Il en connaissait l’idée mère, le plan général, et bon nombre des aventures qui avaient été brodées par Molière sur ce canevas fort simple. […] Les consuls acquittent cette somme, pour satisfaire aux ordres de Mgr le duc d’Arpajon, lieutenant général pour le roi en la province. […] Joseph Béjart publia un « Recueil des titres, qualités, blasons et armes des seigneurs barons des états généraux de Languedoc, tenus par S.A.R. […] » Il identifie ses personnages et ceux qui les jouent, sans toutefois sortir des caractères généraux qui ont seuls une vitalité durable. […] Saint-Simon ne daignait pas sans doute en tenir compte, et en effet cela n’infirmait nullement les règles et observations générales qu’il formulait.
« Carcassonne, neuvième octobre 1647 » Le second document, qui complète le précédent, est un extrait du Compte des frais de l’entrée de monseigneur le comte d’Aubijoux, lieutenant général pour le Roi, en la province du Languedoc : « La troupe des comédiens de Mgr le duc d’Épernon étant venue exprès de la ville de Tholoze, en cette ville, avec leurs ardes et meubles, et demeurée pendant le séjour de Mgr le Comte, il leur fût accordé pour le dédommagement la fortune de 500 livres payées et avancées par la susdite ville d’Albi, résultant par la quittance concédée par sieurs Charles Du Fresne, René Berthelot et Pierre Rebelhon, retenue par Me Bernard Bruel, notaire, le 24e Octobre dudit an 1647. » Quelle est cette troupe du duc d’Épernon, dont font partie Du Fresne, René Berthelot et Pierre Rebelhon, sinon celle des Béjart, débris de l’Illustre Théâtre qui, parti de Paris en 1646, a représenté à Bordeaux La Thébaïde de Molière, puis est venu à Toulouse, où le jeune Poquelin a connu le vieux poète Goudouly ? […] C’est une quittance du 10 septembre 1657 donnée par deux comédiens du duc d’Orléans, constatant que les consuls d’Albi ont fait transporter les bagages de leurs camarades jusqu’à Castres, cette troupe se rendant aux États de Pézenas et auparavant au château de Séverac, chez le duc d’Arpajon, lieutenant général qui ouvrit les dits États le 8 octobre suivant. […] Voici, en effet, ce qu’on lit dans les comptes des recettes et dépenses de l’administration consulaire de la ville d’Alby, pour l’année 1657 : « A Jean Bayrol et à Bernard Barrau charretiers du Bout du Pont d’Alby, la somme de 85 livres pour paiement du port et voiture par eux faite des ardes de la troupe des commédiens de Monseigneur le duc d’Orléans oncle du Roy à présent régnant, et gouverneur général pour sa Majesté en la province de Languedoc, despuis la présante ville d’Alby, jusques à la ville de Castres, lequel paiement Messieurs les Consuls ont faict des livres par ledit Adhémar, présant comptable, pour satisfère aux ordres de Monseigneur le duc d’Arpajon lieutenant général pour sa Majesté en la dite province, résultant par deux lettres missives. […] Bruel notaire royal ont comparu : « Bayrol et Barrau, charretiers habitans du Bout du Pont du Tarn d’Albi lesquels ont réellement reçu de Messieurs les Consuls de la dite ville par les mains du sieur François Adhémar leur trésorier ici présant et faisant le payement de l’ordre et mandemant des dits sieurs Consuls aussy présents et en la présance des sieurs Mingot (sic) et Nicolas Dubois de la troupe des commédiens de monseigneur le duc d’Orléans oncle du Roi à présant régnant et gouverneur général pour sa majesté en la province du Languedoc ; sçavoir est : la somme de huictante cinq livres pour le port de boytures que les dits sieurs Barrau et Bayrol ont entrepris de faire des ardes de la dite troupe des commédiens de cette ville d’Alby en la dite ville de Castres, pesant soixante-huit quintal et desmy arrangement faict par les dits sieurs Mingot (sic) et Dubois à la dite somme de huictante cinq livres de laquelle les dits Bayrol et Barrau sont comptants et quites les dits sieurs Consuls quy ont faict le payement de la dite boyture pour satisfaire aux ordres de monseigneur le duc d’Arpajon lieutenant général pour le Roy en la dite province, résultant par deux missives… La présante quitance en présance du dit sieur Bruel praticien d’Alby soussigné aux dits sieurs Consuls ensamble les dits sieurs Mingot et Dubois et Antonin Frizabille tailleur du dit Alby et les dits sieurs Bayrol et Barrau. […] Ici, c’est le duc d’Arpajon, lieutenant général, qui écrit successivement deux lettres missives aux consuls d’Albi pour leur recommander de payer le transport des bagages de la troupe de leur ville à Castres, et il est probable qu’on trouverait dans cette dernière ville des lettres semblables, qui enjoignent aux magistrats consulaires d’agir de même pour un autre relai, et ainsi de suite jusqu’à Pézenas où se réunissaient cette année-là les États du Languedoc.
Tous les personnages de l’Ecole des maris sont des bourgeois : Sganarelle, Ariste, Isabelle, Léonor, Valere, peuvent fort bien s’entretenir dans les rues de Paris, & y avoir de légers démêlés, sans blesser leur rang & la vraisemblance ; mais il est très peu naturel qu’Amphitrion, un Général d’armée, ait, dans une rue, avec sa femme une explication aussi vive, aussi sérieuse, aussi délicate & aussi longue que celle qui suit.
Je m’en tiens à cette décision générale, autrement je ne vivrais pas (c’est ainsi que dans le principe elle prit Gobelin).
Saura-t-il graduer ses effets, & concourir à l’ordonnance du tableau général ?
Supplie humblement Votre Majesté de créer, pour le bien de son Etat & la gloire de son Empire, une charge de contrôleur, intendant, correcteur, reviseur & restaurateur général desdites inscriptions, & d’icelle honorer le suppliant, tant en considération de son rare & éminent savoir, que des grands & signalés services qu’il a rendus à l’Etat & à Votre Majesté, en faisant l’anagramme de Votredite Majesté en françois, latin, grec, hébreu, syriaque, chaldéen, arabe. . . . . . . . . . . . . . . .
L’ombre du grand homme, qu’un poète jeune et de bonne espérance a évoquée ingénieusement ce soir-là, aurait pu se montrer fière et reconnaissante de ce nouvel hommage, préférable peut-être même au premier ; car, si les statues publiques sont la digne et seule récompense à offrir à la mémoire des grands généraux et des grands citoyens, nous n’imaginons pour les poètes et pour les artistes aucun hommage plus désirable et plus flatteur que le culte intelligent de leurs ouvrages.
Venu à Béziers avec sa troupe pour les États que le comte de Bioule, lieutenant général du Roi en Languedoc, fut chargé d’ouvrir dans cette ville, il y donna pour la première fois son Dépit amoureux. […] La princesse mère du grand Condé, sa fille, depuis madame de Longueville, mademoiselle de Scudéry, madame de La Suze, nombre d’autres femmes aussi distinguées, et, comme pour contraster avec le ton général de la société, madame de Sévigné, en étaient le charme et l’ornement. […] Outre qu’une pièce en un acte et en prose était alors une nouveauté, le titre de celle-ci n’avait pas peu servi à exciter une curiosité générale. […] La pièce fut jouée avec un applaudissement général, et j’en fus si satisfait en mon particulier, que je vis dès lors l’effet qu’elle allait produire. […] Voltaire donne la traduction d’un passage d’un livre des Indiens, écrit dans un langage que l’on parlait de temps immémorial aux bords du Gange, et recueilli par le savant colonel ; ce morceau renferme une anecdote qui, au dénouement près, a la plus grande conformité avec l’aventure du général thébain.
Dalila lui oppose son devoir, sa religion, lui apprend qu’elle doit épouser Achab, Général des Philistins.
Du Parc contribua beaucoup au succès général de l’entreprise, mais particulièrement à celui du Dépit amoureux, seconde comédie de Molière, dans laquelle il jouait sous son nom de théâtre, et qu’il faut lire pour connaître le caractère du genre adopté par du Parc ; caractère soutenu, mais moins développé dans Le Cocu imaginaire. […] Il écrivit une Lettre sur les affaires du théâtre, dans laquelle il l’accusait, non seulement d’avoir outragé toute la noblesse du royaume, mais même d’avoir offensé la majesté souveraine, que cette noblesse environne et soutient ; accusation non moins absurde que perfide, fondée sur le plus grossier des paralogismes, celui qui, concluant du particulier au général et de l’individu à l’espèce, veut voir la satire injuste de toute une classe d’hommes respectables et respectés, dans la juste critique d’un petit nombre d’hommes ridicules qui en font partie.
Je suis fâché qu’il lui doive la confession générale du héros. […] arrache-t-il un éclat de rire général ?
Molière, obligé de se conformer au caractère général de la fête dans le choix de son sujet, n’avait pas cru pouvoir mieux faire que de l’emprunter au théâtre espagnol, dont la plupart des productions offrent un mélange remarquable de fierté castillane et de galanterie moresque.
De tous les vices qui dégradent l’homme, lui font perdre l’estime de ses semblables, le rendent digne du mépris général, celui contre lequel la société entière doit réunir tous ses efforts, qu’elle doit attaquer et poursuivre continuellement, c’est l’hypocrisie.
Il est vrai que les canevas italiens et les romans espagnols t’ont guidé dans l’intrigue de tes premières pièces; que, dans ton excellente farce de Scapin, tu as pris à Cyrano le seul trait comique qui se trouve chez lui; que, dans le Tartufe, tu as mis a profit un passage de Scarron ; que l’idée principale du sujet de L’ Ecole des Femmes est tirée aussi d’une Nouvelle du même auteur; que, dans le Misanthrope, tu as traduit une douzaine de vers de Lucrèce; mais toutes tes grandes productions t’appartiennent, et surtout l’esprit général qui les distingue n’est qu’à toi. […] Il veut que des personnages de comédie soient tous des héros, parce que ce sont des gens de cour; il veut qu’ils ne puissent pas être ridicules, parce que ce sont des gentilshommes ; il veut que chacun d’eux prenne Molière à partie, et il ne songe pas que des peintures générales ne peuvent jamais offenser personne. […] Ce n’est pas que, sous le point de vue le plus général et le plus frappant, la pièce ne soit utilement instructive, puisqu’elle enseigne à ne point s’allier à plus grand que soi, si l’on ne veut être dominé et humilié ; mais aussi l’on ne peut nier qu’une femme qui trompe son mari le jour et la nuit, et qui trouve le moyen d’avoir raison en donnant des rendez-vous à son amant, ne soit d’un mauvais exemple au théâtre; et il peut être plus dangereux de ne voir dans la mauvaise conduite de la femme que des tours plaisants, qu’il n’est utile de voir dans George Dandin la victime d’une vanité imprudente.
Fouquet, dont l’illustre mémoire, Vivra toujours dans notre histoire, Fouquet, l’amour des beaux esprits, Et dont un roman1 de grand prix, Dépeint le mérite sublime, Sous le nom du grand Cléonime ; Ce sage donc, ce libéral, Du roi procureur général, Et plein de hautes connaissances, Touchant l’État et les finances, Lundi dernier2 traita la Cour, En son délicieux séjour. […] Benserade fit pour les chevaliers eurent une approbation si générale ; où la vigilance exacte de M. […] « [*]Il ne suffit pas toujours d’avoir un génie supérieur pour juger sûrement de ce qui peut plaire au théâtre, et mériter un applaudissement général.
Molière raille sans piété ces folles, qu’il appelle un ambigu de précieuse et de coquette ; il n’épargne en même temps ni messieurs du Recueil des pièces choisies, ni ses rivaux les comédiens de l’Hôtel de Bourgogne ; il se pose, dès ce moment, en contrôleur général des mœurs et des usages. […] Les iniquités générales répandues sur la masse de la nation, soulevèrent du temps de Rousseau une foule d’écrivains généreux; l’encyclopédie se fonda sous cette puissante direction, et la révolution française fermenta en secret dans les entrailles du pays, comme une lave intérieure dont l’éruption se faisait pressentir. […] Ce n’est plus la peinture générale des vices et des défauts de l’espèce humaine, c’est le tableau des abus et des torts de la société, et de la société française flagellée dans la personne du noble comte Almaviva. […] Parfaite de conduite et de dénouement, cette pièce l’est aussi de versification ; mais, quoique le ridicule qu’elle condamne existe de notre temps comme du temps de l’auteur, et que nous ne manquions ni de Trissotins, ni de Vadius, ni surtout de femmes atteintes de la manie d’écrire (à aucune époque il n’en est éclos davantage), elle ne touche pas autant que le Misanthrope, le Tartufe, l’Ecole des Femmes, parce qu’elle n’est point prise dans des idées générales, et qu’elle est marquée en quelque sorte d’un cachet d’individualité.
Ce satyrique outré immola les premiers Magistrats, les Généraux les plus célebres, les Dieux mêmes, à la risée du peuple.
Non : elle est générale, et je hais tous les hommes, Les uns, parce qu’ils sont méchants et malfaisants, Et les autres, pour être aux méchants complaisants, Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses Que doit donner le vice aux âmes vertueuses144.
Tout cela surnage au-dessus de toutes les intrigues et de toutes les faiblesses ; tout cela est exprimé ou indiqué avec une mesure et une justesse qui donnent à l’ensemble de ces peintures d’amour un caractère général de moralité, et qui placent le théâtre de Molière à une distance infinie au-dessus de l’immense majorité des drames et des romans d’amour464.
Molière n’avait voulu attaquer que d’une manière générale le vice le plus funeste à la société, mais le public d’alors s’amusa à faire des applications ; un abbé Roquette fut victime de ce besoin de personnalités. […] Molière avait cédé à La Grange l’emploi d’orateur de la troupe du Palais-Royal : il l’exerça également sur le théâtre de la rue Mazarine ; et lorsqu’il fut admis dans la troupe de l’Hôtel de Bourgogne, à la réunion générale, on pria Hauteroche, qui était déjà avance en âge, de lui céder cet emploi.
La morale naturelle est celle que chacun peut tirer de soi : morale de création divine comme nous-mêmes, qui existe essentiellement en nous tous, qui dit secrètement au cœur de chacun ce qui est bien ou mal ; lumière universelle, plus ou moins affaiblie çà et là, mais jamais éteinte ; dont les préceptes sont appuyés en chacun par le sentiment, par la raison morale, par l’opinion commune, par l’idée plus ou moins prochaine de Dieu : en un mot naturelle, c’est-à-dire fondée sur la nature que Dieu créateur nous a imposée formellement ; dont les règles immuables sont connues par l’observation de nous-mêmes ; dont la pratique est commandée par le sens moral et la conscience, et dont l’éternelle valeur, en dehors de toute révélation, est corroborée, chez les peuples chrétiens, par l’influence latente et générale du christianisme même sur les esprits qui lui sont en apparence rebelles.
D’ailleurs, lors même que cette comparaison pourrait se justifier, elle ne modifierait pas le sens général de la comédie.