C’est le goût des plaisirs qui l’attira auprès de Fouquet et qui l’y retint jusqu’à la disgrâce, qui fit passer ce corrupteur élégant, ce splendide dilapidateur de la fortune publique, des fêtes plus que royales du château de Vaux à la dure prison de Pignerol. […] La Fontaine ne prétend pas, comme Pellisson, que Fouquet soit innocent et qu’il ait mis du sien dans le gaspillage de la fortune publique ; il gémit, il excuse, il supplie. […] Il nous a fallu l’aveu direct et public de quelques insensibles pour être assuré que La Fontaine n’avait pas pour lui l’universalité des suffrages ; mais si le sentiment des beautés dont il abonde a été refusé à quelques-uns, il n’a été donné à personne de pouvoir désabuser le monde d’une admiration qui a ses racines dans le cœur de l’homme.
Oui, l’auteur du Tartuffe a fait Amphitryon 586 ; celui qui a soulevé contre le suborneur hypocrite une indignation telle, que le public n’eût pas été content si le roi même n’était venu frapper ce monstre par sa justice exceptionnelle et terrible587 ; celui qui, craignant qu’on ne lui attribuât une seule des paroles prononcées par son odieux personnage, mettait en note : « C’est un scélérat qui parle588 ; » ce même homme, pendant trois actes qui sont trois chefs-d’œuvre de comédie, de poésie et d’esprit, a fait rire du noble Amphitryon et de la touchante Alcmène, trompés dans leurs honnêtes amours par le don Juan de l’Olympe. […] Ces vers sont donc encore un encouragement à cette double et publique débauche. […] VIII, Crimes publics et cachés dans la comédie.