. — Et elle a tant à s’occuper ! […] Quand il a clos ce sermon, en l’invitant à faire la révérence, comme en passant devant le sacrement, il lui fait lire, pour sa gouverne, un joli petit moisi livret, dirait maître François, destiné à être son unique entretien, et qui renferme Les maximes du mariage ou les devoirs de la femme mariée… avec son exercice journalier… Tout cela est le développement naturel du caractère d’Arnolphe ; il n’est point de libertin ayant pris sa retraite et entré au giron du mariage qui n’ait, pour sa défense et le morigènement de sa moitié, appelé au secours la religion et le diable ; le bon de l’Eglise, disent-ils, c’est qu’elle occupe nos femmes et les range au devoir. […] La question femmes en France est toujours brûlante ; et tant que nous serons du monde, — grâce à elles, — elles occuperont et dérangeront nos meilleurs esprits. […] D’autant plus que la science aujourd’hui s’est dépouillée du crasseux appareil qui l’affublait du temps de Molière ; qu’elle s’égaie et s’humanise ; et que tel savant, qui occupait naguère dans l’Instruction publique le plus haut poste officiel, peut-être en même temps le plus aimable compagnon, fort capable, entre deux arrêtés ou deux découvertes, d’improviser en souriant de jolis vers, sans pour cela s’en faire accroire.
La foule était grande, le succès surpassa encore les espérances de l’auteur : mais la cabale des dévots ne s’était pas endormie, elle mit en mouvement tous ses compères et toutes ses dupes ; elle trompa, elle calomnia si bien, enfin elle suscita un tel orage, que la nouvelle comédie fut défendue le lendemain au moment où une multitude immense occupait déjà la salle. […] Cependant que ce généreux prince occupe tous ses soins à maintenir la religion, Molière travaille à la détruire ; le roi abat les tempêtes de l’hérésie, et Molière élève des autels à l’impiété ; et autant que la vertu du prince s’efforce d’établir dans le cœur de ses sujets le culte du vrai Dieu par l’exemple de ses actions, autant l’humeur libertine de Molière tâche d’en ruiner la créance dans leurs esprits par la licence de ses ouvrages. […] Ce nom de Tartuffe a été un sujet de longues investigations pour les érudits, qui, en général, s’occupent beaucoup plus des mots que des choses. […] Le nom d’un chef-d’œuvre mérite bien autant de recherches que le nom d’un homme, et nous vivons dans un temps où il n’est peut-être pas hors de propos de s’occuper de la généalogie du Tartuffe.