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153. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

En vérité, Euclion, je vois bien qu’à cause que je ne suis pas fort loin de la vieillesse, vous me croyez propre à être votre dupe : cependant il me semble que je mérite mieux que cela. […]   Harpagon fait voir qu’il est plus raisonnable qu’Euclion, puisqu’il fouille seulement les personnes qu’il a droit de fouiller, & qu’il ne chasse de chez lui que les domestiques qui n’y sont pas absolument nécessaires ; mais Euclion mettant à la porte sa propre servante, Euclion fouillant de force un esclave sur lequel il n’a aucune autorité, fait bien mieux éclater son avarice qu’Harpagon : l’avarice ne mesure pas toutes ses actions. […] Euclion ne redoute pas, comme Harpagon, ses propres enfants ; il ne laisse pas manquer sa fille même des choses les plus nécessaires, & ne l’oblige point par-là à chercher quelque consolation dans les bras d’un homme à qui elle s’unit secrètement ; il n’engage pas aussi son fils, par le même esprit d’avarice, à puiser des secours ruineux dans la bourse des usuriers ; il n’exhorte pas ce fils à placer à honnête intérêt, c’est-à-dire au denier douze, l’argent qu’il gagne au jeu.

154. (1919) Molière (Histoire de la littérature française classique (1515-1830), t. II, chap. IV) pp. 382-454

On se révolte, et l’on a raison, à la seule pensée que Molière ait épousé une Armande qui risquait d’être sa propre fille ; mais, hélas, quand il n’aurait épousé que la fille de sa vieille maîtresse, en dépit de la mère, après neuf mois de résistance, et dotée des économies de Madeleine, dont il recueillit plus tard la succession tout entière, le malheureux grand homme en serait-il plus excusable ? […] C’est l’auteur qui nous amuse du jeu de son imagination, et le personnage n’a pas d’existence propre. […] Molière cherche d’abord des caractères, et en second lieu des événements propres à les mettre en valeur. […] On ne perdra point de temps à imaginer des faits invraisemblables, ou à feuilleter avidement le théâtre espagnol pour en découvrir  : il suffit de se mettre à la fenêtre et de regarder vivre les hommes, ou de se rappeler ses propres aventures et de faire son examen de conscience. […] « Avoir raison aux choses que l’on fait » est une locution barbare ; « mon cœur pour sa défense », est amphibologique, si ce n’est nullement du « mérite » de Valère ou de son propre penchant, à elle, qu’Elise ici songe à « se défendre », mais du jugement que le monde fera du choix de son « cœur ».

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