Son incroyable vitalité se démontre par le seul fait d’avoir résisté à ses propres excès. Elle est encore la seule chose littéraire qui nous occupe et qui nous frappe, la seule qu’on écoute, la seule qu’on discute au milieu de nos bourdonnements politiques. […] Oui, quand un de vos critiques veut assassiner d’un seul mot n’importe quoi, il vous dit : « C’est une berquinade ! […] Je crois que le monde va tout seul, beaucoup. […] Son rire robuste et sain, lui tout seul, a fait rentrer sous terre des légions de vices et fauché des moissons de ridicules.
Il affirme que, de tous les Don Juan du xviie siècle, celui de Molière fut le seul qui ne réussit pas. […] On y voit que, bien loin d’avoir éprouvé une chute, le Festin de Pierre composa le spectacle à lui seul pendant quinze jours consécutifs, et fit faire à la comédie un égal nombre de recettes très productives : celle, entre autres, de la cinquième représentation s’éleva à 2,390 livres, somme très considérable pour le temps. […] La Serre, qui est en ceci la grande et, je crois, la seule autorité, dit simplement, dans son Mémoire sur la vie et les ouvrages de Molière, « qu’on, fut blessé de quelques traits hasardés, que l’auteur supprima à la représentation. » De plus, la scène dont il s’agit a-t-elle été retranchée tout entière, ou seulement raccourcie ? […] Il nous montre d’abord don Juan abusant de tous les dons de la fortune et de la jeunesse, puis cherchant un odieux passe-temps dans la pratique assidue de la séduction, d’où sortent inévitablement les duels, les rapts, les parjures ; bientôt arrivent l’impiété, les sacrilèges, à leur suite l’improbité insolente et le mépris de l’autorité paternelle ; enfin, pour l’achever, survient le seul vice qui lui manquât, l’hypocrisie, qui réunit en elle seule tous les autres vices, et après laquelle il n’y a plus que la damnation. […] Le Don Juan de Molière a seul fasciné l’Europe.