connu ni plus aimé ce sexe, qui, suivant l’expression de La Fontaine, fait notre joie ; ce sexe mobile qu’il faut encore aimer alors même qu’il nous désespère, et cela au dire de toutes ses victimes, aussi bien des plus nobles, comme le généreux Alceste, que des plus indignes, comme cet égoïste bourru d’Arnolphe, dont les plaintes impertinentes se terminent cependant par un trait qui restera éternellement vrai, sous sa forme d’un brutal comique : Tout le monde connaît leur imperfection, s’écrie-t-il, Ce n’est qu’extravagance et qu’indiscrétion, Leur esprit est méchant et leur âme est fragile.
Quant à l’expression, elle se ressentit nécessairement de la dureté du peuple romain qui ne connoissoit alors que la guerre & les armes, & chez qui les spectacles d’amusemens n’avoient d’abord été qu’une sorte de combat d’injures. […] Un génie aisé, riche, naturel, lui fournit tout ce dont il a besoin ; des ressorts pour former les noeuds & les dénouer ; des traits, des pensées pour caractériser ses acteurs ; des expressions naïves, fortes, moëlleuses, pour rendre les pensées & les sentimens. […] Ce qu’il y a de sûr, de l’aveu de Cicéron, c’est que Térence est l’auteur latin qui a le plus approché de l’Atticisme, c’est-à-dire de ce qu’il y a de plus délicat & de plus fin chez les Grecs, soit dans le tour des pensées, soit dans le choix de l’expression. […] Aussi fécond en ressorts, aussi vif dans l’expression, aussi moral qu’aucun des trois. […] Cette expression est prise de l’Ecriture, comme il paroît par la Genese, viij. 21.
Cependant quel esprit, quelle finesse d’expression y a-t-il dans la réplique de George Dandin ? […] Les mêmes expressions qui toucheroient dans la bouche d’un jeune homme, sont ridicules & font éclater dans celle d’un barbon.
Il les rétablit aussi dans l’horreur convulsive du mauvais langage, et surtout des expressions qui se rapportent à l’amour vulgaire et grossier ; il leur fait un supplice du barbare amas De mots estropiés cousus par intervalle De proverbes traînés dans tes ruisseaux des halles. […] Je ne puis retenir ici l’expression d’un sentiment dont j’ai eu plus d’une fois l’occasion de me pénétrer ; c’est que ce système est condamnable en littérature, en politique, et surtout en morale, qui convertit des ouvrages d’imagination en écrits historiques, et fait d’une satire ou d’une comédie un répertoire d’anecdotes.
Il a, dit-il, puisé son feu dans la neige, expression vraiment espagnole. […] La Princesse éclate ; passe de la priere aux menaces, des fureurs à l’expression de l’amour le plus tendre. […] Mais que diroient-ils s’ils entendoient les dévots espagnols faire retentir leur théâtre de ces expressions : Vive Dieu !
C’est le cas d’une expression que Molière a mise dans la bouche de Gros-René. […] Il y a des scènes, des tirades, des expressions qui ont été traitées de main de maître. […] Cette expression sent un peu son Tartuffe. […] Dans plus d’un endroit l’auteur a fort spirituellement remplacé l’image de l’expression française par une image hollandaise du même genre. […] Galimatias, c’est une expression favorite de Boileau.
Voulez-vous que des idées grandes, nobles & simples se réduisent à rien, faites-les contraster entre elles & dans l’expression. « Voulez-vous qu’une piece de musique soit sans expression & sans génie, jettez-y du contraste, & vous n’aurez qu’une suite alternative de doux & de fort, de grave & d’aigu.
On remarque dans cette pièce de la froideur dans les personnages, des scènes peu liées entre elles, des expressions incorrectes. […] La scène du second acte entre Mirtil et Mélicerte, est remarquable par la délicatesse des sentiments, et par la simplicité de l’expression.
Puisque j’ai commencé à examiner comparativement les différents étages de la société, j’en prendrai occasion de faire remarquer ici que Molière, presque toujours, donne aux enfants des expressions plus élégantes, des idées plus raffinées, et même des sentiments plus élevés qu’à leurs parents. […] Rousseau ne pouvait ignorer toutes ces choses ; mais, par une des plus étranges saillies de son humeur sophistique, il a trouvé plaisant d’appliquer cette expression convenue d’honnête homme, à un homme qui n’est rien moins qu’honnête, en en dépouillant celui à qui elle convient dans toutes ses acceptions. […] La latinité d’Apulée, comme celle de tous les Africains qui ont écrit dans la langue des Romains, est rude, obscure, remplie de termes à la fois barbares et affectés ; mais ses idées sont plus naturelles que ses expressions ; son style, infecté des vices communs à son siècle et propres à son pays, brille néanmoins de toutes les qualités d’un esprit vif et gracieux, éloquent et poétique. […] Oui, sans doute, dans Les Fourberies de Scapin, Molière a allié Térence à Tabarin ; et ce n’est point là une figure, c’est une expression littérale, puisqu’en effet il a pris au comique latin presque tout le sujet de sa pièce, de même qu’il a emprunté au farceur populaire cette ridicule scène du sac que le goût en voudrait retrancher.
On sait à Paris qu’une partie de la Suisse parle la langue française ; mais les mots ont-ils le même sens, les mêmes expressions rendent-elles les mêmes idées des deux côtés du Jura ? […] Tel homme (il nommait Vinet) parle assurément le français aussi purement qu’on puisse le parler en France ; il y a mieux : il donne assez ordinairement aux mots le sens que, dans leur mobilité, ils revêtent à Paris, à l’heure où il parle ; et cependant ses expressions, comme ses idées, ont un point de départ et un rayonnement différent de celui qu’ils ont sur terre française. […] Monnard, qui joignait à une connaissance raisonnée de sa langue maternelle une connaissance approfondie des langues anciennes et de celles des principaux peuples de l’Europe, avait fait de ses cours une étude comparée des littératures diverses, l’expression des développements divers de la nature humaine. […] C’est après de longues et secrètes luttes, et lorsqu’il allait quitter le théâtre, que Racine peignit, dans Phèdre des passions et des remords d’une puissante énergie, et c’est, plus tard que, rompant le silence du repentir, il conçut ce type immortel de Joad, la mâle expression de la foi chrétienne.
Le dialogue est vif et franc, le comique incisif et redoublé : Molière est désormais maître de son expression. […] Il se tenait toujours dans une juste expression, tandis que ses rivaux criaient et gesticulaient à peu près comme on le fait encore sur nos théâtres de boulevard. […] Jamais les brouilles et les raccommodements de l’amour délicat n’ont été retracés avec une plus adorable expression. […] A la cour de Néron, du reste, où Pétrone fut, à ce que l’on croit, surintendant des plaisirs du prince, les souvenirs de Messaline (je n’ose rappeler les expressions dont Tacite l’a flétrie) influaient sur les mœurs que devait régénérer bientôt le spiritualisme chrétien. […] Le buste de Molière est, sans contredit, par son expression et par le fini de son exécution, un des plus beaux monuments de la sculpture française.
. — Le sublime ambitionne les termes généraux qui ont de la noblesse : le comique doit donc rechercher les expressions individuelles à l’adresse des sens139. […] De même que les expressions générales, ils aiment les sentences générales165.
On cherche en vain l’expression de cette force dans la statue de M. […] Assurément, ni dans l’expression ni dans la pose elles ne sentent le goût du théâtre, et surtout du nôtre.
Mais si les alexandrins nous ont paru peu favorables à l’expression du pathétique, c’est déjà une chose comique en soi, que de voir un vers tellement symétrique par sa nature, obligé de s’adapter de force aux tours familiers de la conversation. […] Marivaux a voulu appliquer cette idée aux inclinations tendres, et en effet, l’expression naïve des mouvements de lame qui se trahissent involontairement, appartient à la sphère de la comédie. […] En revanche, on lui reproche un jeu trop frivole dans l’expression des sentiments ; mais, est-il juste de demander à un léger prestige tel que l’opéra, la sévérité du cothurne tragique ? […] Cette expression ne dénote pas du moins un sentiment bien délicat de la dignité et de la grâce, que dans une représentation idéale, telle que veut être celle de la tragédie française, on doit toujours conserver, même au milieu des plus vifs emportements des passions. […] Il est vrai que ce n’est pas ce que les auteurs tragiques ont coutume de leur demander, et si l’on ne peut attribuer aux poètes ce manque de mesure dans l’expression des mouvements passionnés, ce que nous avons reproché aux acteurs, peut-être est-ce eux que l’on doit accuser de ce que l’art de la déclamation se pare d’un éclat superficiel, plutôt qu’il ne puise ses moyens au fond de l’âme7.
Les romans de Mlle Scudéri avaient achevé de gâter le goût : il régnait dans la plupart des conversations un mélange de galanterie guindée, de sentiments romanesques et d’expressions bizarres, qui composaient un jargon nouveau, inintelligible et admiré. […] Il y a des expressions qui ont vieilli. […] On se révolta généralement contre quelques expressions qui paraissent indignes de Molière ; on désapprouva le corbillon, la tarte à la crème, les enfants faits par l’oreille. […] On trouve aussi à la vérité, dans L’Avare de Molière quelques expressions grossières comme : Je sais l’art de traire les hommes ; et quelques mauvaises plaisanteries comme : Je marierais, si je l’avais entrepris, le Grand Turc et la république de Venise. […] On peut hardiment avancer, que les discours de Cléante, dans lesquels la vertu vraie et éclairée est opposée à la dévotion imbécile d’Orgon, sont, à quelques expressions près, le plus fort et le plus élégant sermon que nous ayons en notre langue ; et c’est peut-être ce qui révolta davantage ceux qui parlaient moins bien dans la chaire, que Molière au théâtre.
Il avoit une facilité incroiable à faire des Versf ; mais il se donnoit trop de liberté d’inventer de nouveaux termes, & de nouvelles expressions (D) : il lui échapoit même fort souvent des barbarismes (E). […] (D) Il se donnoit trop de liberté d’inventer de nouveaux termes & de nouvelles expressions. […] Remarquez bien que par barbarisme je n’entends pas des expressions, ou des paroles tirées des autres Langues, & inconnues à la Françoise ; j’entens un arrangement qui choque les regles, & que nos bons Grammairiens regardent comme barbare.