Est-il possible, par exemple, de peindre mieux l’effet que produit le phébus et le galimatias dans la conversation comme dans les livres, que par ce vers si heureux ? […] Ce n’est pas tout : je renforcerai mes pinceaux pour couvrir de comique les scènes où je montrerai mon Tartufe ; je rendrai la crédulité de la dupe encore plus risible que l’hypocrisie de l’imposteur; Orgon, trompé seul quand tout s’unira pour le détromper, en sera si impatientant, qu’on désirera de le voir amené à la conviction par tous les moyens possibles, et ensuite je mettrai l’innocence et la bonne foi dans un si grand danger, qu’on me pardonnera de les en tirer par un ressort aussi extraordinaire que tout le reste de mon ouvrage. […] Heureusement elle est si connue, qu’il suffit de la rappeler ; car elle est si hardie, qu’il ne serait pas possible d’analyser ici, sans blesser les bienséances, ce qui, sur le théâtre, ne s’en éloigne pas un moment, pas même lorsque Tartufe rentre dans la chambre d’Elmire après avoir été visiter la galerie qui en est voisine. […] Après avoir dit ces paroles avec une fausse douceur, il s’alla jeter, avec un zèle encore plus faux, aux pieds de son ennemi, et les lui baisant, il lui demanda pardon. » Voilà précisément les actions et le langage de Tartufe lorsqu’il défend Damis contre la colère de son père, et qu’il se met à genoux en s’accusant lui-même et se dévouant à tous les châtiments possibles.
Riccoboni tâche, autant qu’il lui est possible, de rapprocher toutes les idées du théâtre du côté des poètes italiens ; c’est pourquoi, malgré les louanges qu’il donne à Molière, il veut que ce grand auteur comique ait puisé le fond de L’École des maris chez les auteurs de sa nation, et ne dit pas un mot de Térence, à qui Molière doit la principale idée de sa comédie. […] « Le goût, la finesse du sentiment naturel et de la vraisemblance se trouvent dans l’économie de ce dénouement : les égards du sexe et du rang, la délicatesse du cœur, et toutes les bienséances y sont marquées avec un art que l’on ne peut trop admirer ; ainsi, malgré les difficultés qu’il y avait à surmonter, Molière a rendu ce dénouement excellent, de défectueux qu’il était dans l’original. » « [*]Je ne sais si l’on peut citer une fable dont le fonds soit plus excellent que celui de La Princesse d’Élide : le caractère est beau et noble : les motifs sont naturels et puisés dans le sentiment ; les moyens et les passages, ingénieux et simples ; les degrés des passions sont traités avec toutes les nuances et toute la vraisemblance possible, et l’art y est fin et caché tout ensemble. […] Ensuite le père prenait une clef, avec laquelle il semblait monter cet instrument par le moyen d’une roue qui faisait un vacarme terrible dans le corps de la machine, comme s’il y avait eu une multiplicité de roues possible et nécessaire pour exécuter ce qu’il lui allait faire jouer ; il la changeait même souvent de place, pour ôter tout soupçon. […] Quoique la Fête de Versailles en 1664, dans laquelle la comédie-ballet de La Princesse d’Élide entra, soit non seulement imprimée dans toutes les éditions des Œuvres de Molière, mais encore séparément, nous avons cru cependant ne pouvoir nous dispenser d’en rapporter quelques détails, surtout ceux qui ont rapport à la pièce qui fait le sujet de cet article, et à l’histoire que nous traitons ; mais nous abrégerons le plus qu’il nous sera possible.