Jusques-là il y avait eu de l’esprit et de la plaisanterie dans nos Comédies, mais il y ajouta une grande naïveté avec des Images si vives des mœurs de son siècle, et des Caractères si bien marqués, que les Représentations semblaient moins être des Comédies que la vérité même, chacun s’y reconnaissait et plus encore son voisin, dont on est plus aise de voir les défauts que les siens propres.
Vous trouverez dans le poète latin l’idée du fameux sans dot ; Euclion perd aussi sa cassette, et se livre au plus affreux désespoir ; on séduit sa fille ; il prend l’amant pour le voleur, et cette méprise amène des quiproquo comme dans le poète français ; mais où est le maître Jacques de Molière, où est la situation si morale de ce père qui fait l’usure avec son propre fils ? […] Sans doute d’autres comiques ont cherché aussi à donner à leurs acteurs la physionomie qui leur appartient ; mais la plupart n’ont pu s’empêcher d’y mêler leur propre empreinte ; l’auteur se montre toujours plus ou moins à travers ses personnages. […] Ils regardaient tous ce bon accueil comme la fortune de Baron, qui ne fut pas plus tôt arrivé chez Molière, que celui-ci commença par envoyer chercher son tailleur pour le faire habiller (car il était en très mauvais état), et il recommanda au tailleur que l’habit fût propre, complet, et fait dès le lendemain matin. […] Molière, qui aimait les bonnes mœurs, n’eut pas moins d’attention à former celles de Baron que s’il eût été son propre fils : il cultiva avec soin les dispositions extraordinaires qu’il avait pour la déclamation. […] Baron l’a fait paraître dans son prologue de sa comédie du Rendez-vous des Tuileries, ou le Coquet trompé, sous son propre nom, et l’a peinte assez au naturel.