Une lecture attentive de la comédie M. de Pourceaugnac laisse dans l’esprit 1’idée d’une chose incomplète, mal finie, soit dès 1’origine, soit par suite d’un remaniement ; il y a des hésitations dans la marche de l’intrigue, dans l’enchaînement de certains dialogues, dans l’ordre de quelques scènes. […] Ces mots semblent ajoutés ; l’époque de la représentation de Pourceaugnac ne fait nullement penser au divertissement populaire du carnaval, amenant des masques au travers de l’intrigue, chose usuelle à la Cour, mais qui eût semblé mal justifiée à la Comédie, sans quelques mots de préparation.
Indépendamment de l’intrigue qui embellit cette scene, les différentes mines, les différents maintiens que l’acteur est obligé d’y prendre pour peindre les divers personnages qu’il représente, la mettent bien au-dessus de la scene de Moliere, & de l’italienne. […] En second lieu, les amours de Léandre & d’Octave n’ont pas la moindre liaison entre elles, & forment très visiblement une double intrigue ; mais dans Térence les aventures des deux cousins sont accrochées ensemble par Géta, qui fait servir le mariage d’Antiphon, & le desir que les vieillards ont de le rompre, pour favoriser la tendresse de Phédria. […] Une fois réunies, elles formeroient un chef-d’œuvre ; mais il faudroit pour cela être doué d’un esprit assez souple, assez adroit pour rapprocher ces différentes pieces de rapport, sans que la contrainte se décélât à travers ; & pour les assortir avec goût, il faudroit avoir assez de justesse & de sagacité dans l’imagination, pour accommoder aux bienséances de notre scene une intrigue qui roule sur une fille esclave, sur une autre qui ne peut épouser son amant parcequ’on la croit étrangere, & sur un mari qui a deux femmes.