Déjà les Grecs et les Romains sont rentrés dans nos musées : ils serviront aux progrès de l’art, après avoir servi aux progrès de la pensée. […] Noble triomphe d’une noble pensée ! […] Elle donne des images à la pensée et des émotions au sentiment ; elle est la lumière divine qui tombe du ciel sur les œuvres du génie, car je ne saurais définir autrement l’inspiration. […] Des artistes et des gens de lettres avaient eu la pensée d’élever la statue de Molière sur la place de l’Odéon. […] Certes l’Académie française, en voyant cette manifestation spontanée d’une noble pensée, dut être fière de son ouvrage, car c’était bien là son ouvrage : elle avait donné l’impulsion.
Grace donc à cette heureuse pensée, conçue et menée à bonne fin par la Comédie-Française, nous avons pu voir, enfin, représenter avec tout l’éclat, tout le talent, toute la pompe même de décorations et de costumes qu’un spectacle aussi singulier exige, le pur et vrai Don Juan de Molière, ce drame en prose et pourtant si poétique, où la réalité s’unit au merveilleux, la fantaisie à l’observation, l’ironie sceptique à la crédulité légendaire ; drame sans modèle en France et resté sans, postérité comme le Cid, et dont les beautés irrégulières font clairement prévoir ce qu’aurait produit en ce genre la muse française, s’il avait pu lui convenir de puiser plus fréquemment aux sources romantiques. […] Je m’en vais passer tout à l’heure dans cette petite rue écartée qui mène au grand couvent ; mais, pour moi, je vous déclare que ce n’est pas moi qui me veux battre : le ciel m’en défend la pensée, et, si vous m’attaquez, nous verrons ce qui en arrivera. » - Je conçois qu’on ait été obligé de faire, en 1677, des retranchements aussi fâcheux ; mais ce qui me paraît le tort grave et personnel du traducteur, c’est d’avoir rempli ces vides si regrettables par des inventions communes et propres seulement à faire perdre de vue le dessein et la haute pensée de l’auteur. […] Dans la pensée de Molière, don Juan se montre ici hypocrite de philosophie, comme il sera bientôt hypocrite de religion.
Dans les lettres publiées on voit un peu trop peut-être la mère de madame de Grignan ; et malgré le charme des narrations, la justesse des observations, la finesse naïve des expressions, la grâce des tours, et enfin la solidité des pensées que répand en courant sa plume légère, on ne peut se dissimuler qu’il y règne au fond un peu de monotonie. […] Madame de la Sablière disait de lui : « Il m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur. »C’était à l’occasion des Maximes, publiées en 1665, qu’ils faisaient l’utile échange de leurs sentiments et de leurs pensées. […] Ce sel tant vanté de la Grèce En faisait l’assaisonnement ; Et malgré la froide vieillesse, * Son esprit léger et charmant, Eut de la brillante jeunesse Tout l’éclat et tout l’enjouement. » Vigneul de Marville en parle ainsi : « Elle écoutait avec une attention qui débrouillait toutes choses, et répondait encore plus aux pensées qu’aux paroles de ceux qui l’’interrogeaient.
Ces paroles de Clitandre, qui s’appliquent si bien à la modeste et gracieuse Henriette, expliquent la vraie pensée de Molière sur ce que doit être la femme ; et servent de correctif à ce qu’a d’exagéré dans l’expression la fameuse tirade, si juste au fond, du bonhomme Chrysale dans la septième scène du deuxième acte. […] Sur quelle sale vue il traîne la pensée ? […] Les suites de ce mot, quand je les envisage, répond Henriette, Me font voir un mari, des enfants, un ménage, Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner, Qui blesse la pensée et fasse frissonner. […] Ce qui prouve bien que, dans cette heureuse opposition des deux sœurs, la pensée de Molière a été uniquement de montrer toute la supériorité morale et intellectuelle de celle qui a su se conserver simple, vraie et modeste dans ce milieu tout d’affectation et de pédantisme, et non pas de glorifier l’ignorance et de la présenter comme la condition normale et désirable des filles ; c’est qu’au contraire, dans le rôle si charmant d’Agnès de son École des femmes, il s’est appliqué à faire ressortir les dangers que peut faire courir à l’innocence la plus pure un manque absolu de lumières.
La première consiste à peindre les caractères, c’est-à-dire les sentiments et les passions qui inspirent les pensées et dirigent les actes des personnes que l’on observe. […] Son point de départ est l’observation des faits psychiques, c’est-à-dire l’étude des pensées énoncées et des actes accomplis par l’homme. […] » Préoccupé par ses pensées jalouses, il va frapper à la porte de Valère. […] Cette passion accidentelle dirige alors seule la pensée, l’imagination, les désirs, la volonté. […] Si les sentiments moraux sont absents de l’esprit, l’homme ignore tout à fait l’extravagance ou l’immoralité de ses pensées, de ses désirs, de ses volontés.
Le temps dont tu subis l’essai, Le temps vieillit le faux et rajeunit le vrai ; Tu vivras donc toujours, et ton riche domaine N’est pas moins éternel que la pensée humaine. […] Là ce Génie ailé semble, du haut des cieux, Déposant sur ta tête une double couronne, Sacrer la royauté que l’univers le donne ; Ici, cette fontaine, en jets toujours nouveaux Épanchant le bienfait de ses limpides eaux, Figure ta pensée abondante et profonde.
me soupçonnez-vous d’avoir une pensée De qui son ame ait lieu de se croire offensée ? […] Non, sans vous, loin de vous, je n’ai point de pensée. […] Belle Philis, c’est trop, c’est trop souffrir : Rompons ce dur silence, & m’ouvrez vos pensées.
Ce pâté ne vous ramène-t-il pas, par la pensée, aux joyeux soupers de Boileau, de La Fontaine et de Molière ? […] Y a-t-il eu là une pensée secrète, un dessous politique et social ? […] bons ou mauvais, il y a toujours dedans une pensée, un labeur, une espérance. Toute espérance mérite du ménagement, tout labeur mérite du respect ; et une pensée vaut bien une politesse. […] Au fond, et si on la dégage du jeu de mots qui l’enveloppe, la pensée finale du sonnet est très juste ; Oronte l’a habillée à la manière du temps, voilà tout.
C’est la pensée d’Arnolphe ; il ne la cache pas : Dans ses meubles, dût-elle en avoir de l’ennui9, Il ne faut écritoire, encre, papier, ni plumes ; Le mari doit, dans les bonnes coutumes, Écrire tout ce qui s’écrit chez lui. […] C’est la pensée de Priam et des vieillards qui la voyant s’avancer vers la tour où ils discourent, pareils à des cigales harmonieuses, n’ont pour elle aucun mot de reproche, admirent sa beauté et rejettent sur le destin la faute de leurs malheurs. […] L’exacte raison de Molière est bien éloignée d’une pensée si désolante et si fausse. […] Henriette prend la vie et le mariage pour ce qu’ils sont, sans tant raffiner : Les suites de ce mot, quand je les envisage, Me font voir un mari, des enfants, un ménage, Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner, Qui blesse la pensée et fasse frissonner. […] Le langage d’Henriette est franc, parce qu’elle ne soupçonne point de mal dans une action qu’elle voit faire à tant de monde ; celui d’Armande est plein d’images impures, parce qu’elle a sali sa pensée en la traînant sur des détails auxquels Henriette n’a pas songé.
Il réussit, et devint si original qu’« à côté de lui Sterne est un Cicéron pour la régularité de la pensée et du style 404 ». […] Ici l’expression de l’âme sur le visage, la pensée du front, est tout ; le corps n’est plus qu’un objet honteux que les artistes les plus intelligents voilent modestement d’une draperie411. […] Il garde volontiers le silence, et sa conversation est systématiquement assez banale, parce qu’il évite avec soin le choc des idées, et ne laisse paraître sur aucune grande question le fond de sa pensée. […] Douter que le sang fût immobile dans les veines, douter qu’une goutte d’or potable fût le remède de tous les maux’, c’était une pensée presque impie, un crime de lèse-majesté devant les satrapes de l’empire d’Aristote. […] À l’époque de la guerre de Troie, les formes de la pensée et toute la manière de vivre étaient bien différentes de celles que nous retrouvons dans l’Iliade.
Quatre objets, qui se représentaient sans cesse aux yeux ou à la pensée sous la monarchie ancienne, et surtout dans la littérature, avaient fait contracter ces habitudes de respect : les femmes, les prêtres, les grands, les rois. […] On souffrait à l’idée de revêtir ses pensées d’expressions nobles et vigoureuses, ou de voir quelqu’un pénétré des sentiments d’une personne.
Mais ceux qui veulent voir dans les œuvres dramatiques vraiment belles des intentions morales, prêtent presque toujours aux auteurs une pensée qu’ils n’ont point eue. […] Ceux qui ont voulu voir en Molière un mélancolique habillant sa tristesse sous une gaieté forcée, ou un voluptueux sans autre pensée que le plaisir, ont fait preuve, les premiers d’une clairvoyance voisine de l’imagination pure27, et les autres d’une ignorance réelle sur la philosophie de son maître Gassendi28. […] "Le devoir de la comédie étant de corriger les hommes en les divertissant..., j’avois eu la pensée que je ne rendrois pas un petit service à tous les honnêtes gens, etc. » (Premier placet sur le Tartuffe.)
Ses yeux ont des rayons de lumière qui pénètrent jusqu’aux pensées et jusqu’aux secrets des cœurs. […] Ces mots qui naissaient du travail de la pensée et du mouvement de la conversation, n’étaient sûrement pas les plus mauvais. […] Elle donne force à la loi, à la foi, au roi, à cet autre mot qui est l’abrégé de toutes nos pensées, le mot moi ; enfin elle donne sa force à la voix. […] Mais comme l’approbation des veux est d’un ordre inférieur au mérite de ces belles, elles s’élèvent par la raison et par l’esprit, et tâchent de fonder en droit les passions qu’elles peuvent faire naître Il y a les beautés fières et les beautés sévères : les premières souffrent les désirs accompagnés de respect : le respect n’adoucit pas les sévères ; ni les unes ni les autres ne sont invincibles. » De Pure ajoute qu’elles font solennellement vœu de subtilité dans les pensées, et de méthode dans les désirs. […] Elles les font travailler tout leur soûl, sur toutes les pensées qui leur tombent dans l’esprit.
Non, sans doute ; et pour dire toute notre pensée, cette versification brillante nous semble moins appartenir à la comédie qu’à l’épître ou à la satire. […] Il avait déclaré sa pensée. […] Si cela est, l’acteur, pour mieux entrer dans sa pensée, ne doit-il pas en adoucir les traits plutôt que de les outrer? […] À qui donc, en effet, la pensée serait-elle venue qu’une femme comme Elmire eût pu jamais descendre à jouer une pareille comédie ? […] Quelle est en cela la pensée de l’acteur ?
Il convint donc à Molière de supposer que des femmes, qui joignaient à quelque instruction la pureté et la décence des mœurs, étaient nécessairement une transformation de ces précieuses qui professaient l’amour platonique, où l’on tient la pensée Du commerce les sens nette et débarrassée, Cette union des cœurs où les corps n’entrent pas. […] C’est sans doute une preuve de sagacité d’avoir reconnu le fond des intentions du poète ; mais n’avoir point remarque que la direction franche et naturelle est détournée dans l’exécution, que le trait primitif du dessin tracé dans la pensée de l’auteur s’est à peu près effacé et pour ainsi dire oblitéré dans l’ouvrage, et n’avoir point pénétré le motif de cette altération, c’est n’avoir pas porté la sagacité assez loin.
[94, p. 138-139] L’abbé Dubos287 admire dans la scène 7 du troisième acte288 du Misanthrope, la saillie de ce même personnage, qui rendant un compte sérieux des raisons qui l’empêchent de s’établir à la cour, ajoute, après une déduction des contraintes réelles et gênantes qu’on s’épargne en n’y vivait point : « On n’a point à louer les vers de messieurs tels. »289 Cette pensée devient sublime, dit-il, par le caractère connu du personnage qui parle, et par la procédure qu’il vient d’essuyer, pour avoir dit que des vers mauvais ne valaient rien.
193 le parterre applaudit : Alceste démontra, dans la suite de la scène, que les pensées et les vers de ce sonnet étaient, De ces colifichets dont le bon sens murmure.
À qui, dans la pensée de Molière, s’appliquait-il ? […] Peut-on soutenir sérieusement, et même avec quelque chose de l’accent lyrique que Molière prend ici pour truchement et pour interprète de sa pensée, mademoiselle Martine ? Molière ferait dire par Martine, comme étant sa pensée à lui, que le mari ne doit savoir ni A ni B après avoir fait dire à Clitandre qu’une femme doit avoir des clartés de tout ? […] Et dès lors que devient Martine représentant la pensée de Molière et Molière confiant aux filles de la nature la défense de leur mère ? […] Orgon a toujours la pensée de ce qui l’attend outre-tombe.
Les Auteurs qui sont venus après le pere de la vraie comédie, ont, je n’en doute point, tenté de marcher sur les traces de ce grand homme, & de présenter leurs idées avec des expressions naturelles, comiques, intelligibles aux spectateurs les moins éclairés : mais la nature a épuisé ses dons en faveur de Moliere, & s’est montrée avare pour ses successeurs, qui n’ayant pas un génie capable d’imaginer des fables nouvelles, d’imiter heureusement celles des Anciens, ou de profiter des idées des nations voisines ; ne pouvant enfanter que des pieces dont l’action & le mouvement suffisent à peine pour soutenir un seul acte, & ne voulant pas ressembler à Poisson, qui se nommoit plaisamment un cinquieme d’Auteur, parcequ’il n’avoit fait que de petites pieces, imaginerent d’amuser le spectateur & de l’éblouir par des pensées brillantes. […] C’est à mes lecteurs à peser cette pensée, à juger combien de goût, de force d’esprit, de philosophie, de grandeur d’ame, elle décele, & sur-tout dans un Roi. […] Ce qu’on appelle trait d’esprit, défigure les caracteres, en affoiblit le ridicule, & substitue à des traits naturels, si essentiels pourtant, des bons mots, des pensées brillantes, qui fixent l’attention du spectateur à tout autre objet que l’action de la comédie ; aussi les Auteurs se dispensent-ils d’en mettre.
Ni le roman intime (feu le roman intime, faudrait-il dire), ni feu le drame moderne, toujours escortés de quelques héros mystérieux sans explication et sans nom, et tout noir, n’ont jamais préoccupé la curiosité et la sagacité du lecteur, autant que l’a fait ce bel Alceste, créé tout exprès et mis au monde par Molière, quand Molière voulut dire à tous et à chacun, enfin, les plus secrètes pensées de son esprit et de son cœur. […] Le parterre s’était mis à adopter ce Baron comme le dernier confident des pensées du maître, et jusqu’à la fin de sa vie il l’entoura d’attentions et de respects.
Mais ces pensées se présenteront plus tard. […] Citons encore pourtant ces grandes paroles : « Terrible pensée de ne rien voir sur sa tête ! […] Suivons-le, écoutons sa pensée. […] Là est le germe de la pensée de Molière et la cause profonde des applaudissements qu’elle obtient. […] Ne trouve-t-on pas que Bourdaloue lui propose des pensées plus dignes d’un homme et d’un chrétien ?
Or, le comique de pensées est aussi solide et durable que le comique des mots est caduc et passager. […] Ce mot obsède la pensée du pauvre Arnolphe. […] Il l’a constamment dan a pensée et à la bouche, et pourtant il en a une peur horrible. […] Vous allez par la pensée d’un côté ; la parole et l’action vous mènent d’un autre ! […] Est-ce qu’il aurait à craindre que cela lui donnât de coupables pensées ?