Ces représentations privées et ces lectures particulières ne le consolaient pas de la défense qui lui avait été faite de produire sa comédie en public. […] Cette permission lui fut enfin accordée, et, le 5 février 1669, Le Tartuffe eut sa seconde représentation publique qui fut suivie de quarante-trois autres sans interruption. […] C’était narguer assez plaisamment les hypocrites, que d’employer son crédit à faire un bénéficier, le jour même où il lui était permis de les livrer à la dérision publique. […] L’ouvrage remplit, surpassa même l’attente du public, dont la faveur se déclara si hautement, que, pour cette fois, la médiocrité jalouse fut presque réduite au silence. […] Aurait-on voulu par là garantir du reproche d’inconséquence le monarque qui finit par permettre la représentation de cette même pièce qu’il avait d’abord jugé impossible de donner au public ?
Les préjugés du public sont tenaces. […] Le public rit d’Orgon et méprise Tartuffe. […] Or la majorité du public est enfant. […] Il commence par supposer un « public corrompu ». […] De ce que le public s’est démoralisé à une pièce de Molière, concluez que le public était immoral et ne concluez rien du tout contre Molière ; de ce que le public s’est moralisé à une pièce de Molière, concluez que le public était moral et ne concluez rien ni pour ni contre Molière.