Si vous dites, pour citer une théorie qui jouit aujourd’hui d’une faveur incroyable, non seulement parmi les pauvres sols tout éplorés qu’Alfred de Musset traîne à ses talons, mais auprès des esprits les plus graves de notre époque, si vous dites que le vrai poète doit être une espèce de don Juan fatal, victime prédestinée de cet insatiable besoin d’aimer qu’on appelle le génie, et semblable au pélican qui donne à ses petits son propre cœur en pâture, s’il vous plaît de répéter cette déclamation, nous vous laisserons faire, et, quand vous aurez fini, nous vous rappellerons simplement l’admirable possession de soi d’un Cervantes et surtout d’un Shakespeare, qui dans la force de l’âge et du talent, cesse tout à coup d’écrire et se met à cultiver son jardin, comme Candide, après avoir eu la tête traversée par un effroyable torrent d’idées et d’images, dont quelques flots auraient suffi pour faire perdre l’équilibre à la plus ferme de nos cervelles.
Le succès justifia son audace : il fit preuve, pour cette fois, du talent de dessiner vigoureusement des caractères, et de combiner savamment une intrigue ; et, dans son faux Philinte de Molière, on put admirer du moins un égoïste véritable. […] Après avoir accordé aux bienséances, et plus encore à ses regrets, tout le temps qu’ils pouvaient exiger, le roi ordonna un de ces divertissements magnifiques, où la flatterie et le talent s’épuisaient pour lui plaire.