Sans doute, ce n’est point le style de Molière ; mais quel poète comique a écrit comme Molière ? […] Comme il était un maître en fait de style, c’est-à-dire comme il avait trouvé un style à lui, vif, ingénieux, subtil, un langage qui n’était imité de personne, naturellement il avait contre lui les prétendants aux rares honneurs d’un style original. […] Si vous admettez que tout écrivain en ce monde, pourvu qu’il parle sa langue et qu’il obéisse à ce code inviolable, la grammaire, a le droit de créer son propre style, de faire la langue qu’il écrit ou qu’il parle, où trouverez-vous un style plus ingénieux, une forme plus nouvelle ? […] Cet homme a été sauvé, par la seule chose qui sauve les écrivains, par l’originalité du style. […] Toutes les fois qu’un écrivain donnera son nom à une manière, à un style, tenez-vous pour assuré que c’est un écrivain original.
» Il y aurait du jansénisme jusque dans la façon dont Alceste critique le sonnet d’Oronte, — .dans son aversion pour le style figuré, la pompe fleurie et les faux brillants ; bref, pour la poésie. […] Molière a toujours cru qu’il devait ‘conformer son style à la nature de son œuvre et à l’état de ses personnages. […] En condamnant le style figuré, il détruit toute poésie. […] ALCESTE, qui se déconcerte et suffoque : Et vous pouvez le voir sans demeurer confuse Du crime dont vers moi son style vous accuse ? […] John Lemoinne ; j’ajouterai, moi, et des conférences ; car ici comme sous la noble coupole, toutes proportions gardées, le style d’Alceste ne serait guère de mise.
Le style du Dépit amoureux vaut mieux que le style de l’Etourdi; le tissu dramatique est plus serré. […] C’est le style des Plaideurs, moins une correction soutenue; le trait suivant nous a paru digue de PetitJean. […] À part quelques images un peu forcées, Plaute emploie le style le plus incisif et le plus vrai. […] La scène s’engage entre la servante Gabrillon et le poète sifflé ; elle est écrite de ce style vif et franc qui est celui de Dancourt. […] voilà un style bien concis.
Déjà malade, il ne put, dans la lettre qui parut le 14 février, la veille même de la première représentation de Don Juan, que faire l’annonce de cette pièce, un peu cri style de paillasse : L’effroyable Festin de Pierre, Si fameux par toute la terre, Et qui réussissait si bien Sur le Théâtre-Italien, Va commencer4… Nous ne possédons malheureusement, pour l’année 1665, qu’une seule lettre de Mme de Sévigné, qui n’était pas encore le noble et délicieux feuilletoniste de l’aristocratie du grand siècle, et, dans cette lettre unique, elle ne s’occupe que de l’exil de Fouquet. […] Robinet continua dans le même style cette bizarre gazette. […] Jetons un voile sur ces tristes aberrations de goût, et tâchons d’oublier que Fénelon a déclaré l’Avare « moins mal écrit que les pièces de l’auteur qui sont en vers, » et que La Bruyère impute au style de Molière, vers et prose, d’être entaché « de jargon et de barbarisme. » 10.
Trop de gravelures déparent aussi le style de Regnard, d’ailleurs si brillant et si poétique. […] Mais ce style n’a-t-il point sa signification ? […] On a reproché à Marivaux son style trop travaillé, celui de Picard ne l’est peut-être pas assez. […] Le style, qui distingue surtout le talent de l’auteur, fait le principal mérite de l’ouvrage. […] En fait de style comique, c’est encore à Molière qu’il faut recourir pour en trouver le meilleur modèle.
Le style et l’action vont toujours en s’échauffant : tel est le bon goût ; telle est la délicatesse de ces hommes qui reprochaient à Molière de prêcher l’impiété et le libertinage. […] Cependant les hommes qui ont étudié tous les secrets du style n’ont pas trouvé dans celui de l’auteur la manière largeet franche et la touche vigoureuse du poète comique. […] Presque tous les commentateurs de Molière semblent avoir eu la prétention de prouver qu’ils savaient mieux le français que lui, comme s’ils avaient voulu se dédommager, par la critique de son style, de l’hommage qu’ils étaient forcés de rendre à son génie. […] Les anciennes mœurs doivent être exprimées dans l’ancien langage : gardons-nous d’altérer la couleur de ces peintures d’une autre époque, en leur substituant une triste et froide enluminure ; on ne refait pas plus le style des vieilles comédies qu’on ne corrige l’orthographe des antiques médailles. Il était aussi impossible à Molière d’écrire le Tartuffe avec le style du Méchant, qu’à Gresset d’écrire Le Méchant avec le style du Tartuffe.
Le style de l’Étourdi ne plaisait pas du tout à Voltaire qui y trouvait des fautes contre la langue. […] Il donne de l’esprit à Démosthène »), Fontenelle, La Motte et il note que ce style a reparu sur le théâtre même. […] Son style a des grâces moelleuses et même, si l’on veut y un peu moles, qui sont fort convenables au sujet. […] Entre le moraliste et le médisant il n’y a de différences que de style. […] Elle a l’esprit de Molière, les sentiments de Molière, les idées de Molière, le style de Molière, quand il est le meilleur.
Cela arriva comme je l’avais prédit ; et, dès cette première représentation, l’on revint du galimatias et du style forcé. » Un vieillard s’écria du milieu du parterre : Courage, courage, Molière, voilà la bonne comédie. […] Ces arguments, qui ne contiennent pas une seuls remarque, une seule indication utile, sont purement admiratifs, et l’insipidité du genre n’y est relevée par aucune finesse d’observation, par aucune grâce de style. […] Des injures un peu grossières et des plaisanteries un peu bouffonnes donnent au langage même de Sganarelle une couleur, pour ainsi dire, scarronesque ; ce qui n’a pas empêché les meilleurs juges, et Voltaire entre autres, de reconnaître que le style du Cocu imaginaire l’emporte de beaucoup sur celui des précédents ouvrages de Molière. […] Le style de Térence est pur, sentencieux, mais un peu froid, comme César, qui excellait en tout, le lui a reproché.
Quoy voyant, dit Panurge, je euz de peur pour plus de cinq solz… Pantagruel avait capacité de mémoire à la mesure de douze bottes d’olives : voilà le style comique. — Fort bien. […] la personnalité du poète s’y révèle ; l’enthousiasme l’élève au-dessus du monde réel ; son style est métaphorique. Les caractères de la comédie sont donc : 1º l’impersonnalité (je veux dire que l’auteur doit disparaître derrière ses personnages) ; 2º la peinture de la réalité ; 3º un style naturel : donc Molière est le plus grand poète comique287 ? […] Uranie commence par quelques exclamations profondément senties, il est vrai, mais un peu générales peut-être et médiocrement instructives, sur la perfection du style de Molière, la vérité toujours si délicate ou si forte des caractères qu’il peint, la verve dramatique de tous ses personnages. […] Vous avez sur la France un grand avantage : vous goûtez les comédies de Shakespeare ; vous comprenez qu’on peut être comique autrement que Molière, par les caprices de l’invention libre, par la gaieté folle des situations, par l’exubérance d’un style tout étincelant des richesses les plus contraires, par les boutades philosophiques et morales d’un bouffon ou d’un mauvais sujet raillant les misères de l’humanité.
Habituellement elles portent sur la beauté d’un vers, d’un morceau, sur les proportions régulières d’un acte, sur l’inopportunité du récit de Théramène, sur l’inconvenance des calembours de Shakespeare, sur le charme adorable du style d’Amphitryon. […] Comment a-t-on pu élever son âme jusqu’à voir avec transport ces farces monstrueuses, écrites par un histrion barbare dans un style d’Allobroge ? […] Il réussit, et devint si original qu’« à côté de lui Sterne est un Cicéron pour la régularité de la pensée et du style 404 ». […] Puis, pour saisir par le contraste le caractère propre de cet esprit et de ce style, lisez une page de Shakespeare. […] J’aime encore mieux le comparer à un musicien : de même que l’auteur d’un opéra-comique répète sur différents tons avec des instruments divers un motif favori, Molière reproduit ses mélodies en style sérieux, en style bouffon, jusqu’à ce que l’esprit pleinement satisfait les possède tout entières dans leurs plus petits détails.
Longtemps perçues comme un tableau spirituel et précieux de la société, écrites dans une liberté de style exceptionnelle à l’époque classique, elles manifestent une vision du monde sereine où l’écriture devient la marque d’une victoire sur l’absence.
Le style de Molière : réponse à M. […] Scherer, un style de théâtre. Le style de théâtre est celui qui passe par-dessus la rampe. […] Le style de théâtre, c’est un style tout particulier. […] Et quel style, quel admirable style !
L’autre, d’un ton et d’un air tout aimable, et peut-être piquée de ce style : Tout ce que vous voudrez, madame, tout ce que vous voudrez. […] Je ne puis lui parler seule, parce qu’elle ne me le pardonnerait jamais ; et quand je lui parlerais que je dois à madame de Montespan ne peut me permettre de parler contre elle. » Une lettre explicative de celle qu’on vient de lire, et qui heureusement porte la date précise du lundi 29 juillet, détermine très approximativement cette de la précédente, la voici : « Je pense toujours de même, quoique le changement de mon style vous ait fait craindre un changement d’idée. » (Cette phrase suppose une lettre intermédiaire d’un ton moins triste que la précédente.)
On remarque moins de pureté dans le style de Molière, et plus de grâces et d’aménité dans celui du genevois.
Mais si les plans de Molière étaient encore aussi défectueux que ceux de ses contemporains, il avait déjà sur eux un grand avantage : c’était un dialogue plus naturel et plus raisonnable, et un style de meilleur goût. […] Il s’étendit même à d’autres objets, et l’on dit depuis, non seulement une femme précieuse, mais un style précieux, un ton précieux, toutes les fois que l’on voulut désigner l’affectation d’être agréable. […] Ce style-là, il faut l’avouer, est d’une fabrique qu’on n’a point retrouvée depuis Molière : cette foule de tournures naïves confond lorsqu’on y réfléchit. […] Il ne fallait rien de moins pour ne pas rompre en visire à un personnage aussi abject et aussi dégoûtant que Tartufe parlant d’amour en style béatifique à la femme de son bienfaiteur. […] Ce langage à comprendre est assez difficile, Madame, et vous parliez tantôt d’un autre style.
Toutefois quelques-unes de ces Scènes, admises depuis dans les chefs-d’œuvre de Molière, ramenées à un but moral, et surtout embellies du style d’Horace et de Boileau, montrent avec quel succès le génie peut devenir imitateur. […] Malgré ses défauts, malgré les reproches qu’on fait à quelques-uns de ses dénouements, à quelques négligences de style, et à quelques expressions licencieuses, il fut avec Racine celui qui marcha le plus rapidement vers la perfection de son Art. […] Mais ni Regnard, toujours bon plaisant, toujours comique par son style, souvent par la situation dans ses Pièces privées de moralité ; ni Dancourt, soutenant par un dialogue vif, facile et gai une intrigue agréable, quoique licencieuse gratuitement ; ni Dufréni, toujours plein d’esprit, Philosophe dans les détails, très peu dans l’ensemble, faisant sortir son comique ou du mélange de plusieurs caractères inférieurs, ou du jeu de deux passions contrariées l’une par l’autre dans le même personnage ; ni quelques Auteurs célèbres par un ou deux bons Ouvrages dans le genre où Molière en a tant donné : rien n’a dédommagé la Nation, forcée enfin d’apprécier ce grand homme, en voyant sa place vacante pendant un siècle.
Acceptez comme juste l’intention que les comédiens prêtent à Molière, supposez qu’Arnolphe ait conscience de sa situation, et cette comédie, admirée par tant de générations, devient une œuvre insignifiante et vulgaire ; le charme du style ne réussira pas à la sauver. […] Non-seulement tous les caractères se recommandent par une incontestable vérité, mais le style est d’une franchise, d’une vivacité qui n’ont jamais été surpassées L’auteur était né neuf ans après la mort de Régnier, il n’y a donc pas à s’étonner qu’il ait plus d’une fois imité son illustre devancier. […] Si l’Opéra, au lieu de jouer toute l’année quatre ou cinq pièces, voulait reprendre l’ancien répertoire et remettre en honneur l’Armide et l’Orphée de Gluck par exemple, il ne laisserait pas aux chanteurs le soin de deviner les intentions du compositeur ; il appellerait pour diriger les répétitions un maître de chant initié à tous les secrets du style musical.
Petitot persuadera-t-il que Molière ne peut pas être proposé comme un modèle de style ? […] Chez les Anglais, l’art dramatique, à son origine, offrit la même confusion de genres, de personnages et de styles que chez les Espagnols. […] Cet écrit, où sont analysées toutes les qualités et toutes les opérations du génie de Molière, serait incomplet s’il n’y était fait aucune mention de son style. […] Sous le premier rapport, le poète comique doit se garder d’avoir un style à lui, qu’il prête indistinctement à tous ses personnages ; il faut, au contraire, que chacun d’eux ait le sien. […] Mais si le but, si le triomphe du langage est d’exprimer pleinement les idées, et de les faire passer, avec toute leur force ou toute leur délicatesse, de l’esprit qui les conçoit, dans l’esprit qui les doit recevoir ; si, enfin, le meilleur des styles n’est pas tant celui qui a les moindres défauts que celui qui a les plus grandes beautés, quel style pourrait être justement préféré à celui de Molière ?
Bayer, comment les Français jouent cette pièce ; si nous ne pouvons pas les prendre exactement pour modèles, ils doivent néanmoins faire pour nous autorité en fait de style traditionnel comique. […] Thym, qui prête en général à chacun des personnages le style qui convient à son caractère, ne nous paraît pas avoir été aussi heureux pour elle que pour madame Pernelle, pour Orgon, Elmire, Damis et Tartuffe. […] Molière avait espéré, dit-on, que personne ne se méprendrait sur son intention de ridiculiser les fadeurs, les concetti, et le style précieux que la poésie française empruntait alors aux sonnettistes italiens. […] Dans cette comédie, écrite d’un style assez libre et avec un épilogue des plus indécents, il y a une demoiselle, fière et orgueilleuse, nommée Isabelle, qui est courtisée par un ramoneur déguisé en noble, un composé de Mascarille et de Jodelet. […] En effet, Robinet veut dire et dit bien que, par le style, la missive dont il parle est jugée digne d’être conservée comme une pièce rare, tandis qu’Alceste dit… tout le contraire du sonnet d’Oronte.
On tient pour admis, avec Buffon, que seuls, les ouvrages bien écrits passeront à la postérité et le style des siens n’a cessé d’être, dès le début, l’objet de critiques souvent injustes, excessives, mais parfois fondées. […] Peut-être cette conception populaire de la morale et de la psychologie ne suffirait-elle pas à expliquer l’universalité du succès de Molière s’il n’y fallait ajouter une qualité particulière de l’expression et du style.