Le mot du duc de Montausier, je voudrois ressembler au misantrope de Moliere, a pû donner lieu au reproche que l’on a fait à l’auteur, d’avoir voulu présenter sous une face désavantageuse, un caractére dont tout homme vertueux pourroit se faire honneur ; mais ce mot est plûtôt l’expression vive du cas que l’on doit faire de la vertu, quand même elle seroit poussée trop loin, qu’une critique solide de la piéce. Moliere, en exposant l’humeur bizarre d’Alceste, n’a point eu dessein de décréditer ce qui en étoit la source & le principe ; c’est sur la rudesse de la vertu peu sociable & peu compatissante aux foiblesses humaines, qu’il fait tomber le ridicule du défaut dont il a voulu corriger son siécle. […] Où la vertu va-t-elle se nicher !
Ceux-ci, jugeant, d’après les idées de leur siècle, un Athénien de la quatre-vingt-cinquième olympiade, qu’ils entendaient quelquefois trop, et que plus souvent ils n’entendaient pas assez, l’ont méprisé comme un vil bouffon, pour qui ni la vertu, ni le génie n’étaient sacrés, et à qui de temps en temps il échappait quelque heureuse plaisanterie. […] Vinrent ensuite les moralités, pièces ordinairement allégoriques, qui avaient pour but de combattre le vice et d’exciter à la vertu ; ce fut le drame de l’époque. […] En un mot, le poète comique est moins un prédicateur de vertus qu’un précepteur de bienséances. […] Tiens, mon ami, lui dit Molière, en voilà un autre ; et il s’écrie : Où la vertu va-t-elle se nicher ? […] La contemplation habituelle des vices et des travers de l’humanité ne lui avait fait ni haïr ni mépriser les hommes : il croyait à leurs vertus, voyait avec indulgence leurs faiblesses, avec joie leur bonheur, avec compassion leur misère.