Ces personnes-là eurent un bien autre sujet de mécontentement en 1662, quand fut jouée L’École des femmes, dans une scène de laquelle Arnolphe, pour devenir complet, lui qui est déjà mari systématique, devient docteur et pédant de morale et de religion. […] Il fit donc, il conçut donc sa pièce primitivement contre les jansénistes ; car, dans sa première scène, Tartuffe est janséniste, il affecte toutes les maximes outrées du jansénisme en morale. […] Cette morale de la pièce, grande et élevée, je la trouve exprimée à plus d’un endroit. […] C’est un résultat abusif de l’autorité morale acquise de longue main sur lui, de la confiance qu’on lui inspire ; craignez et prenez garde qu’il n’ait une opinion qu’il n’aurait pas, qu’il ne fasse un choix qu’il ne ferait pas, s’il était moins mené et mieux éclairé. […] Il faut maintenant, si vous voulez, que je vous fasse une confidence, — ne la répétez pas, — ceci n’est plus de la morale, mais de la littérature. — Après avoir signalé les passions de Molière, eh bien, je serais presque fâché qu’il ne les eût pas eues.
Aucun législateur n’a mieux tracé que lui les devoirs des époux et des femmes, des fils et des pères, ainsi que nous le prouverons dans l’analyse succincte de chacune de ses pièces prises au point de vue de la morale. […] IL y a au théâtre un axiome tout à fait contraire à la morale privée. […] Il a dévoilé, dans cet intérieur de famille, les désordres auxquels les vices des pères entraînent les enfants, et c’est avec peine que l’on voit encore Rousseau, toujours retranché dans la misanthropie, se refuser à comprendre cette morale. […] Cela sert la morale, au lieu de la blesser, et nous donne un peu de bon temps ; le rire est si rare de nos jours ! […] Molière conservait la tradition réformatrice; il appuyait la morale sur la base des sentiments naturels, et non sur l’incertitude des révélations : là se trouve toute la philosophie.