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177. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Pensez-vous qu’un nom grec donne plus de poids à vos raisons, et ne trouveriez-vous pas qu’il fût aussi beau de dire l’exposition du sujet que la protase, le nœud que l’épitase, et le dénouement que la péripétie. […] Monsieur Lysidas, appelez les choses par leur nom et, sur ce terrain, je ne vous redoute guère. » Molière n’a pas obéi aux préceptes d’Aristote et d’Horace par aveugle respect de la tradition, mais il s’est trouvé en fait amené à les suivre parce que ces règles, « dont vous embarrassez les ignorants, ne sont que quelques observations aisées que le bon sens a faites sur ce qui peut ôter Je plaisir que l’on prend à ces sortes de poèmes » ; Molière ne condamne donc pas les règles, mais ne veut point qu’on les entoure de mystère et de vénération ; et là, comme en toute autre matière, il ne se paye point de mots… La nature et l’honneur féminin Les idées de Molière sur l’honneur féminin, la liberté qu’il sied de laisser aux jeunes filles et aux épouses durent sembler de son temps étrangement hardies. […] On le trompe, on le dupe ; Tartuffe ment, il ne méprise les richesses que faute d’en posséder et parle trop de sa naissance pour un homme uniquement occupé du ciel : Qui d’une sainte vie embrasse l’innocence Ne doit pas tant prôner son nom et sa naissance… Mais elle ne s’attarde guère à ces considérations générales. […] Le premier, celui sur lequel il revient sans cesse, est d’être simples : Monsieur Purgon a beau s’affubler d’une longue robe noire et parler latin, il n’en tue pas moins ses malades ; Monsieur Lysidas invoque Aristote et fait d’exécrables pièces ; le philosophe Pancrace est un âne avec toute son érudition ; Marphurius, qui feint de douter si le monde extérieur existe ou non, a besoin de quelques coups de bâton pour se souvenir qu’il existe des juges ; Trissotin, qui mêle en ses vers les calembours aux soupirs, est insupportable. — Molière dit à Arsinoé qu’elfe s’y prend un peu tard pour devenir prude ; à Dorante, ami de Monsieur Jourdain, qu’en dépit de ses belles manières et de son titre, il est un escroc ; à Don Juan, fils insolent, révolté contre toute idée de devoir individuel ou social, égoïste et méchant, au seigneur qui s’abaisse à user de son prestige pour intimider et congédier un créancier, au séducteur de Dona Elvire, repenti tardivement et s’en remettant hypocritement au ciel du soin de réparer ses fautes : « Apprenez que la vertu est le premier titre de noblesse, que je regarde bien moins au nom qu’on signe qu’aux actions qu’on fait, et que je ferais plus d’état du fils d’un crocheteur qui serait honnête homme, que du fils d’un monarque qui vivrait comme vous » ; Clitandre, amant d’Angélique et plein de mépris pour le roturier Georges Dandin : « Vous avez une étrange façon de mentir et de vous parjurer, pour un gentilhomme ! 

178. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

L’illustre comédien (donnons-lui hautement ce nom qu’il a su venger d’un injuste mépris) est représenté assis dans l’attitude grave et méditative qui lui était habituelle. […] Les siècles ont transformé la société, ils ont enseveli les pompes fastueuses de Versailles; il n’y a plus ni roi, ni cour; mais l’homme n’a point changé; nos travers ont pris un autre nom, un autre habit sans rien perdre de leur nature, et en riant des Sganarelle, des Géronte, des Trissotin, des Purgon, des Orgon, de M. […] Ce chef-d’oeuvre est anonyme ; mais si l’auteur est inconnu, l’ouvrage n’en a pas moins un nom célèbre, un nom immortel est que vous connaissez tous, Messieurs : c’est Patelin.

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