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104. (1919) Molière (Histoire de la littérature française classique (1515-1830), t. II, chap. IV) pp. 382-454

Une comédie étant obligée de finir, il est bon que l’auteur avertisse, par la faiblesse même de son dénouement, que cette fin n’est pas vraie, mais seulement obligatoire. — Molière, semble-t-il, n’a pas eu cette intention nette ; il a accordé peu d’attention au dénouement, parce que c’est une pièce essentielle de l’intrigue, et que l’intrigue est pour lui chose secondaire. […] Mais enfin puisque Molière nous oblige à réfléchir sur de certaines questions, nous voulons savoir quels sont précisément ces questions. […] Mais, dans cette cour où Louis XIV, à peine émancipé de la tutelle de sa mère, promenait son caprice de sultane en sultane ; où toutes et tous, autour de lui, jeunes et ardents comme lui, ne respiraient, il son exemple, que la galanterie, que l’amour, que la volupté : où le sévère Colbert lui-même se faisait le ministre des plaisirs autant que des affaires du maître, il n’y avait pas, il ne pouvait pas y avoir d’ « hypocrites », ni de « faux dévots », par la bonne raison que la dévotion n’y menait personne à rien ; qu’il eût donc été, non inutile, mais imprudent, mais dangereux de la feindre  ; et qu’à moins d’y être obligé par son métier de confesseur ou de prédicateur, on eût été suspect, en n’imitant pas la conduite du prince, de la blâmer. […] Nous ne reprocherons donc pas à Molière d’avoir mis cette phrase dans la bouche de don Juan, parlant aux frères de son Elvire : « Oui, je suis don Juan lui-même, et l’avantage du nombre [que vous avez sur moi] ne m’obligera pas à vouloir déguiser mon nom ». […] Elles l’obligent à changer de ton.

105. (1802) Études sur Molière pp. -355

Qu’on se représente surtout le malheureux époux obligé de quitter la scène sans pouvoir, sans oser proférer une parole ; et qu’on dise ensuite, si un dénouement pareil, outre qu’il est plaisant, ne prémunit pas bien contre les démarches précipitées de la plupart des hommes en se choisissant une compagne. […] Que les jeunes acteurs perdent beaucoup à n’avoir pas vu Du… et Préville jouer ensemble ces deux rôles ; l’écolier et le maître disparaissaient ; le premier, sous la malignité d’un dieu qui s’amuse à lutiner un homme ; et le second, sous l’habit d’un esclave obligé de céder à l’ascendant d’un dieu. […] Euclion trouve un esclave auprès de son trésor, le fouille, l’oblige à montrer ses deux mains, et lui demande à voir la troisième. […] Quelques maître Jacques, consultés par Harpagon sur le repas qu’il est obligé de donner, croient faire merveille en ajoutant une longue énumération de plats à ceux dont parle Molière, et ils ne se doutent pas que, dès ce moment, Harpagon n’est plus ni avare ni comique, en s’écriant : Ah ! […] Bélise se croit obligée de donner à Clitandre ce conseil : Qu’il prenne garde au moins que je suis dans son cœur ; Par un prompt désespoir souvent on se marie : Qu’on s’en repent, après, tout le temps de sa vie !

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