Les Auteurs qui sont venus après le pere de la vraie comédie, ont, je n’en doute point, tenté de marcher sur les traces de ce grand homme, & de présenter leurs idées avec des expressions naturelles, comiques, intelligibles aux spectateurs les moins éclairés : mais la nature a épuisé ses dons en faveur de Moliere, & s’est montrée avare pour ses successeurs, qui n’ayant pas un génie capable d’imaginer des fables nouvelles, d’imiter heureusement celles des Anciens, ou de profiter des idées des nations voisines ; ne pouvant enfanter que des pieces dont l’action & le mouvement suffisent à peine pour soutenir un seul acte, & ne voulant pas ressembler à Poisson, qui se nommoit plaisamment un cinquieme d’Auteur, parcequ’il n’avoit fait que de petites pieces, imaginerent d’amuser le spectateur & de l’éblouir par des pensées brillantes. […] Il résulte de tout ce que je viens de dire dans ce chapitre, qu’un poëte comique doit parler la langue de toutes les nations, & savoir prendre à propos le ton du bourgeois, de l’homme de Cour, du savant, de l’ignorant ; & malheur à tout Auteur dramatique, de qui la diction fait perdre de vue l’action & ses personnages, pour nous montrer l’Auteur dans son cabinet.
‘ Un philosophe de nos jours a montré, dans un livre excellent, que la famille est la véritable source de la moralité des peuples658 : Molière n’a jamais mis sur son théâtre l’exemple d’une famille qui ne fût odieuse ou ridicule. […] Quelque avantage qu’il y ait à démontrer que les pères ne doivent être ni intéressés, ni débauchés, ni insouciants, ni égoïstes, ni avares, ni durs, il y a un plus grand désavantage à ne pas montrer qu’ils sont respectables parce qu’ils sont pères, à ne pas faire ressortir tout ce qu’il y a de naturel et de bon dans la famille grandissant autour d’eux avec amour et ^soumission.