Convenons qu’il ne sera question ici que de la belle nature, telle que l’a imité Moliere dans les parties & l’ensemble de ses meilleures pieces ; telle enfin que doit la voir un Philosophe qui se propose de corriger & de faire rire les hommes en leur peignant au naturel leurs gestes, leurs traits, leurs travers, leurs ridicules, leurs vices, enfin toutes les vérités que leur amour-propre leur déguise, ou qu’il tient cachées sous les replis du cœur humain.
Quand, au premier acte, Dorante se donne à Clarice pour un brave qui revient des guerres d’Allemagne, je le conçois : son vice peut lui servir. […] Imaginez un travers plus sérieux, un vice, et que la peine soit en proportion de la faute, voilà un caractère, voilà la vie. […] C’est tour à tour de sa vanité et de sa malveillance, et plus souvent de ces deux vices à la fois, que vont naître les situations où nous le verrons engagé. […] On demandait, au lieu de ces travers bourgeois que le poète châtie, soit en donnant un violent dépit à un fantasque, soit en rendant un jaloux ridicule, et qui ont pour effet d’inquiéter un couple amoureux, de faire craindre à l’amant qu’on ne lui enlève sa maîtresse, à la maîtresse qu’on ne la marie de force ; on demandait la représentation d’un vice à la fois redoutable et ridicule, qui scandalisât la société tout entière, en mettant le malheur dans une maison. […] C’est la révolte de sa noble nature contre ce vice, le plus odieux de tous, parce qu’il sert de couverture à tous.