Cette Aurore voit bientôt paraître un jeune prince, avec un précepteur qui lui donne ces leçons : Moi, vous blâmer, seigneur, des tendres mouvements Où je vois qu’aujourd’hui penchent vos sentiments ! Le chagrin des vieux jours ne peut aigrir mon âme Contre les doux transports de l’amoureuse flamme ; Et, bien que mon sort touche à ses derniers soleils, Je dirai, que l’amour sied bien à vos pareils ; Que ce tribut qu’on rend aux traits d’un beau visage De la beauté d’une âme est un clair témoignage, Et qu’il est malaisé que, sans être amoureux, Un jeune prince soit et grand et généreux... […] Et, puisque les langueurs d’une plaie invincible Nous montrent que votre âme à ses traits est sensible, Je triomphe, et mon cœur, d’allégresse rempli, Vous regarde à présent comme un prince accompli622. » Or cette tirade était dite à Louis XIV, jeune et triomphant, dans ces fameuses fêtes appelées les Plaisirs de l’Ile enchantée, qu’il donnait, sous le couvert de la reine mère, et en présence de la jeune reine délaissée, à Mlle de La Vallière, en sorte que sa mère et sa femme servaient de prétexte aux hommages royaux rendus publiquement à sa maîtresse623.
Quoi qu’il en soit, les biographes insistent avec raison sur l’importance relative d’une charge qui passa, comme on sait, à Molière, et qui conférait, sinon la noblesse avec le titre d’écuyer, comme on l’a dit sans en donner de preuves qui soient sûres, tout au moins le privilège, alors tant envié, des approches du prince. […] Mais Molière arrive trop tard ; la place est déjà prise par un certain Cormier, et, n’était l’insistance de Cosnac, qui veut dégager sa parole, on n’admettrait même pas la troupe à l’honneur de jouer devant le prince… Cette anecdote, que nous connaissons par les Mémoires de Cosnac, montre du moins la fausseté de la légende que nous avons rappelée plus haut, et selon laquelle on fait remonter la bienveillance dont le prince honora Molière au souvenir de leur camaraderie du collège de Clermont. — La troupe reçut pension d’Armand de Bourbon, et l’on s’intitula désormais « comédiens du Prince de Conti ». Quand le prince quitta la Grange, les comédiens retournèrent à Lyon, dans les premiers jours de 1654, et c’est à Lyon qu’ils passèrent la plus grande partie de cette année. […] Il rencontra les comédiens à Lyon, en avril 1655 ; il les suivit à Avignon, puis à Pézenas, où ils se transportèrent pour une seconde session des Etats (1655-56). — Ils y séjournèrent du mois de novembre au mois de février ; — d’Assoucy ne quitta ces honnêtes gens, « si dignes de représenter dans le monde les personnages des princes qu’ils représentent tous les jours sur le théâtre », qu’au mois d’avril ou de mai 1656, lors de leur arrivée à Narbonne. […] Nos troubles l’avaient mis sur le pied d’homme sage, Et pour servir son prince il montra du courage.