La douceur de sa voix a voulu se faire paraître dans un air tout charmant qu’elle a daigné chanter, et les sons merveilleux qu’elle formoit passoient jusqu’au fond de mon âme et tenoient tous mes sens dans un ravissement à ne pouvoir en revenir. […] Célimène est impeccable, si je ne m’abuse ; elle n’a ni cœur ni sens. […] Ma passion est venue à un tel point qu’elle va jusques à entrer avec compassion dans ses intérêts ; et quand je considère combien il m’est impossible de vaincre ce que je sens pour elle, je me dis en même temps qu’elle a peut-être une même difficulté à détruire le penchant qu’elle a d’être coquette, et je me trouve plus dans la disposition de la plaindre que de la blâmer.
Enfin quelques annotations indispensables ajoutées au texte éclaircissent les obscurités qu’il peut offrir de temps en temps, expliquent le sens d’un petit nombre d’expressions vieillies, qui ont dû être employées par Molière, parce qu’elles étaient, à l’époque où il écrivait, d’un usage fréquent dans la familiarité de la conversation. […] De Visé parle ainsi du sieur Hubert : « Cet acteur était l’original de plusieurs rôles qu’il représentait dans les pièces de Molière, et comme il était entré dans le sens de ce fameux auteur, par qui il avait été instruit, il y réussissait parfaitement. […] Sa taille était avantageuse et bien prise ; sa figure avait ce caractère de beauté mâle qui convient à l’homme : elle prenait un air imposant et fier, tendre et passionné, selon les différents personnages qu’il avait à représenter ; sa voix était sonore, juste et flexible ; sa prononciation facile, nette et d’une grande précision ; ses tons énergiques et variés ; ses inflexions ajoutaient souvent au sens des vers qu’il récitait : on leur trouvait dans sa bouche des beautés qu’ils perdaient quelquefois à la lecture ; son silence, ses regards, les diverses passions qui se succédaient sur son visage, ses attitudes, ses gestes ménagés avec art, complétaient l’effet infaillible de son débit puisé dans les entrailles de la nature.