Au contraire, Madame ; et si l’on était sage, ces avis mutuels seraient mis en usage. […] C’est le plus noble emploi que trouve la vertu, et si de probité tout était revêtu, si tous les cœurs étaient francs, justes et dociles, la plupart des vertus nous seraient inutiles, puisqu’on en met l’usage à pouvoir sans ennui supporter dans nos droits l’injustice d’autrui. » Dans cette admirable leçon de morale, l’indulgence pour les défauts d’autrui se trouve érigée en principe, puisqu’ils sont un mal involontaire, inhérent à la nature humaine, et que ce mal peut devenir une source de bien. […] Vous voyez comme je m’y prends, et les adroites complaisances qu’il m’a fallu mettre en usage pour m’introduire à son service, sous quel masque de sympathie et de rapports de sentiments je me déguise pour lui plaire, et quel personnage je joue tous les jours avec lui afin d’acquérir sa tendresse. […] Or, tandis que ces jeunes détenus, alors qu’ils étaient soumis au régime des punitions en usage dans les prisons, donnaient 75 récidivistes sur 100, ils n’en ont donné tout au plus que quatre pour cent sous le régime qui consiste à prendre les mauvaises natures en biaisant, comme dit Molière, en excitant en eux ce qu’ils peuvent avoir de bons sentiments, voire même au besoin l’intérêt personnel, sans jamais les blesser, les avilir et les irriter. […] Tout en reconnaissant qu’il eût été heureux pour lui de ne plus aimer cette infidèle, il ne pouvait s’empêcher de l’aimer encore : « Quand je la vois (disait-il à son ami Chapelle), une émotion et des transports qu’on peut sentir, mais qu’on ne peut exprimer, m’ôtent l’usage de la réflexion ; je n’ai plus d’yeux pour ses défauts, il m’en reste seulement pour tout ce qu’elle a d’aimable : n’est-ce pas là le dernier point de la folie ?
Le testament étant toujours une pièce capitale dans l’histoire d’un homme ou d’une femme, je le transcris ici à mon tour : « Fut présente damoiselle Madeleine Béjart, fille majeure usante et jouissante de ses biens et droits, demeurant à Paris, rue Saint-Thomas du Louvre, paroisse Saint-Germain de l’Auxerrois, gisante au lit, malade de corps, en une cinquième chambre ayant vue sur la cour, saine toutefois d’esprit, mémoire et jugement, comme les notaires soussignés l’ont reconnu par ses discours ; laquelle désirant, pendant qu’il plaît à Dieu lui laisser libre l’usage de sa raison, disposer de ses dernières volontés, a fait, dit et nommé aux dits notaires son testament, ainsi qu’il ensuit : Au nom de la très sainte Trinité, premièrement elle a recommandé son âme à Dieu le créateur, la suppliant, par les mérites infinis de la mort et passion de notre seigneur et rédempteur Jésus-Christ, la vouloir admettre en son saint paradis, pour quoi elle implore l’intercession de la bienheureuse vierge Marie et de tous les saints et saintes de la cour céleste du paradis. […] Une jupe et une tavayolle de satin rouge et vert, usage de bohémienne, prisé… viilt. […] Quinze chemises à usage de ladite défunte, de toile de chanvre, dont sept blanches et huit jaunes, prisées ensemble vingt-cinq livres, ci… xxvlt. […] « Nous, commissaire au Châtelet, nous nous sommes transporté rue aux Ours en une maison vis-à-vis la Rose-Rouge, chez un tourneur où, étant monté dans une troisième chambre ayant vue sur ladite rue aux Ours, avons trouvé Jean Pitel, sieur de Beauval, officier du Roi ; lequel nous a dit qu’il y a environ six jours, il aurait rendu plainte à Me Bizoton, aussi commissaire au Châtelet, et fait informer du vol qui lui aurait été fait par Angélique Bonnard, femme de chambre, de laquelle il aurait fait diverses perquisitions depuis lundi 8 jours en cette ville de Paris et enfin aurait découvert que ladite Angélique Bonnard était logée dans la chambre où nous sommes, aurait retrouvé dans ses hardes deux cornettes, une de petite dentelle du Havre et l’autre d’une grande dentelle large de six doigts de malines à double réseau, deux autres cornettes de linon rayé avec une petite dentelle à bride, un bonnet doublé de futaine avec une dentelle à bride et un dessus de bonnet aussi de linon rayé avec une petite dentelle de Malines à bride, une chemise fine à usage d’homme, la dentelle faisant le tour du corset de futaine. […] Lorsque Boileau Despréaux écrivit sa fameuse épitre à Molière, où il le félicite sur sa facilité à trouver la rime, cette épitre ne s’adressait pas seulement à l’auteur dramatique ; elle s’adressait aussi au poète, auteur de chansons galantes que Lully mettait en musique, auteur de sonnets d’apparat que l’usage ordonnait d’offrir aux personnages éminents dont u fallait obtenir les bonnes grâces et réclamer la protection, auteur de poésies amoureuses que l’ancien amant de Madeleine Béjart, le mari d’Armande Grésinde, l’adorateur de la de Brie et de la Du Parc, n’était jamais en peine de mettre au service de ses sentiments ou de ses galanteries.