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53. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

Il est un écueil à éviter quand on parle de Molière, le plus spirituel et le plus français des grands hommes : c’est le fanatisme. […] Jamais plus la tragédie ne s’éveillera tout à fait, — à moins que, par un miracle ardemment souhaité, la tragédie ne s’éveille un jour moderne, française, chrétienne, priant du blasphémant le vrai Dieu cherchant son amour et sa haine, trouvant son héroïsme et ses fureurs, toute sa passion, toute sa fièvre dans les entrailles de notre histoire. […] Dans la maison de milady, tout respirait la convenance, et pourtant il y avait une très vilaine chose, une femme de chambre française qui ne buvait de rien: ce n’est pas propre. Un soir que tout le monde était couché bien tranquillement, sous la table, la Française, qui s’ennuyait, se mit à parler toute seule, disant: « Les voilà encore ivres... » Ivres ! Le tonnerre anglais gronda, la maison anglaise trembla, le perroquet se jeta sur la Française, la dame de compagnie la battit, la bonne vieille tante la mordit et milady la chassa!...   

54. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

L’attachante simplicité du drame français a remplacé la fatigante complication de l’imbroglio espagnol ; à de longues conversations où la subtilité s’unit à l’emphase, a été substitué un dialogue précis, simple et naturel ; des invraisemblances de caractère ou de situation ont disparu ; enfin, un dénouement, qui choque à la fois la raison et les convenances, habilement modifié, est devenu un dénouement nouveau, où sont ménagées toutes ces délicatesses de sentiment et toutes ces bienséances de mœurs qui embellissent la passion de l’amour. […] Deux troupes françaises, jalouses du succès de la troupe italienne, voulurent en avoir leur part. […] Les deux auteurs français, qui ont traité le sujet avant Molière, de Villiers et Dorimond, ont imité la pièce italienne, ou se sont imités l’un l’autre. […] Je ne puis le taire ; pour réduire son sujet aux proportions de temps et de lieu qu’exige la scène française, Molière l’a étrangement mutilé ; le peu d’unité qu’il y avait dans l’action, a tout à fait disparu ; le commencement, le milieu et la fin sont autant de pièces à la suite l’une de l’autre ; enfin, le tout n’est qu’un assemblage, un entassement d’épisodes qui ne s’engendrent pas ; mais se succèdent, qui ne se terminent pas, mais s’arrêtent, et que remplace, en manière de dénouement, un épisode nouveau qui n’a point son origine dans ceux dont il est précédé. […] Pour faire la juste part du blâme et de la louange, le théâtre français n’a pas une pièce plus mal construite que Le Festin de Pierre ; il n’a pas un personnage plus largement dessiné que dom Juan.

55. (1885) Revue dramatique. Le répertoire à la Comédie-Française et à l’Odéon (Revue des deux mondes) pp. 933-944

On est Français ; on paie ses impôts ; on sait qu’une partie de ces impôts est destinée à soutenir la Comédie-Française et l’Odéon, à entretenir le Conservatoire, qui est une pépinière d’artistes pour ces théâtres nationaux : voilà une dépense qu’on approuve ! […] qu’on est fier d’être Français quand on regarde la Comédie ! […] M. de Bornier fournit des vers ; et je ne sais combien de corporations, entre autres celle des zingueurs, défilèrent, à la suite de l’Académie française, par les rues décorées et pavoisées ; il y eut des régates, en ballon, dans l’après-midi ; et, le soir, des illuminations et « l’embrasement du pont de pierre. » Ce soir, que fera-t-on ici, à la Comédie-Française ? […] Accuserai-je d’impiété volontaire le comité de la Comédie Française et son administrateur, M. […] Écouter une comédie d’une bonne époque, c’est se mêler presque à l’entretien de personnages bien nés, comme il s’en trouvait jadis pour parler naturellement le français, et cela n’a pas mauvaise façon.

56.

Cette pièce curieuse fut transportée au Musée Français créé par Alexandre Lenoir, aux Petits-Augustins, aujourd’hui École des Beaux-Arts. […] René Delorme, que le peintre inconnu de cette toile a traité trois figures de comédiens français avec une évidente déférence, celles de Jodelet, Poisson et Molière. […] Antonio Verrio étant sans doute parmi eux, les hérétiques français, ce sont Chapelle le libre penseur, Boileau le janséniste et Molière le comédien. […] Ce n’est pas aux Moliéristes français que j’en remontrerais sur ce que M.  […] Eugène Despois les a citées dans son Théâtre français sous Louis XIV, mais en les tronquant.

57. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Poète français. […] Les Français rougiront un jour De leur peu de reconnaissance. […] Il faut avouer qu’il parlait assez bien français ; qu’il traduisait passablement l’italien ; qu’il ne copiait point mal ses auteurs : mais on dit peut-être trop légèrement, qu’il n’avait point le don de l’invention, ni le génie de la belle poésie11, quoique ses amis même convinssent que dans toutes ses pièces le comédien avait plus de part que le poète, et que leur principale beauté consistait dans l’action.

58. (1863) Molière et la comédie italienne « Textes et documents » pp. 353-376

Il en parut une édition avec une traduction française en regard du texte italien, à Paris, chez Matthieu Guillemot, en 1609. […] Il y a une grossière rédaction de cette pièce en vers français dans le Supplément du Théâtre italien, tome II, Bruxelles, 1697. […]   On peut constater, d’après les états des dépenses de la cour, que, pendant qu’elle séjournait à Saint-Germain, à Fontainebleau, il y avait comédie plusieurs fois la semaine, et que les Italiens à cette époque alternaient à peu près régulièrement, sur le théâtre de ces résidences royales, avec les troupes françaises ou avec la troupe française, quand il n’y en eut plus qu’une à partir du mois d’octobre 1680.

59. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Bayle, exempt de tout préjugé, même littéraire, et adorateur des anciens sans superstition, Bayle proclama hautement le triomphe du comique français sur le comique latin. […] Combien de choses n’a-t-il pas fallu retrancher de la comédie de Plaute, qui n’eussent point réussi sur le théâtre français ! […] Pour les Grecs et pour les Romains, ce sujet, où le suborneur est un dieu et le plus puissant de tous, était sans doute un mystère édifiant : pour des Français, ce ne pouvait être au fond qu’une fable scandaleuse. […] Les deux Amphitryons sont jaloux ; mais il y a dans la jalousie de l’Amphitryon français, plus d’amour, de susceptibilité et d’emportement. Les deux Alcmènes sont vertueuses et attachées à leurs maris ; mais l’Alcmène française est plus passionnée dans sa tendresse et plus animée dans ses ressentiments.

60. (1746) Notices des pièces de Molière (1658-1660) [Histoire du théâtre français, tome VIII] pp. -397

Il les habilla admirablement bien à la française : et la réussite qu’elles eurent lui fit connaître qu’on aimait la satire et la bagatelle. […] Donneauc, mais qui n’a pas été représentée ; ainsi elle n’entre dans l’Histoire du théâtre français qu’à titre d’anecdote sur la comédie qui fait le sujet de cet article. […] Tome IV du Mercure français, p. 9 et 10. […] En l’un des bouts de la salle, directement opposé au dais de Leurs Majestés (Louis XIII et la reine mère) était élevé un théâtre de six pieds de hauteur, de huit toises de largeur, et d’autant de profondeur. » Ce théâtre servit longtemps aux représentations des comédiens français de l’Hôtel de Bourgogne et du Marais, lorsqu’ils étaient mandés par le roi. […] Il n’y avait alors de bonne comédie au théâtre français que Le Menteur. » [*].

61. (1885) Études sur la vie et les œuvres de Molière pp. -461

Son don Juan étant, on pourrait le dire, un personnage, né Français au beau milieu d’une comédie espagnole, il serait assez.intéressant de trouver qu’il tient, au moins, par un point, à une tradition française. […] C’est un présent fait à la Comédie Française, en 1844, par M. […] Plusieurs particularités de sa pièce sont françaises et contemporaines. […] Redevenons nous-même, cessons d’être Italien, dédaignons d’être Espagnol, soyons Français ». […] De zanni, il fit le joli diminutif zannarello, qui, prononcé à la française, devint Sganarelle.

62. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Tout ainsi, Le Festin de Pierre, commandé par le machiniste, devient le plus grand drame et le plus formidable de la scène française. […] Vous verrez par la comparaison de ces compositions anglaise et française que le sens commun ne peut être suppléé ni par le talent, ni par l’invention. […] un vieil arsenal de la lourde architecture française qui précède l’époque de François Ier . […] Non, pour un parterre français, cet homme-là n’est pas assez châtié. […] M. la reine des Français, six semaines après la Révolution, et nul ne trouvait à redire à ces respects qui allaient consoler cette touchante majesté dans son exil !

63. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. » pp. 201-217

Non, non ; françois, françois. […] françois !

64. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Étienne, ayant été élu par l’Académie française à la place vacante par la mort de M.  […] Et, en effet, Messieurs, qui pouvait mieux que lui tracer les règles de ce genre vraiment français ? […] La pastorale de Daphnis et Chloé fixa sa destinée ; elle lui valut la protection d’un des premiers personnages de l’État, que l’Académie française s’honore d’avoir compté parmi ses membres.

65. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

était le fond de la langue française. […] M. l’impératrice des Français et du monde ! […] Ils manquent à la liste de l’Académie française l’un et l’autre. […] Il est le père du génie français. […] les Françaises de ce temps-là.

66. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE II. La Débauche, l’Avarice et l’Imposture ; le Suicide et le Duel. » pp. 21-41

Don Juan eût fait fureur aux soupers du régent, et les débauchés du Palais-Royal eussent admiré et copié, comme leur maître à tous, ce vicieux si élégant, si poli, si froid, si égoïste, si incrédule ; il a au suprême degré une noble qualité, la bravoure audacieuse, ‘ qui reste encore debout dans les âmes françaises les plus dévastées par le vice ; et il est bien près de sa fin, quand cette dernière trace de la vertu oubliée, le point d’honneur, disparaît après tout le reste. […] Nisard, Histoire de la Littérature française, liv. […] Nisard, Histoire de la Littérature française, liv. […] III : à l’occasion de cette scène, on doit remarquer avec quelle légèreté parle Fénelon (Lettre à l’Académie française, VII).

67. (1734) Mémoires sur la vie et les ouvrages de Molière (Œuvres de Molière, éd. Joly) [graphies originales] pp. -

Chaque scéne produit un incident nouveau, & ces incidens développés avec art, aménent insensiblement un des plus beaux dénouemens qu’on ait vûs sur le théatre françois. […] La finesse du dialogue, & la peinture vive de l’amour dans un amant italien & dans un amant françois, font le principal mérite de cette piéce, qui étoit ornée de musique & de danses. […] A n’envisager cette réfléxion, qui achève le dénouement, que du côté de la plaisanterie, l’on avouera qu’il étoit difficile de terminer plus finement sur le théatre françois, une intrigue aussi galante. […] Le poëte françois embrasse un objet plus étendu & plus utile. […] Le titre espagnol est El combidado de piedra, qui signifie, le convié de pierre, ou la statuë de pierre conviée à un repas, ce qui a été mal rendu en françois par l’expression de festin de Pierre.

68. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Les mœurs n’y sont pas plus françaises qu’espagnoles ; il fallait les remplacer par des peintures de la société française. […] Le droit du poète sur ce langage ne va qu’à en ôter les fautes de français. Rien n’est plus écrit de génie dans notre langue que cette conversation des Sganarelle et des Gorgibus, que rendent si efficace tant d’excellentes sentences de ménage, et si piquante ces locutions parisiennes où le bon sens de Malherbe reconnaissait le vrai français. […] Le procès qu’on fait à celle-ci, pour avoir donné des mœurs françaises à des personnages grecs ou romains, n’est pas encore vidé ; et c’est un grand tort, pour un art, d’avoir des procès avec la science. […] De la sorte, tout sert à la gloire de ce grand homme, jusqu’au travers d’Oronte, qui, lorsqu’il est auteur, écrit le fameux sonnet, et, lorsqu’il le défend, parle un français aussi vif et aussi naturel que celui d’Alceste.

69. (1898) Molière jugé par Stendhal pp. -134

Il y a plus loin d’un Italien à un Pièmontais que du Français à l’Anglais. […] Car qui n’a pas encore paru sur la scène française, et qui n’est esquissé dans Machiavel ? […] Vérifier tout cela aux Français. […] Il faut porter un exemplaire des Femmes savantes aux Français et noter les endroits où l’on rit. […] Nicolas Beauzée, grammairien, de l’Académie française, né à Verdun 9 mai 1717 ; mort à Paris, 25 janvier 1789.

70. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Parmi les faits intéressants, dont ce morceau est rempli, il y en a un qui est unique dans l’histoire du théâtre français, et qui a été ignoré jusqu’à présent. […] Mais c’est un détail dans lequel il ne nous convient point d’entrer ; et nous ne parlerons d’aucune pièce anglaise, que lorsqu’elle sera employée par un auteur français. […] Nous nous sommes d’autant plus prêtés à cet avis que ce catalogue sera très utile aux personnes qui voudront voir, en un moment, le commencement, le progrès et la suite du théâtre français. […] Ainsi finit celle du Dauphin, dont les événements nous ont paru devoir entrer dans l’Histoire du théâtre français. […] Ce qui a été mal rendu en français par l’expression du Festin de Pierre.

71. (1863) Molière et la comédie italienne « Préface » pp. -

Sans parler de notre vieux fonds français qui lui fut d’une grande ressource, il y a encore le théâtre espagnol qu’il ne négligea point. Il possédait, d’après l’inventaire, malheureusement trop laconique, qui fut dressé de ses livres après son décès, deux cent quarante volumes de comédies françaises, italiennes et espagnoles.

72. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

Les Fedeli se rendirent à son invitation ; ils vinrent à Paris et y demeurèrent jusqu’en 1618, jouant soit à la cour, soit, d’accord avec les comédiens français, sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne. […] La Ferinda vaut un peu mieux : c’est une comédie chantée, une sorte d’opéra-comique, dans lequel sept ou huit dialectes se livrent bataille : le mauvais allemand, le français corrompu, le patois vénitien, napolitain, génois, ferrarais, le langage pédantesque, sans compter un bègue qui ne peut, lui, parler aucune langue.

73. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Le rapprochement encore nouveau des esprits divisés pendant quarante années par les guerres civiles, semblait solliciter l’épanchement d’affections longtemps contenues ; le progrès des richesses que les discordes intestines n’avaient point empêché10, le progrès des lumières, les changements des esprits, des imaginations, des âmes tout entières, changements inséparables de toute révolution, donnaient une vive curiosité de se considérer sous de nouveaux aspects, inspiraient le pressentiment d’un nouveau genre de communications, de nouveaux points de contact, d’un développement inconnu de cet instinct social qui semble appartenir au Français plus qu’à toute autre nation. […] La conversation française, commune aux deux moitiés de la société, excitée, modérée, mesurée par les femmes, est seule une conversation nationale, sociale ; c’est, si on peut le dire, la conversation humaine, puisque tout y entre et que tout le monde y prend part. […] XXXI, p. 259 que Ravaillac avait été vu, peu de temps avant l’assassinat, à Bruxelles ; circonstance qui ne se trouve dans aucun livre français.

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