Dans sa vie de comédien et de valet de chambre du Roi, le poète avait souffert bien des mépris; obligé de sacrifier son indépendance à sa gloire, de se créer de puissans protecteurs pour qu’il lui fût donné de lire des marquis et de stygmatiser les tartufes, il avait eu à subir le contact impur de la cour. […] Ce penchant eut plus d’une fois prise sur l’âme de Molière, les biographes nous l’attestent ; mais nous ne parlerons que de la passion qui domina toute sa vie, qui lui causa tant de souffrances, qui nous valut les plus beaux traits d’Alceste et la création de Célimène.
Je le crois grand poète, parce que j’apprends qu’on récitait ses vers après sa mort, et qu’on l’avait laissé mourir de faim pendant sa vie; mais je crois qu’en fait de vérités, il y a peu à gagner avec lui. […] Il a découvert que la comédie était un miroir de la vie humaine, où personne n’était fâché de se voir, pourvu qu’il y pût voir ses voisins, parce que l’amour-propre se sauve dans la foule, et que chacun s’amuse aux dépens de tous les autres. […] L’Amour Médecin est la première pièce où Molière ait déclaré la guerre à la Faculté, et cette guerre dura jusqu’à la fin de sa vie; car son dernier ouvrage, le Malade imaginaire, fut encore fait contre les médecins. […] Pensez-vous, parce que vous me voyez vêtu en homme de bien, que je n’aie pas été toute ma vie un larron, le scandale des autres et la perdition de moi-même? […] Il aima sa femme toute sa vie, et toute sa vie elle fit son malheur.