/ 176
96. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

Arnolphe, à qui plaît la société des jeunes gens, pour les galanteries qu’ils aiment à dire, ouvre obligeamment sa bourse à notre Horace, et tout aussitôt le met sur le chapitre des femmes. […] Je n’ai pas l’intention d’analyser ce petit chef-d’œuvre, qui, dans ses vingt pages, nous en dit plus que les plus gros livres sur la société polie de ce temps, — comme aussi sur l’art du théâtre ; car Molière y a mis son esthétique, marquée au coin de son admirable bon sens. […] Molière dans les Femmes savantes, est contre Philaminte et surtout contre Armande ; parce que, par le pédantisme, la rude Philaminte enlève à la femme la grâce, Plus belle encor que la beauté ; parce que, par le mysticisme, Armande sacrifie la nature ; — parce que toutes deux, par suite, portent atteinte à la société humaine. […] Il n’y a pas mariage là où il n’y a pas société : il faut que les esprits s’entendent comme les cœurs. […] Il se fierait, pour que cela ne passât pas les bornes, à ce bon sens de race que je rappelais à l’occasion d’Henriette, à ce sens exquis de la mesure et du goût, qui est inné chez nos Françaises, et, aussi, à cette galanterie respectueuse, la galanterie du galant homme, qui ne se perd chez nous qu’à cause justement de la séparation des sexes, cette séparation contraignant l’homme à se gâcher l’esprit et le cœur dans la société des filles de plaisir. — J’ai pu, pour ma part, m’assurer plus d’une fois que cette forte éducation, cette liberté des jeunes filles anglo-saxonnes, savent en faire des créatures admirablement loyales, point du tout pédantes, nullement dénuées de charme féminin ; et je me suis pris à penser que nos jeunes filles françaises y puiseraient très probablement des qualités inattendues, propres à ranimer ces choses qui vont disparaissant : la conversation dans le salon, le conseil au foyer.

97. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Perrin, « le Molière de la postérité. » II A ces renseignements fournis par l’art, la littérature en ajoute qui nous font connaître non plus seulement l’extérieur immobile de Molière, mais sa façon de vivre dans la société de son temps. […] Il n’est donc pas jusqu’à la société parlementaire, toute sérieuse et guindée, qui ne cède au désir d’attirer l’homme à la mode. […] Depuis qu’une exacte critique a examiné de près les allusions contenues dans le début des Amours de Psyché 4, on regrette de ne pouvoir plus reconnaître Molière parmi les quatre amis qui s’en vont écouter, dans les jardins de Versailles, la lecture du poème nouveau ; mais rien ne s’oppose à ce que l’on applique toujours aux réunions tenues chez Boileau ce que dit La Fontaine de « l’espèce de société » qui unissait les promeneurs de Versailles. […] Enfin, si nous sortons du monde des lettres, des arts et de la science, où il est naturel que Molière ait eu ses principales relations, pour revenir à la haute société, nous y trouvons des amis de Molière, et de tout degré. […] Je ne vois guère sous cet aspect le Molière jeune et ardent qui court les grands chemins de Languedoc : on n’engendrait pas mélancolie à Pézenas dans la société des Béjart.

/ 176