Moliere varie non seulement les siens à l’infini ; mais ceux qu’il fait à la maniere des Grecs & des Latins, ont encore la plus grande partie des qualités nécessaires pour faire sentir les défauts de ses prédécesseurs.
En sa qualité de père de l’Église, il haïssait la comédie, il exécrait les comédiens et les comédiennes, il ne comprenait pas cette poésie avide de licences, amie et compagne des plus vives passions de la jeunesse ; il se rappelait l’anathème antique, et de cette illustre invention il ne voyait que le désordre, les mauvais penchants, les mauvais conseils, l’obscénité. […] Nous en avons vu beaucoup, dans les livres et dans les comédies du siècle passé, de ces sortes de filles, assez bien nées pour avoir besoin d’être riches, trop pauvres pour se rappeler longtemps qu’elles étaient bien nées ; vous en trouverez dans ces qualités-là et à profusion, dans les Mémoires d’un certain Casanova qui se mêlait de bonnes fortunes. […] Philinte pense, tout bas, du sonnet d’Oronte ce qu’Alceste en pense tout haut ; mais Philinte n’a guère envie, pour de méchants vers, de désobliger cet excellent Oronte qui, poésie à part, a toutes les bonnes qualités d’un homme bien élevé. […] Ce n’est pas non plus le vers étincelant, pétillant et facile de Regnard ; mais le style du Philinte réussit par d’autres qualités. Il entraîne, il est chaleureux, il est abondant, il est rempli des défauts et des qualités de son époque ; on comprend que l’homme qui écrivait ainsi avait, à un haut degré, la conscience de sa force et de son importance : or, ce sont là des qualités trop rares, surtout dans la comédie moderne, pour qu’on soit le bienvenu à s’armer de la Grammaire et du Dictionnaire de l’Académie contre un philosophe tel que Fabre d’Églantine.