Ce mutisme, cette attention continuelle, ce profond regard obstinément fixé, frappent tout le monde et Boileau appelle son ami d’un nom qui doit lui rester, le Contemplateur. […] Il faisait comme eux sur les matières de foi, protestant de son respect pour elles, les réservant peut-être dans sa conscience, mais la conviction profonde, la direction intérieure, le recours toujours prêt, tout cela lui manquait. […] De cette chronologie et de ces indications sur les maladies de Molière, de ces différences d’inspiration et de conduite dans ses pièces où la médecine entre pour quelque chose, on peut induire avec quelque vraisemblance l’influence profonde que le mal dont il souffrait exerça sur son caractère.
Le côté scientifique de ses œuvres étant resté inaperçu, je me propose de le mettre en lumière, avec la conviction de démontrer que si par ses éminentes qualités littéraires il figure parmi les plus remarquables de nos écrivains, par ses conceptions psychologiques il doit compter parmi les plus judicieux et les plus profonds de nos savants, car il a exposé avec une vérité merveilleuse la plus difficile de toutes les sciences, celle du cœur humain. […] Et encore ne l’a-t-il été que parce que les errements où avait entraîné l’exagération du bel esprit n’avaient pas de profondes racines dans les passions inhérentes à l’humanité. […] En composant ses œuvres, il a eu surtout en vue d’amuser le public ; mais il a jugé que la meilleure manière d’atteindre ce but était de représenter l’humanité dans ses principaux travers ; et cette représentation s’est trouvée si profonde et si parfaite, qu’elle est devenue un haut enseignement psychologique. […] Par les vers suivants, Molière expose en observateur profond cet effet des passions accidentelles : HORACE. […] Mais pour pouvoir adopter pleinement cette méthode rationnelle, que j’ai développée ailleurs et qui se résume ainsi : Viser à se préserver des criminels au lieu de viser à les punir3, il faut être convaincu que la cause nécessaire du crime réside dans une difformité morale naturelle et involontaire, difformité qui a ses racines tellement profondes dans l’organisme qu’il est très fréquent de la voir transmise par l’hérédité.