Le caractere de l’héroïne est beau : les motifs & les moyens principaux y sont puisés dans le sentiment : les degrés des passions y sont traités avec des nuances très fortes & même très délicates ; elles annoncent, dans l’Auteur, toutes les finesses de son art : les situations sont intéressantes : il y a des scenes où le cœur de l’homme est développé en entier. Moliere les a vues presque toutes, s’en est emparé, & les a traitées en grand homme : mais pourquoi n’a-t-il pas mis en action, sous les yeux du spectateur, le moment où la Princesse chante pour charmer son amant ? Une femme qui a le dépit de voir manquer les armes qu’elle croit les plus puissantes pour ranger un homme sous ses loix, la contrainte d’un amant qui est forcé de cacher les progrès que l’amour & les talents de sa maîtresse font sur son cœur, tout cela auroit-il paru à Moliere indigne d’attacher le spectateur ? […] A toi seul destinée par les hommes & les Dieux, à toi seul elle se réserve ; tu peux la posséder aujourd’hui sans te plaindre, sans pousser des soupirs Cependant tu la dédaignes, tu la fuis !... […] Si le Seigneur éclairé à qui nous devons la Bibliotheque du Théâtre, donnoit au Public le recueil de Coypel, il feroit de cet Auteur un homme célebre, quand même toutes ses pieces ne seroient que médiocres.
Ces trois noms, depuis notre enfance, sont logés dans notre cervelle, comme ceux de trois demi-dieux particuliers à notre pays ; sur un rayon de notre bibliothèque, si chétive qu’elle soit, si encombrée de romans nouveaux, nous gardons leurs ouvrages ; nous les montrons à nos enfans, à peu près comme telle mère leur montre l’évangile, et tel père la Déclaration des droits de l’homme. […] » Heureusement, ce jour-là n’est pas venu ni près de venir : Corneille est populaire chez nous, autant que peut l’être un homme de l’ancien régime et qui « savoit la politique, » suivant le témoignage de son neveu, aussi bien que les belles-lettres et l’histoire, « mais les prenoit principalement du côté qu’elles ont rapport au théâtre. […] Plus que Racine, autant que Molière, le grand homme du jour a gardé la faveur publique ; il est même, sinon plus estime ni plus aimé, du moins plus respecté que Molière ; il tient le dessus dans cette trinité, il est Dieu le père : allons voir quels honneurs ses cardinaux lui rendent ! […] Ce n’est même pas L’Exil d’Ovide ni Le Mari qui, depuis deux ans, auront bouché la voie aux classiques : voyons la destinée de ces grands hommes dans les derniers exercices, — de septembre 1883 à juin 1884, et de septembre 1884 à juin 1885. […] Hoffman (Le Roman d’une heure) ; jusqu’à Picard (Les Ricochets et L’Acte de naissance) ; jusqu’à Wafflard et Fulgence (Le Voyage à Dieppe et Le Célibataire et L’Homme marié). — J’omets, comme étrangère, une pièce traduite de Kotzebue, Les Deux Frères. — Voilà quel gros de comiques sépare les grands classiques, à jamais admirables et aimables, des contemporains.