Il allait les déshonorer, ternir à tout jamais leur nom, leur beau nom de tapissiers, de juges, de consuls. […] Juge nous un peu sur une gageure que nous avons faite. […] Et moi je juge que ce n’est ni l’un, ni l’autre ; vous êtes fous tous deux de vouloir vous appliquer ces sortes de choses, et voilà de quoi j’ouïs l’autre jour se plaindre Molière, parlant à des personnes qui le chargeaient de même chose que vous. […] Adieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. » Cette batterie, de Chapelle avec le vieux Godemer, nous montre qu’il y avait alors, entre les maîtres et les domestiques, une familiarité, une liberté de parole qui n’existent plus de nos jours, et que Molière n’a rien exagéré dans ses rôles de Lisette, de Dorine, de Nicolle, de Toinette. […] qu’on en juge; voici un petit passage du discours des avocats de la danse : « Que, s’il fallait parler des qualités nécessaires aux personnes qui dansent et à celles qui jouent du violon, il ne serait pas difficile de faire voir que les danseurs ont tout l’avantage, car ils doivent être bien faits de corps.
Uranie se défie sagement des premiers mouvements d’antipathie de son goût dans les choses nouvelles pour elle de l’art et de la poésie ; elle ne croit pas avoir raison contre tout le monde ; elle ne croit pas avoir raison contre une portion éclairée du genre humain ; elle ne croit pas avoir raison même contre un seul bon juge qui loue ce qu’elle condamne, et néanmoins elle conserve, elle prétend conserverie sentiment du laid. […] En Allemagne372, M. de Schlegel ouvrait ainsi son Cours de littérature dramatique : « Il n’y a point dans les arts de véritable juge sans la flexibilité qui nous met en état de dépouiller nos préjugés personnels et nos aveugles habitudes, pour nous placer au centre d’un autre système d’idées, et nous identifier avec les hommes de tous les pays et de tous les siècles, au point de nous faire voir et sentir comme eux. […] Il se jette au cœur des réalités qu’il veut connaître, sort de lui-même pour mieux éprouver la puissance de l’objet, ne juge rien à un point de vue absolu, parce que les jugements absolus isolent ce qui n’est pas isolé, fixent ce qui est mobile dans un monde où tout se touche et s’enchaîne, se limite et se prolonge ; il conserve toujours, partout, ce calme et ferme esprit d’observation que rien n’étonne, qui sait rendre instructives jusqu’aux folies de nos semblables, jusqu’à leurs apparentes déviations de l’ordre et de la loi395. […] Il accepte ses formes diverses ; il n’en condamne aucune, et les décrit toutes ; il juge que l’imagination passionnée est une force aussi légitime et aussi belle que la faculté métaphysique ou que la puissance oratoire ; au lieu de la déchirer avec mépris, il la dissèque avec précaution ; il la met dans le même musée que les autres et au même rang que les autres ; il se réjouit, en la voyant, de la diversité de la nature. » Taine, Essais de critique et d’histoire.