Elle donne force à la loi, à la foi, au roi, à cet autre mot qui est l’abrégé de toutes nos pensées, le mot moi ; enfin elle donne sa force à la voix. […] Remarquez au reste, comme preuve de la force ajoutée par la diphtongue oi aux mots foi, roi, foi, qu’elle exige une plus forte émission de la voix que lé, ré, fé, qu’elle oblige à desserrer les dents et les lèvres pour s’ouvrir un passage plus libre et comme pour donner aux paroles plus de solennité.
Et cependant l’expérience lui en montre « un si grand nombre », que cela serait surprenant si l’on ne savait que la plupart « se contrefont et ne sont point tels en effet… Ce sont gens qui ont ouï dire que les belles manières du monde consistent à faire l’emporté : c’est ce qu’ils appellent avoir secoué le joug… Prétendent-ils nous avoir bien réjouis de nous dire qu’ils tiennent que notre âme n’est qu’un peu de vent et de fumée, et encore de nous le dire d’un ton de voix fière et contente ? » Ces gens, qui font les emportés, qui ont secoué le joug, qui disent d’une voix fière et contente qu’il n’y a pas de Dieu et que notre âme n’est que du vent et de la fumée, ne sont-ce pas les modèles de Don Juan, les incrédules mondains parlant si insolemment des choses divines, que quelqu’un, nous dit Pascal, répondit un jour à l’un d’eux : « Si vous continuez à me parler de la sorte, vous me convertirez » : mot que Duclos traduisit un jour à sa manière en disant des athées de son temps : « Ils en diront tant qu’ils me feront aller à la messe. » Bossuet n’est pas un témoin moins précieux que Pascal pour nous attester l’existence de la libre pensée au xviie siècle. […] Et après tout, ce valet est-il si ridicule et si sot lorsque obéissant à la voix de sa conscience et faisant violence à la peur qu’il a de son maître, il ose lui faire la leçon en ces termes simples et forts qui vont presque à l’éloquence : « Je ne parle pas à vous, Dieu m’en garde !