Depuis l’an 1658, jusqu’en 1673, c’est-à-dire en quinze années de temps, Molière donna toutes ses pièces, qui sont au nombre de trente. […] Molière se fit dans Paris un très grand nombre de partisans, et presque autant d’ennemis. […] Malgré l’irrégularité de la conduite de cette pièce, elle plaît par un grand nombre de traits, et sur-tout par le tour neuf et délicat de la déclaration de l’amour à Psyché Les Femmes savantes , comédie en cinq actes et en vers, représentée sur le même théâtre, le 11 mars 1672.
Mais comme, dans ce siecle charmant, tout est soumis au tribunal des Dames, qu’elles font sur-tout le sort des ouvrages de génie, & qu’il importe beaucoup à la république des lettres que le plus grand nombre ait des idées vraies, justes & dignes de ce goût fin, délicat & naturel que le beau sexe a reçu en partage, je me contenterai de faire remarquer aux Dames qui seront en ceci d’un avis contraire au mien, qu’il faut bien moins d’adresse pour présider à la parure d’une femme jeune & jolie, qu’à celle d’une vieille : & elles se récrieront, sur-tout si elles sont parées des fleurs de la beauté & de la jeunesse ; il a raison : Madame une telle, par exemple, est un sujet ingrat, que l’art de trois Marthons des mieux stylées ne sauroit embellir ; elle est toujours d’une laideur amere : si ! […] A mesure qu’il travaille, la sécheresse, l’ingratitude de son sujet font naître mille difficultés, qu’il est besoin de vaincre ou d’écarter l’une après l’autre : de là ces scenes tout-à-fait décousues ou préparées avec effort ; de là ces expositions continuelles ; de là ces pieces monstrueuses, qui, quoique remplies de ces écarts de l’esprit, de ces traits de lumiere qui décelent de grands talents aux yeux des connoisseurs, déplaisent cependant au grand nombre, & se voient sacrifiées, avec quelque justice, à ces drames sans feu, sans imagination, & qui ne doivent tout leur mérite qu’au choix heureux d’un sujet pris dans un roman. […] L’homme que nous avons supposé ne manquera pas de s’écrier que le Dépit Amoureux est une des plus belles pieces de Moliere, puisqu’il en est peu où l’on trouve un si grand nombre de beautés ; & il sera tout étonné quand on lui dira que c’est une des moins bonnes.