» N’est-ce pas faire rire aux dépens de Dieu ? […] C’est de prendre le rire comme un critérium du bien et du mal dans la comédie, c’est de ne pas distinguer deux espèces de rire : le rire bienveillant et le rire malveillant ; c’est enfin de ne pas s’apercevoir que lorsqu’on ne rit plus, c’est souvent une marque de blâme plus forte et plus profonde que le rire lui-même, car c’est le commencement du mépris. […] Voilà donc un caractère qui ne provoque pas un instant le rire. […] Elle provoque le rire, dira-t-on, par ses observations malicieuses ; oui, mais elle fait rire des autres, non d’elle-même ; elle fait rire non seulement des absents qui ne sont pas là pour se défendre, mais d’Alceste lui-même, qui vaut cent fois mieux qu’elle. […] Est-ce sa faute ou la faute de ceux qui rient de lui ?
Pour le peintre et le sculpteur, l’art est une belle tête sur la toile, qui nous fasse penser, ou un beau corps de marbre, qui nous émeuve ; pour le comédien, une bonne comédie qui fasse rire. Le rire est son bien ; il le puise à toute source : si la source en est morale, instructive, tant mieux ; quand elle ne l’est point, il y puise quand même ; et cette belle médaille de Molière philosophe et moral a un revers frappé d’immoralité. […] Tout cela est si gaiement présenté, qu’il est bien difficile de ne pas oublier toute la morale outragée pour applaudir au succès de la ruse, et quoiqu’il ne s’agisse que de crimes imaginaires, le rire devient une complicité réelle. […] Qui n’a ri à plein cœur en voyant Sosie battu et Amphitryon à la porte253 ? Mais, pendant tout ce rire, où donc était la morale ?