/ 275
149. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

Ce bon sens lui apprit à voir l’amour en philosophe, comme une des facultés naturelles de l’homme, bonne quand il ne la laisse pas parler plus haut que la raison, belle jusqu’au sublime dans les âmes qui, par nature et par volonté, sont belles et élevées. […] Molière était obligé d’en demeurer aux termes de la comédie, et l’art même lui défendait de mettre sur la scène autre chose que les lettres de Célimène et les avances mielleuses d’Arsinoé 470 ; mais pourtant, quand il montre la jeune coquette refusant d’aller ensevelir dans un désert ses fautes et son repentir471, il laisse deviner la vie qu’elle mènera dans v le monde : Peut-être avant deux ans,...... […] Il semble que le Clitandre des Femmes savantes pourrait se laisser aimer par les deux sœurs, et flatter même la passion éthérée de la folle Bélise, pour se ménager des appuis dans la maison : non, il leur déclarera en face quel est son choix, au risque de soulever des jalousies qui compromettront son amour479. […]   Boileau, Satire X, v. 533. — On alliait très-bien la débauche avec le quiétisme précieux :   Tout ce que le corps fait ne se compte pour rien ;   Ce corps n’est qu’une aveugle et sensible matière,   Qu’un amas agité de boue et de poussière,   Dont tous les mouvements, que la cupidité   Produit sans la raison et sans la volonté,   Sont actes sans aveu, sans malice, sans blâme,   Et ne peuvent salir la pureté de l’âme,   Qui, jouissant an ciel de solides plaisirs,   Laisse vivre le corps an gré de ses désirs.

150. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

L’Aurore chante, en ouvrant le jour qui verra se dénouer les amours de la Princesse d’Elide 620 : Quand l’amour à vos yeux offre un choix agréable, Jeunes beautés, laissez-vous enflammer ; Moquez-vous d’affecter cet orgueil indomptable Dont on vous dit qu’il est beau de s’armer : Dans l’âge où l’on est aimable, Rien n’est si beau que d’aimer. […]   C’est la même leçon tendrement corruptrice que chantent en sérénade à Julie les musiciens d’Eraste dans M. de Pourceaugnac : Répands, charmante nuit, répands sur tous les yeux          De tes pavots la douce violence, Et ne laisse veiller en ces aimables lieux Que les cœurs que l’amour soumet à sa puissance. […] Ceux qui ont laissé sur la terre déplus riches monuments n’en sont pas plus à couvert de la justice de Dieu ; ni les beaux vers ni les beaux chants ne servent de rien devant lui ; et il n’épargnera pas ceux qui, en quelque manière que ce soit, auront entretenu la convoitise. » Molière poussant au désordre, publiquement, devant sa mère, sa femme, et toute la cour, le roi de France, le représentant de Dieu sur la terre, et attirant ainsi les colères célestes sur le royaume ! […]   Satire X, v. 131 :   Par toi-même bientôt conduite à l’opéra,   De quel air penses-tu que ta sainte verra   D’un spectacle enchanteur la pompe harmonieuse,   Ces danses, ces héros à voix luxurieuse,   Entendra ces discours sur l’amour seul roulans,   Ces doucereux Renauds, ces insensés Rolands ;   Saura d’eux, qu’à l’amour, comme au seul dieu suprême,   On doit immoler tout, jusqu’à la vertu même ;   Qu’on ne sauroit trop tôt se laisser enflammer ;   Qu’on n’a reçu du ciel un cœur que pour aimer ;   Et tous ces lieux communs de morale lubrique   Que Lulli réchauffa des sons de sa musique ?

/ 275