Ne nous bornons pas à un seul exemple, & voyons si l’on pourroit mettre sur le théâtre, avec plus de succès, un autre caractere déja traité : il est encore des Tartufes, heureusement pour les Béates qu’ils font vivre dans l’aisance, & malheureusement pour les honnêtes gens dont ils pressurent les bourses sous prétexte de faire des œuvres pies. […] Il les trouve, va rejoindre ses camarades, leur dit que l’isle est habitée par des Anthropophages, qu’il faut bien vîte remettre à la voile ; mais que les vivres leur manquant, il veut bien se sacrifier pour eux ; qu’il va cueillir quelques fruits, & que s’il ne paroît pas au bout d’un quart-d’heure, il n’ont qu’à prendre bien vîte la fuite. […] Alors il change de batterie sans changer de dessein ; il feint d’être repentant de tous ses crimes, de vouloir faire pénitence & vivre seul en Hermite.
Molière y avoue qu’il s’est résolu à vivre avec Armande comme si elle n’était pas sa femme, et il ajoute pourtant qu’à considérer les choses, il se sent plus dans la disposition de la plaindre que de la blâmer. […] Il vivait trop dans le rayonnement du Roi-Soleil pour en observer les taches. […] Nous sommes tous hommes, ni plus ni moins, et avec tous les défauts que nous héritons d’Ève et d’Adam, faits pourtant pour vivre ensemble. […] Ce dont on rit, dans Alceste et dans Jean-Jacques, ce n’est pas la vertu : c’est la mauvaise humeur de l’un, c’est l’hypocondrie de l’autre, c’est l’habit arménien de celui-ci, ce sont les rubans verts de celui-là, c’est en un mot l’excès nuisible à la vertu même et qui la rend impossible à vivre. […] Alceste est un être insupportable et fait pour vivre dans l’endroit écarté qu’il finit par aller chercher.