Onc n’eut l’alexandrin une allure aussi preste ; Et, dans son style aimable et sans prétention, Tout respire un bon goût de conversation.
Corneille, dans sa Mélite, voulut représenter la conversation des honnêtes gens, entreprise toute nouvelle, où il eut le bonheur de réussir. […] « Civil et honorable en toutes ses actions, modeste à recevoir les éloges, savant sans le vouloir paraître, et d’une conversation si douce et si aisée, que les premiers de la cour et de la ville étaient ravis de l’entretenir, il possédait toutes les qualités qui font l’honnête homme108. » Ce témoignage d’un contemporain est confirmé par tous les autres. […] Après les traits sans nombre que Molière a lancés dans ses comédies contre les médecins, il semblerait qu’il ne dut plus lui en rester pour la conversation. […] On a entendu ce grand prince, en sortant de ces conversations, dire publiquement : Je ne m’ennuie jamais avec Molière ; c’est un homme qui fournit de tout : son érudition et son jugement ne s’épuisent jamais. […] « Le grand Condé, dit-il, exigeait de Molière qu’il le vînt voir souvent, et disait qu’il trouvait toujours à apprendre dans sa conversation. » 122.
M. de Molière fit un prologue en marquis ridicule qui voulait être sur le théâtre malgré les gardes, et eut une conversation risible avec une actrice qui fit la marquise ridicule placée au milieu de l’assemblée23. » Le roi, on le voit, aimait fort Molière, mais il est bon d’ajouter qu’il aimait plus en lui le bouffon que le philosophe. […] Sa conversation… CLÉANTE. Sa conversation est charmante. […] « En huit jours, dit La Martinière, il avait avec elle une petite conversation et c’en était assez pour lui sans qu’il se mît en peine d’être aimé, excepté de sa femme dont il aurait acheté la tendresse pour toute chose au monde. » Je te pouponnerai, je te bichonnerai, s’écrie, en pleurant, le malheureux Arnolphe de L’École des femmes. […] Il faut lire, dans Les Amours de Calotin, la conversation entre le Marquis qui se plaint de Molière —l’ennemi des marquis — et le Baron qui se plaint de Poisson, coupable d’avoir écrit Le Baron de la Crasse.
Chez Regnard, Apollon & Mercure s’entretenant de leurs divers emplois, se plaignant des fatigues qu’ils sont forcés d’essuyer, & passant en revue les galanteries de Jupiter, répetent en gros la conversation que la Nuit & le Messager des Dieux ont dans le prologue de l’Amphitrion François.
Sa conversation est charmante.
L’héroïne de Chappuzeau n’affecte que le ridicule de s’entretenir avec des savants ; celles de Molière poussent l’affectation jusque dans les conversations les plus familières, même avec leurs gens, et refusent la main de deux hommes aimables qui se sont écartés des règles prescrites dans les romans, en débutant par le mariage. […] Un anonyme donna encore du même ouvrage une critique en six dialogues, intitulée Panégyrique de l’École des femmes, ou Conversation comique sur les Œuvres de M. de Molière. […] À vous, merveilleux de tous les siècles, qui rendez les conversations si pitoyables en y prodiguant les turlupinades, les mauvaises plaisanteries, les insipides calembours. […] On part, on cause, la conversation tombe sur les divers systèmes des philosophes ; Chapelle est pour Gassendi, Molière est pour Descartes ; et chacun d’eux, afin de ranger le moine de son parti s’écriait : n’est-il pas vrai, mon révérend père ? […] Les scènes. — Moins animées par la rapidité de l’action, que par le charme d’une conversation fine, délicate, pleine de sel et d’épigrammes mordantes, mais sans âcreté.
Dans la piece de Blanchet, Patelin voulant pateliner Guillaume, va le joindre sans façon, lui demande des nouvelles de sa santé, & Guillaume lie tout uniment conversation avec lui.
Si l’on veut s’en convaincre, on n’a qu’à écouter les conversations du foyer le jour d’une première représentation.
On a souvent cité, comme une touchante confession de son cœur, une conversation qu’il eut avec Chapelle dans son jardin d’Auteuil.
Un jour qu’on jouait par ordre, à Versailles, une pièce de Mme de Villedieu, — une aventurière fameuse par ses deux maris bigames et par ses duels, et qui avait été, en un temps, de la troupe même de Molière, — ce jour-là donc, Molière en verve improvisa à la pièce un prologue, où il fit un marquis ridicule qui voulait prendre place sur le théâtre malgré les gardes, — j’ai dit que chez le roi cela n’était pas toléré ; — et il eut une conversation comique avec une actrice qui fit la marquise ridicule, placée au milieu de la noble assemblée. — Quel dommage que ces impromptus n’aient pas été recueillis, comme ces autres fantaisies, aux titres affriolants, le Fagoteux, le Grand Benêt de fils aussi sot que son père, qui sont mentionnées dans le même temps, et où nous eussions surpris l’invention de Molière en déshabillé, et sa muse, comme dit la chanson, un pied chaussé et l’autre nu ! […] Il se fierait, pour que cela ne passât pas les bornes, à ce bon sens de race que je rappelais à l’occasion d’Henriette, à ce sens exquis de la mesure et du goût, qui est inné chez nos Françaises, et, aussi, à cette galanterie respectueuse, la galanterie du galant homme, qui ne se perd chez nous qu’à cause justement de la séparation des sexes, cette séparation contraignant l’homme à se gâcher l’esprit et le cœur dans la société des filles de plaisir. — J’ai pu, pour ma part, m’assurer plus d’une fois que cette forte éducation, cette liberté des jeunes filles anglo-saxonnes, savent en faire des créatures admirablement loyales, point du tout pédantes, nullement dénuées de charme féminin ; et je me suis pris à penser que nos jeunes filles françaises y puiseraient très probablement des qualités inattendues, propres à ranimer ces choses qui vont disparaissant : la conversation dans le salon, le conseil au foyer.
On a cité dans plusieurs vies de Molière, on a répété dans tous les recueils d’ana un mot de ce grand poète qui paraît dénué de toute vraisemblance ; c’est une boutade qui pouvait échapper à son humeur dans un petit cercle d’amis ou dans l’intimité d’une conversation particulière. […] Palissot a dit avec raison que Le Tartuffe n’avait de modèle dans aucune langue et dans aucun théâtre : on citera quelques anecdotes, quelques traits épars dans les moralistes ou dans les satiriques dont Molière s’est emparé ; mais ils lui appartenaient, et quand il a dit : « Je prends mon bien où je le trouve » il a exprimé une pensée très juste ; il a parfaitement défini les droits de l’auteur comique : s’il a conçu un sujet, s’il veut tracer un caractère, il le compose de tous les traits isolés qui s’y rattachent, soit dans le monde, soit dans les livres : il interroge Théophraste, Plutarque, La Bruyère, Lucien, de même qu’il écoute le courtisan, l’avare et l’hypocrite qu’il veut faire parler : il n’oublie rien de ce qu’il lit, rien de ce qu’il entend ; il inscrit sur ses tablettes les mots qui échappent à l’amour-propre, et jusqu’aux saillies qui éclatent dans la conversation : il fait de la sorte son profit des ridicules et de l’esprit des autres ; je dirais presque, si je ne craignais que la comparaison ne fut un peu précieuse, qu’il butine au milieu du monde comme l’abeille au milieu des fleurs.
« On a quelquefois demandé, dit Horace, si la comédie était ou n’était pas un poème, parce que respiration et la force ne s’y rencontrent, ni dans les mots, ni dans les choses, et qu’à la mesure près c’est une pure conversation toute semblable aux entretiens ordinaires… Ce n’est pas assez de composer des vers en termes élégants, mais ordinaires ; si, ces vers une fois rompus, tout père peut gronder du même ton qu’un père de comédie37. »La vérité est que toutes les œuvres de la comédie nouvelle sont poétiques et prosaïques à la fois : poétiques par la forme, prosaïques par le fond38. […] Bien qu’ils aient beaucoup d’esprit, ils affectent de faire fi dans la comédie des bons mots comme tels ; ils méprisent le comique arbitraire ; pour le comique avoué, je ne crois pas qu’ils sachent même ce que c’est, et je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu dans leur conversation, ni lu dans leurs livres, l’éloge des ballets et des intermèdes, ces interruptions si éminemment comiques dans la suite naturelle des actes et des scènes, surtout lorsqu’elles n’ont aucun rapport avec le sujet de la pièce.
Tout est mesuré et compassé ; point de cris, point de gestes, point d’accent ; c’est une conversation à demi-voix, dans un salon : Fontenelle a peur de fatiguer sa poitrine et évite les émotions.
Voltaire remarque tout aussi bien que Molière est le premier qui ait su tourner en scènes les conversations du monde et y mêler des portraits (comme dans les conversations du monde à cette époque et la mode des portraits commence au moment où Molière écrit cette comédie). […] » et « les beaux yeux de la cassette » sont passés dans la conversation courante. […] Elle est médisante parce qu’il n’y a plus de sel du tout dans la conversation d’un salon quand on n’y médit pas quelque peu. […] Elle excite la conversation par la saillie partie d’elle qui va comme susciter et animer celle des autres. […] S’il faut payer son écot de conversation, elle ne fera point un portrait malicieux, elle traduira en raccommodant à sa manière un passage de Lucrèce, et quel passage ?
Jourdain ; et elle se fait tout naturellement par la conversation qu’ont ensemble le maître à danser et le maître de musique, en attendant que paroisse le sot et riche bourgeois, qui paie leurs leçons sans en profiter, et salarie leurs talents sans s’y connaître.
Il le paroît du moins par la conversation qu’elle a avec Valere, dans la premiere scene du premier acte : ACTE I.
Elle avait gardé le premier, où elle recevait beaucoup de monde, avec grand fracas de rires et de gaieté, tandis que, lui, réfugié plus haut dans son cabinet, tâchait de s’échapper à lui-même, par le travail, la lecture, ou la conversation de ses amis. […] Quant à moi, mon avis sur ce précieux débris de conversation, c’est qu’il n’y faut pas voir autre chose que le fragment d’une lettre, écrite par Molière, du temps de ses chagrins, à Chapelle, et communiquée par celui-ci à l’auteur de la Fameuse Comédienne, qui, suivant un procédé déjà connu alors, aura cru bon d’en faire une scène, pour la rendre plus intéressante. […] L’esprit qu’il butinait dans le monde, au milieu du tumulte des conversations, les mots heureux qu’il y saisissait au vol, et toutes ces scènes vivantes dont son génie gardait si profondément l’empreinte, profitaient plus encore aux ouvrages du grand poète, que tout cet esprit laborieusement ranimé sous la lettre morte des vieux livres. […] Il paraît même qu’il ne s’en tint pas à ces confidences de conversation, où Molière pouvait trouver, tout au plus, à saisir quelques notes crayonnées au vol sur des cartes à jouer82. […] … La conversation du grand seigneur et celle de son valet de chambre sont la même. » Voilà, tout expliquée, la familiarité de Mascarille et de son maître.
L’un ou l’autre… (30) Et la conversation continue.
La conversation de Valère avec Ascagne, déguisée en homme, celle des deux vieillards qui se demandent réciproquement pardon, sans oser s’éclaircir du sujet de leur inquiétude, la situation de Lucile, accusée en présence de son père, et le stratagème de Valèrea pour tirer la vérité de son valet, sont des traits également ingénieux et plaisants : mais l’éclaircissement d’Éraste et de Lucile, qui a donné à la pièce le titre de Dépit amoureux, leur brouillerie, et leur réconciliation, sont le morceau le plus justement admiré. » 1659.
Il veut qu’on lui enseigne, non, donc, par les livres, mais, sans doute, par des conversations et quelques expérimentations et exercices domestiques : le babil, le désir de plaire, la psychologie mondaine, la coquetterie. […] Il admet qu’on désire un peu de talent de conversation ; car il admet qu’on reçoive Dès qu’on reçoit, il faut savoir causer, savoir démêler les sentiments de ceux qu’on reçoit, et même avoir l’art de les retenir ; et de là, art de causer, psychologie, coquetterie, le tout à l’avantage d’un mari qui aime à ne pas rester toujours seul. […] Thérèse n’avait point de conversation ; c’est l’excès d’une qualité ; Rousseau aurait désiré que, sans être lettrée, ce qui est la chose odieuse, elle eût été exercée à soutenir une causerie agréable, le cas échéant, avec quelques honnêtes hommes. […] On voit par ses lettres qu’elle a l’art ou le don de la conversation ; elle a d’instinct la connaissance des hommes et une grande pénétration à démêler leurs sentiments secrets ; et, sans avoir de coquetterie à proprement parler, elle a un don de séduction naturelle qui s’exerce sur tous les hommes, qui, s’il n’est pas coquetterie, en tient lieu suffisamment pour en remplir tout l’office. […] En écrivant la Nouvelle Héloïse, Rousseau est parfaitement dans son état d’esprit habituel, amour de la simplicité de mœurs, de la simplicité d’esprit, de la simplicité de cœur et de la simplicité d’éducation ; mais il est sous l’influence de Mme d’Epinay, qu’il a aimée un peu plus qu’il n’a voulu en convenir, de Mme d’Houdetot qu’il a aimée passionnément, et, quoiqu’il ait peint Julie surtout en esprit de réaction contre Mme d’Epinay et même contre Mme d’Houdetot, pourtant encore il y a dans Julie des traces, non de grande dame, ce que ni Mme d’Epinay ni Mme d’Houdetot n ont jamais été, du moins de dame, de châtelaine, de femme à conversation brillante et à lettres où il y a, non seulement du sentiment, mais de l’esprit et de la littérature.
Enfin il n’est présent ni attentif dans une compagnie à ce qui fait le sujet de la conversation, il pense & il parle tout-à-la-fois ; mais la chose dont il parle est rarement celle à laquelle il pense : aussi ne parle-t-il guere conséquemment & avec suite : où il dit non, souvent il faut dire oui ; & où il dit oui, croyez qu’il veut dire non.