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102. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

L’avarice de l’autre, au contraire, sans cesse aux prises avec le sentiment des convenances sociales, et la crainte des jugements publics, sans cesse en butte aux plaintes, aux ruses et aux sarcasmes d’une famille qui pâtit au sein de la richesse, offrira ce conflit, cette lutte du caractère et de la situation, qui est le véritable ressort de l’intérêt comique. […] S’il existe aujourd’hui des misérables qui joignent, à la vivacité d’esprit dont ils font preuve, la perversité d’âme dont ils font parade, quel jeune homme bien né, même pour les plus chers intérêts de son amour, songerait à employer, à salarier leur coupable industrie ? […] Pourceaugnac est, si je l’ose dire ainsi, le moule d’où sont sortis depuis un siècle, et d’où sortent chaque jour encore ces milliers de petites pièces destinées à faire rire le parterre de la capitale, des ridicules d’un homme de province, qui vient par le coche à Paris, pour y épouser une jolie fille, et qui s’en retourne dans la même journée, bafoué, tourmenté, excédé par des fourbes de profession qu’un rival préféré a su mettre dans ses intérêts. […] Le principal rapport des deux pièces consiste dans l’intervention d’un personnage subalterne, mais assez bien venu à la cour, ici à titre de fou, là en qualité de bouffon, et qui, prenant en main les intérêts d’un amant timide, emploie tout ce que les prérogatives de son office lui donnent d’accès et de privauté auprès d’une princesse, pour sonder son cœur, s’assurer s’il ne renferme pas le germe d’une passion réciproque ; l’y déposer, s’il est nécessaire ; le développer par ses soins, et forcer enfin le double orgueil du rang et du sexe à confesser sa défaite.

103. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. De l’Etat, de la Fortune, de l’Age, du Rang, du Nom des Personnages. » pp. 39-75

De là résultent le comique, le moral, l’intérêt même, & plusieurs autres qualités d’un drame. […] Nous verrons dans un autre chapitre que les poëtes comiques doivent peindre seulement les vices du cœur, ou ceux de l’esprit, parceque ce sont les seuls dont les hommes soient répréhensibles, & dont ils puissent se corriger ; par conséquent Regnard, toujours plaisant, mais presque jamais moral, ne devoit pas jouer la distraction, ou du moins devoit-il donner à Léandre un état qui, en rendant ses méprises plus dangereuses, fît sentir combien la distraction est contraire à certaines professions, & combien il est imprudent de remettre ses intérêts entre les mains des personnes qui ont ce défaut. […] Transportons-nous dans une salle de jeu ; plusieurs tables y sont dressées : nous n’avons pas besoin de regarder de bien près pour décider quelle est celle où l’on risque une plus grosse somme ; l’intérêt, l’attention des spectateurs, nous en instruisent assez.

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