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66. (1886) Molière et L’École des femmes pp. 1-47

C’est un tableau tout simplement, une peinture de la société du xviie  siècle, avec des caractères qui sont vrais de tous les temps. […] On oublie que la société française, au xviie  siècle, était profondément monarchique, que la nation ne connaît encore que ses rois, ne connaît que le Roi, et les écrivains ne pensent pas autrement que la nation. […] Du rapprochement que je viens de faire entre Arnolphe et George Dandin, je ne veux tirer qu’une conclusion qui me paraît évidente et décisive : Molière nous a peint deux faiblesses, deux ridicules, deux personnages qui se mettent dans leur tort, l’un devant la nature, l’autre devant la société. […] Et cependant, après avoir recherché dans Les Femmes savantes tout ce qu’elles renferment, dans cette comédie comme dans les autres, nous ne devons voir encore qu’un tableau, une peinture de la société du xviie  siècle avec des caractères éternellement vrais.

67. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Notice historique et littéraire sur Le Tartuffe Le Tartuffe n’est pas seulement un chef-d’œuvre, le chef-d’œuvre peut-être de la scène comique : ce fut aussi un événement mémorable qui agita et divisa l’opinion ; où prirent parti les différentes puissances qui dominent la société ; où l’activité persévérante et courageuse d’un homme eut à lutter, pendant plusieurs années, contre des obstacles, que lui opposaient la magistrature et le sacerdoce ; où le monarque le plus absolu fut longtemps indécis entre les plaintes d’un poète et les alarmes de la religion, entre les penchants de son esprit et les scrupules de sa conscience, et dont enfin l’issue, favorable au théâtre, a eu sur la morale publique une influence qu’on peut qualifier diversement, mais que tout le monde est forcé de reconnaître. […] Qui sait, enfin, si le jésuite n’a pas été animé d’un secret ressentiment contre le poète qui avait jeté l’odieux et le ridicule sur certaines maximes tant reprochées à la fameuse société ? […] Le sujet du Tartuffe appartient essentiellement à la société chrétienne. […] » Quoique, d’après ces détails, on puisse présumer qu’en effet Molière a tiré parti, de quelque anecdote, de quelque trait venu à sa connaissance, tout doit se réduire à ceci : il a trouvé son sujet où il l’avait dû chercher, dans l’étude de l’homme et dans l’observation de la société ; mais dans ce sujet il a trouvé un chef-d’œuvre, et c’est là ce qui, dans les arts, constitue le génie créateur. […] Ajoutons que, du temps de Molière, un mari sentait autrement l’infidélité de sa femme, que du temps de Plaute ; et que le malheur de l’un, comme le tort de l’autre, était autrement envisagé par la société.

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