de quel droit me parles-tu avec tant d’empire, si tu n’es pas mon pere, reprit le jeune Comte en se relevant avec fureur ? […] Un jour elle l’apperçoit, révele son secret à Théodon : celui-ci parle au Marquis, qui, trop épris de Rosalie, avoue que Mélanide prend mal son temps pour se faire reconnoître. […] parlez : Le Marquis, à part. […] parlez :Sauroit-il qui je suis ?
Ce gouverneur d’Euryale, qui, au lieu de blâmer ou de réprimer les tendres sentiments de son élève, les justifie et les encourage, lui confesse qu’il s’inquiétait jusque-là de voir qu’un jeune prince, en qui brillaient tant de belles qualités, ne possédât pas la plus précieuse de toutes, ce penchant à l’amour, qui peut tout faire présumer d’un monarque, et auquel les héros doivent leurs plus grandes actions, mais lui déclare que, rassuré par la passion dont il vient de lui faire l’aveu, il le regarde à présent comme un prince accompli ; cet Arbate, dont le langage convient si peu à son grave emploi, parle en courtisan de Louis XIV, charmé des faiblesses de son maître, et empressé de les flatter, dans l’espoir d’en tirer parti pour sa fortune, ou du moins pour ses plaisirs. […] Je veux parler de ces pièces qu’on appelle quelquefois génériquement des surprises de l’amour, par allusion à deux comédies de Marivaux, nommées de ce titre qui aurait pu convenir à toutes celles du même auteur. […] Paris avait couru en foule à cette pièce où une statue parlait et marchait, et dont le dénouement était un homme à la fois frappé de la foudre et englouti dans un abîme de feux. […] La troupe de Molière, fâchée sans doute d’avoir été devancée deux fois, mais estimant que la curiosité publique n’était pas encore épuisée, pressa Molière de faire à son tour parler et marcher la statue du commandeur ; et Molière, disposé en tout à se sacrifier aux intérêts de ses camarades, composa un troisième Festin de Pierre, qui fut représenté le 15 février 1665. […] Lorsqu’il semble braver avec quelque audace l’avertissement que le ciel lui donne en faisant mouvoir et parler une statue, son assurance n’est que de la forfanterie, son courage n’est autre chose que la crainte de paraître céder à des terreurs qu’il a toujours eu l’air de mépriser : au fond de l’âme, il ressent un effroi véritable, et la religion à laquelle il insulte est loin d’avoir perdu sur lui tout son empire.