Et pourtant, à cette époque, la profession d’avocat, naguère illustrée par Lemaistre, jetait assez d’éclat pour attirer les regards; c’était le temps où brillait Patru, l’ami de Boileau, de Racine, de la Fontaine; le temps où la foule se pressait aux plaidoyers de Gaultier, oublié aujourd’hui, mais alors célèbre.
Celte époque est essentiellement différente de celle où vécut La Bruyère, de l’époque de la vieillesse de Louis XIV, de l’époque où la monarchie était tout aussi absolue, tout aussi triomphante, tout aussi indiscutée, mais où elle ne plaisait guère plus à personne, étant lourde, morose et triste. Cette époque de 1668-1675 est à la fois pour la France comme une aurore et une apothéose. […] Il multiplia les prières et les plaintes auprès du Roi, et la pièce, enfin autorisée authentiquement, fut jouée le 5 février 1669 et eut, chiffre extraordinaire pour l’époque, quarante représentations consécutives. […] Je ne vois que deux points où Molière n’ait pas été complètement ou nettement l’interprète du public bourgeois de son temps (et du reste du public bourgeois de toutes les époques). […] En 1671, époque où forent écrites les Femmes savantes, Mme de la Sablière n’a que trente-cinq ans.
Les quelque dix années qui suivent l’affaire de L’Ermitage de Caen sont, peut-être, dans la deuxième moitié du xviie siècle, l’époque de la plus forte poussée réactive de la libre pensée contre le courant religieux général. […] L’hostilité que le Jansénisme témoigna, efficacement, à la Compagnie du Saint-Sacrement, en 1000, à une époque où il avait le vent en poupe, où les trois ministres Colbert, Lyonne et Le Tellier le favorisaient sous main44, où commençaient pour lui les années, sinon tranquilles, du moins brillantes, d’une victoire temporaire, — cette hostilité, la Compagnie la lui avait témoignée de son côté dès longtemps, depuis leur origine, à peu près contemporaine, à tous les deux. […] Même l’immixtion dans la vie publique de ces petites sociétés, créées et dirigées par les Jésuites, ne fut pas sans effrayer, vers cette époque, en province, les autorités locales: en 1631, en Normandie, le Parlement essayait de l’enrayer.
Sur quoi le roi dit, en parlant de madame Scarron : Elle sait bien aimer ; il y aurait du plaisir à être aimé d’elle 92. » L’aversion des érudits pour les conjectures, et celle des esprits sages pour le romanesque, ne peuvent aller jusqu’à méconnaître que cette parole du roi fait époque dans l’histoire de ses relations avec madame de Maintenon.
Aussi donna-t-il des ordres pour que la salle du Petit-Bourbon fut mise à la disposition des nouveaux comédiens; et ils y jouèrent alternativement avec les Italiens jusqu’en 1660, époque à laquelle ils s’établirent au Palais-Royal, sous le titre de Comédiens de Monsieur. […] On voit, en effet, combien, dès cette époque, Molière était en faveur auprès du roi, puisque Sa Majesté elle-même daigna lui indiquer le sujet d’une scène des Fâcheux. […] Molière avait beaucoup d’ordre ; il se faisait un revenu de plus de trente mille livres, fortune considérable pour l’époque, et qui pouvait équivaloir à cent vingt mille francs de rente de notre temps. […] Qui croirait, par exemple, que la grotesque dispute du maître de danse et du tireur d’armes avec le philosophe, dans le Bourgeois Gentilhomme, n’est que la mise en scène d’une querelle qui eut lieu, à cette époque, entre les maîtres de danse et les joueurs de violon ? […] Qu’on songe que le rôle d’Alcmène fut écrit pour sa femme, et qu’il avait, à cette époque, un enfant de deux ans dont il ne se croyait pas le père.
Enfin l’accent même de la critique, à chaque époque où elle se doit renouveler, se renouvelle au juger et au toucher de ces belles œuvres, qui sont restées l’honneur et le respect de l’esprit humain. […] Certes, j’imagine qu’il y avait de quoi attendre impatiemment le dénouement d’un pareil drame, à une époque où l’on n’avait encore abusé de rien dans l’art poétique. […] Chaque saison de la littérature a son genre de critique ; pour chaque époque il existe une langue que cette époque comprend à merveille ; plus le chef-d’œuvre dont vous parlez est accepté, plus c’est pour vous une nécessité de ne copier personne, quand vous en parlez, et d’obéir tout simplement à votre goût particulier, à votre impression personnelle. […] Si vous lisez les critiques du temps et surtout les correspondances qui étaient tout le journal de son époque, vous trouvez avec étonnement que Marivaux a été estimé par ses contemporains bien au-dessous de sa juste valeur. […] Il n’a imité ni l’ingénieux, ni le fini, ni le noble d’aucun auteur ancien ou moderne ; il comprenait que chaque époque a sa finesse, son génie et sa noblesse qui lui sont propres.
Picard ; mais ayant à retracer dans un ouvrage que je me propose de publier incessamment les mœurs d’une époque qu’il a si bien peinte dans tous les siens, j’ai dû faire de son théâtre surtout une étude particulière, et c’est en l’approfondissant que j’ai de plus en plus apprécié l’excellence d’un talent fait pour honorer notre siècle.
Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles.
Il repose depuis une époque indéterminée sur les rayons de la Bibliothèque Royale, et, qui mieux est, figure depuis vingt-cinq ans au moins sur le catalogue, à l’article si souvent feuilleté de J.
J’ai vu pour la première fois jouer le Tartuffe à une époque où, certes, je n’exigeais pas qu’un spectacle fût moral. […] Un jour, le sieur d’Assouci, le drôle le plus authentiqué de l’époque, rencontra la troupe : il y plut tellement et s’y trouva si bien, qu’on ne pouvait plus se séparer. […] Nous ne disons rien des dédicaces, des flagorneries violentes, des compliments à bout portant : c’est ce que l’on trouve dans tous les auteurs de l’époque, et dans les auteurs à toutes les époques. […] Le règne était jeune, l’époque pleine de plaisirs, et l’on n’y trouve pas tout de suite l’à-propos d’une œuvre amère, qui semble plutôt, au premier abord, faite pour les derniers jours de ce roi galant et de ces courtisans débordés. […] En plein règne de Louis le Grand, son époque si glorieuse et si admirée fut traitée de lie des siècles.
Publius Maro Virgile, Poëte Latin, né dans un village près de Mantoue, de parents obscurs, le 15 Octobre de l’an 70 avant Jésus-Christ, & mort à Brindes en Calabre, le 22 Septembre de l’an 19 avant la même époque : il étoit âgé de 52 ans.
Ils ont beau se refuser à l’évidence ; nier nos progrès dans les sciences et dans les arts ; exhumer les crimes de la Révolution, en repoussant ses bienfaits, et dater de Fontenoi la dernière époque de notre gloire militaire, la sagesse et la prévoyance qui ne font qu’un nous ont donné la Charte ; c’est sur elle que s’appuie le dix-neuvième siècle ; c’est elle qui l’empêchera de reculer.
Ce fut le modeste prélude de l’époque héroïque où son génie, dégagé de la farce, entrait en pleine possession de lui-même14. […] En effet, elle est de cette époque où il disait à Rohaut : « Je suis le plus malheureux des hommes, et je n’ai que ce que je mérite. » On sait que, vers le temps où il raillait si gaiement Arnolphe dictant à Agnès les commandements du mariage, il venait, aux environs de la quarantaine, d’épouser, en 1662, la jeune Armande Béjart, âgée de dix-sept ans au plus. […] C’est ainsi que les médisances de Célimène convenaient bien à une époque dont Mlle de Montpensier disait : « Portraits à foison se font voir à notre horizon86. » Dans ce genre, qu’elle contribua plus que tout autre à mettre en vogue, c’était à qui ferait briller son esprit. […] Dès 1664, à l’époque où Racine, âgé de vingt-cinq ans, débutait par Les Frères ennemis, le Tartuffe était à peu près terminé. […] « Car les grandes époques sont celles où on se sert de soi, pour peindre autre chose que soi. » 41.
Voilà le vrai don Juan, fils du dix-neuvième siècle, expression de notre époque.
On considérerait comme une profanation tout changement introduit dans le texte original ou même l’atténuation de quelques termes qui, même à l’époque de Molière, étaient considérés comme trop crus. […] « À l’époque de la lutte intellectuelle que la littérature allemande a été forcée de soutenir contre l’influence écrasante de l’école française, Racine, Corneille et toute la littérature de cette période ont été condamnés sans jugement, et Molière n’a pas été exclu de ce verdict. […] Nous avons, du reste, sur la façon de vivre du grand comique à cette époque, un témoignage intéressant, c’est celui de Dassoucy, qui rencontra alors Molière, navigua avec lui sur le Rhône, et le suivit justement à Pézenas. […] Il ne joua guère en effet de tragédie qu’à cette époque. […] Il est de toutes les époques et de tous les pays.
À cette époque, quelques dames, illustres autant par l’esprit que par la naissance, puisèrent dans la société des hommes éminents et lettrés qui les entouraient, un amour de la science, un soin des lettres, un purisme de langage, qui n’étaient certes qu’une qualité de plus ajoutée à tant d’autres dans une marquise de Rambouillet, trônant par la souveraineté du goût, de la beauté et de la conversation, au milieu d’une cour où se pressaient Richelieu, Vaugelas, Racan, Balzac, Voiture, Corneille, Patru, Saint-Evremond, Montausier, où vieillissait Malherbe et débutait Bossuet, entre Julie d’Angennes, Mme de Longueville, Mlle de Coligny, Mme de La Fayette et Mme de Sévigné.
En effet, il vint un moment, et ce moment coïncide à peu près avec l’époque de la mort de Molière, où la comédie italienne, qui ne s’en allait plus, comme autrefois, respirer l’air natal, se fit de plus en plus française.
Dans le même temps, il essayait de compositions plus étendues et plus sérieuses, telles que L’Étourdi et Le Dépit amoureux, comédies excellentes pour l’époque, mais plus faibles pour Molière. […] Ce genre d’études morales était devenu particulièrement à la mode après les troubles de la Fronde, et l’on comprend sans peine que la physionomie de la société française à cette époque ait fourni aux observateurs du cœur humain une ample moisson de faits piquants. […] Dans un autre, il ne l’est jamais assez, parce que dans toutes les époques , même dans les meilleures, il y a, pour en revenir aux images de Schiller, des laboureurs qui ne songent qu’aux fruits de la terre, des marchands uniquement occupés de ce qui peut remplir leurs magasins, des abbés plus soucieux des vignes du monastère que du salut de leurs vignerons, et des rois qui vivent moins pour le bonheur de leurs peuples que pour celui de percevoir la dîme. […] Molière connaît aussi le comique de la satire vengeresse et méprisante, comme le prouvent suffisamment les railleries dont il poursuivit les médecins charlatans de l’époque, et ses attaques multipliées contre l’hypocrisie ou contre la pédanterie. […] Les premiers ont simplement recueilli ce que les aventures des chefs des familles grecques liguées contre Troie avaient fait naître de fables héroïques et romanesques; Shakespeare est le fils du moyen âge, l’héritier légitime de tout le travail d’imagination né des grandes luttes de cette époque héroïque et remuante, où ce n’étaient pas des tribus seulement, mais des nations qui s’unissaient pour d’aventureuses conquêtes.
Écouter une comédie d’une bonne époque, c’est se mêler presque à l’entretien de personnages bien nés, comme il s’en trouvait jadis pour parler naturellement le français, et cela n’a pas mauvaise façon.
C’est environ à la même époque que le mystique Morin, livré par Saint-Sorlin, de libertin devenu cafard, endura le même supplice3. […] Justement, vers cette époque, Condé en réclame à Molière une seconde représentation.
À l’époque où Molière conçut sa pièce, on était entêté de beau langage. […] Nul poète n’a fait parler les cœurs avec plus de passion et avec plus de justesse tout ensemble ; nul n’a fait meilleure garde autour du sien pour n’y pas laisser pénétrer les tours d’imagination de son époque, ni l’orgueil des sentiments extraordinaires.
La reconnaissance et l’enchantement populaires ont attaché à cette brillante époque le nom du prince qui était le centre et le principal ressort de ce noble mouvement des cœurs et des intelligences : Voltaire a prouvé que ce n’était pas sans raison.
Enfin don Quichotte, ce héros si riche de son propre fonds, et si follement révolté contre l’ordre social de son époque, nous montre dans sa curieuse personne la synthèse de l’un et de l’autre. […] Et quand ses personnages ne sont pas des princes, quand ils appartiennent à des époques historiques, Shakespeare les place alors dans ces temps de guerre civile où, les liens de l’ordre social étant brisés et les lois sans force, la grandeur individuelle avait un libre jeu233.