J’ai écrit à peu près la même chose à madame de Thianges, et c’est une précaution que m’inspire la prudence. […] Pour conserver l’affection du prince en même temps que son estime, pour ne pas mentir au sentiment qu’il avait inspiré sans y céder, il fallait qu’en résistant à ses désirs, on laissai voir une pressante disposition à y céder, mais en même temps une soumission profonde à une puissance qui ordonne d’y résister ; il fallait, en faisant souffrir de sa résistance, qu’il fût certain qu’on en souffrait soi-même. […] Tous les biographes81 s’accordent, avec raison, à dire, d’après la correspondance de madame de Maintenon, que, « parvenue aux grandeurs, elle se trouva si importunée des respects que son nouvel état inspirait au directeur, qu’elle crut devoir donner sa confiance à un autre ».
Voilà le pardon des injures, le pardon chrétien, qui inspire Cléante quand Orgon s’élance sur Tartuffe vaincu, en criant : Hé bien ! […] Quant à la sublime humilité du repentir, aux trésors de la miséricorde divine, avec quelle grandeur et quelle douceur ces choses sont encore exprimées par done Elvire à don Juan : « Je sais tous les dérèglements de votre vie ; et ce même ciel, qui m’a touché le cœur et fait jeter les yeux sur les égarements de ma conduite, m’a inspiré de vous venir trouver758, et de vous dire de sa part que vos offenses ont épuisé sa miséricorde, que sa colère redoutable est prête de tomber sur vous, qu’il est en vous de l’éviter par un prompt repentir, et que, peut-être, vous n’avez pas encore un jour à vous pouvoir soustraire au plus grand de tous les malheurs. […] Mais il n’y faut chercher, on le répète, que l’expression d’un sentiment personnel sur la religion, non des principes qui régnassent dans son âme au point d’inspirer toujours ses compositions. […] La sanction de la morale de Molière est dans le sentiment de joie et de dignité qu’inspire le devoir accompli ; dans l’estime de soi-même et des autres consciencieusement acquise ; dans l’espoir du bonheur pur et sans remords que la vertu seule peut donner ; dans la sérénité d’âme et la tranquillité de cœur que porte en soi le seul honnête homme.