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242. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Lulli, justement décrié pour ses mœurs infâmes, ne méritait d’entrer dans aucune compagnie honorable ; et, suivant les idées du siècle, il venait peut-être de s’en rendre plus indigne encore, en montant comme farceur sur un théâtre. […] Deux autres personnages de même nature, le maître d’armes et le maître de philosophie, viennent se joindre à eux ; et, tous les quatre, ils remplissent presque entièrement le second acte. […] Mais, quand la magnificence de Louis XIV eut élevé ce théâtre magique, où la baguette d’Armide semble disposer de l’univers entier, Psyché vint prendre naturellement sa place sur une scène destinée aux enchantements et aux métamorphoses, chanter, comme a dit Lamotte, les mêmes amours qu’elle n’avait encore que déclamées . […] comment une farce, pleine de sel et de gaieté sans doute, mais privée de cette vérité, de cette profondeur d’observation, qui font du théâtre un miroir de l’homme et de la société, serait-elle venue, pour ainsi dire, séparer deux admirables peintures de caractères et de mœurs, si Molière, en la composant, n’avait cédé à d’autres suggestions qu’à celles de son génie, n’avait obéi à d’autres intérêts qu’à ceux de sa gloire ?

243. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Une comédie espagnole de Tirso de Molina, intitulée : El Combidado de Piedra, venait d’être traduite en italien, et jouée à Paris avec beaucoup de succès. […] Que, si je viens à être découvert, je verrai, sans me remuer, prendre mes intérêts à toute ma cabale, et je serai défendu par elle envers et contre tous. […] De même qu’un homme qui se noie se prend à tout, il ne se soucie pas de mettre en compromis l’honneur de l’église pour se sauver, et il semble, à l’entendre, qu’il ait un bref particulier du pape pour jouer des pièces ridicules, et que monsieur le légat ne soit venu en France que pour leur donner « son approbation ». […] Les truffes viendraient donc de la tartufferie : peut-être n’est-ce point parce qu’elles sont difficiles à découvrir qu’on leur a donné ce nom, mais parce qu’elles sont un moyen puissant de séduction, et que la séduction n’a guère d’autre but que la tromperie. […] C’est donc le devoir des moralistes, et même des auteurs sacrés, de préserver les esprits crédules contre les charlatans de religion ; et Molière a bien mérité de son siècle et des siècles à venir lorsqu’il leur a dit : Ne vous fiez pas à un dévot sur l’emphase de ses paroles et sur le nombre de ses génuflexions ; gardez-vous de l’introduire dans votre intérieur, de lui livrer vos secrets, ou vous risquez de voir porter le trouble et le déshonneur dans votre famille, de prendre un maître qui vous opprime, un espion qui vous dénonce, et un fripon qui vous ruine.

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