Si l’antique liberté était rendue à la comédie moderne, les meilleurs poètes d’Allemagne ou de France ne ressusciteraient pas la comédie d’Aristophane, en produisant sur la scène le peuple et ses conducteurs, Cléon ou Socrate, et en agitant, sous les yeux des citoyens, les grandes questions du jour. […] Il est complètement absent de ces lourdes satires politiques où l’on a parfois prétendu rendre au peuple le théâtre d’Athènes. […] Au milieu d’un peuple léger ils ont pris le poste d’honneur de la pédanterie ; pour qu’un ouvrage leur inspire de l’estime, il faut qu’il porte l’empreinte d’une difficulté péniblement vaincue ; ils confondent la légèreté aimable qui n’a rien de contraire à la profondeur de l’art, avec cette légèreté superficielle qui est un défaut du caractère et de l’esprit109.
Et quant à cette scène que Grimarest essaye de décrire: — le populaire attroupé devant la maison de Molière, la femme de Molière épouvantée du murmure menaçant de cette « foule incroyable » et jetant par la fenêtre l’argent à pleines poignées, — certainement il ne nous déplairait pas qu’une fois de plus le peuple eût prouvé ce merveilleux instinct qu’il a pour méconnaître les siens, ceux qui l’ont aimé le plus sincèrement, et qu’il eût outragé le cercueil de Molière comme dix ans plus tard, par exemple, il outragera le convoi de Colbert ; mais il existe un texte précis. […] Il y avait grande foule de peuple, et l’on a fait distribution aux pauvres qui s’y sont trouvés de 1 000 à 1 200 livres, à chacun cinq sols. » II. […] Et c’est ici qu’il faut distinguer ses pièces, mettant à part les grosses farces qu’il a faites pour le peuple, et qu’on a tant reproché à Boileau d’avoir condamnées, et les séparant des comédies en lesquelles Molière mettait toutes ses complaisances : le Misanthrope, Tartufe et les autres.