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178. (1740) Lettres au Mercure sur Molière, sa vie, ses œuvres et les comédiens de son temps [1735-1740] pp. -89

Moliere a changé, parla supériorité de son génie, le goût de ses contemporains pour l’obscénité, et les a forcés à venir en foule se divertir en gens raisonnables, et non pas en grigous et en crocheteurs. Son jugement exquis l’a toujours porté à ne jamais parler lui-même dans ses pièces, mais à y faire parler toujours ses personnages selon l’idée qu’il donne de leur condition et de leur tour d’esprit. […] Un scélérat odieux par ses noirceurs et par son hypocrisie, le prodige insensé d’une statue qui parle et qui se meut, le spectacle extravagant de l’Enfer, ne révoltèrent point la multitude, toujours avide du merveilleux. […] Le Roy Louis XIV a toujours considéré l’acteur dont nous parlons comme un gentilhomme, quoique comédien. […] C’est celui dont parle Boileau dans le Repas ridicule ; Nous n’avons, m’a-t-il dit, ni Lambert ni Molière.

179. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Jamais, depuis le père du Menteur, Thalie n’avait parlé un langage aussi éloquent, aussi noble ; jamais on n’avait vu des passions contraster plus habilement, ni des intérêts se heurter d’une manière plus dramatique. […] Ariste, Chrysale, Philinte, Cléante, sont philosophes sans parler sur le même ton ; leur sagesse a un accent différent. […] Le premier Jour fut plus heureux qu’elle ne se l’était promis ; mais ceux qui avaient entendu le petit Baron en parlèrent si avantageusement, que le second jour qu’il parut sur le théâtre, le lieu était si rempli que la Raisin fit plus de mille écus. […] C’était un maître et un oracle quand il parlait : et ces comédiens avaient tant de déférence pour lui, que Baron n’osa lui dire qu’il était retenu ; et la Duparc n’avait garde de trouver mauvais que le jeune homme lui manquât de parole. […] Sauval, qui fut témoin de ce duel, en parle dans ses Antiquités de Paris.

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